à Bordx Le 4 Aoust 1766
Monsieur,
La détresse ayant souvant touvé chez vous du soulagement, J'oze, Enhardi par Divers Exemples M'addresser à votre générosité affin de pouvoir accomplir des fins, Bien Difficiles à terminer, si Je ne suis aidé par une suite ordinaire De vos Bontés.
Attaché depuis Longtems, à La personne du monde La plus accomplie & Désirant après tant De souffrances, que J'ai Essuyé, Metre fin à Nos paines, J'ai Rancontré un obstacle insurmontable; c'est Le vil intérêt d'un père, qui Faisant peû de Cas D'une union formée par un amour Réel & une inclination sincère, se Refuze aux sollicitations presantes, que lui font touts Les Jours une tandre & chère fille & un parfait amant, De qui Les talants ne sont pas un objet assez avantageux pour Le Déterminer; Il faut de L'argant & àmoins de Dix Mille livres, Il n'i a Rien à Espérer, & Nous perdons cette chère Maitresse & Moi tout espoir de nous unir Jamais; si cette triste situation de deux amants Malhureux pouvait produire quelqu'Effet sur votre Cœur généreux, & que touché de Notre sort vous vouliez me procurer cette somme comme un prêt que Je fairais touts Mes Efforts de satisfaire & Reconnaitre, ou par une Espèce de quette, Vous Meteriés Le Comble à nos satisfactions, & nos vœux pour vous seraint aussi Durables que notre vie, De Laquelle Il ne nous sera pas Difficile de nous affranchir, si nous sommes privés du soulagement que nous Nous sommes Flatés de Rencontrer dans Le Cœur D'un homme qui met tout son plaisir à Consoler des Malheureux. C'est donc dans ce doux espoir que J'ai ozé prendre tant de Liberté, prévenû d'avance du secret que vous Voudrez Bien me garder.
J'ai L'honneur d'être avec Respect
Monsieur
Votre très humble & très obéist servr
Laclaverie ainé Capne de Navire marchant à Bordeaux