28e[25] 9bre 1765
Il y a deux choses, mes divins anges, à considérer en ce paquet.
La plus importante est celle de deux vers à restituer dans Adélaïde; et ces deux vers se trouvent dans une lettre ci-jointe à le Kain, laquelle je soumets à la protection de mes anges.
La seconde est une billevésée d'une autre espèce qui fera voir à mes anges, combien je suis impartial, ami de la paix, exempt de ressentiment, équitable, et peut-être ridicule.
Plusieurs membres du conseil de Genêve, et plusieurs citoyens sont venus tour à tour chez moi, et m'ont exposé les sujets de leurs divisions. J'ai pris la liberté de leur proposer des accomodements. Il y a quelques articles sur lesquels on transigerait dans un quart d'heure; il y en a d'autres qui demanderaient du temps, et surtout plus de lumières que je n'en ai. Mon seul mérite si c'en est un, est de jouer un rôle diamétralement opposé à celui de Jean Jaques, et de chercher à éteindre le feu qu'il a soufflé de toutes les forces de ses petits poumons. J'ai mis par écrit un petit plan de pacification qui me paraît clair et très aisé à entendre par ceux qui ne sont pas au fait des lois de la parvulissime république de Genêve. Donnez vous, je vous en prie, le plaisir ou l'ennui de lire ma petite chimère; je ne veux pas la présenter aux intéressés, avant que vous m'ayez dit si elle est raisonnable. Je crois qu'il faudrait préalablement la montrer à deux avocats de Paris, afin de savoir si elle ne répugne en rien au droit public, et au droit des gens. Ensuite, je vous prierai de la faire lire à mr de ste Foi, à m. le marquis de Chauvelin, à m. Henin, et enfin à m. le duc de Praslin, mais non pas à mr Cromelin, parce qu'il est partie intéressée, et que, malgré tout son esprit et toute sa raison, il peut être préoccupé.
Si m. le duc de Praslin approuvait ce plan, je le proposerais alors au conseil de Genêve, et ce serait un préliminaire de la paix que m. Hennin ferait à son arrivée. Je ne me mêlerai plus de rien, dès que m. Henin sera ici, je ne fais que préparer les voies du seigneur.
Je sais bien, mes divins anges, que m. le duc de Praslin a maintenant des affaires plus importantes. Je vois avec douleur que les parlements à force d'avoir demandé des choses qui ont paru injustes, succomberont peut-être dans une chose juste, et que la France ne sera pas du diocèse de Novogorod la grande.
La maladie de m. le dauphin cause encore de plus grandes inquiétudes, et ce n'est pas trop le temps de parler des tracasseries de Genêve; mais aussi les tracasseries étrangères peuvent servir de délassement, et amuser un moment.
Amusez vous donc et donnez moi vos avis et vos ordres.
Quand vous serez dans un temps plus heureux et plus fait pour les plaisirs, le petit ex-jésuite vous enverra ses roués. Il a profité, autant qu'il a pu de vos très bons conseils. Il ne parviendra jamais à faire une pièce attendrissante, ce n'était pas son dessein, mais elle pourra être vigoureuse et attachante.
Toute ma petite famille baise très humblement le bout de vos ailes.
NB: Je ne vous ai point envoyé une partie de rogatons, parce que je vous destine le tout. J'ai envoyé deux ou trois feuilles à m. l'abbé de Chauvelin, et deux ou trois autres à made du Deffant. La somme totale sera de trois volumes, que Cramer avait commencé d'imprimer sans m'en rien dire, et auxquels j'ai été obligé de donner mes soins quand il m'a dit son secret.
V.