8 février 1762
Ma chère nièce voilà Cassandre tel que je l'ai fait lire à m. le c. de Bernis, à m. le duc de Villars, à m. de Chauvelin, à des connaisseurs, à ceux qui n'ont que de l'instinct.
Tous l'ont également approuvée.
Je voudrais que vous donnassiez un jour à dîner à d'Alembert et à Diderot: il y a un Damilaville premier commis du vingtième; c'est la meilleure âme du monde, c'est mon correspondant, c'est l'intime ami de tous les philosophes: vous pourriez mettre melle Clairon de la fête. Je ne sais pas si on la récitera jamais comme je l'ai lue: j'ai toujours fait frémir et fondre en larmes; mais comme je me défie de l'illusion que peut faire un auteur, je l'ai toujours soumise au jugement des yeux, qui sont plus difficiles que les oreilles.
Quand tout cela sera fait je vous écrirai que je ne me soucie point qu'on joue Cassandre. J'abandonne Paris à la comédie italienne réunie avec l'opéracomique contre Cinna et contre Phèdre. Je crois Cassandre très singulier, très théâtral, très neuf; c'est précisément pour cela que je ne veux pas qu'on le joue.
Je me suis avisé de mettre des notes à la fin de la pièce. Ces notes seront pour les philosophes. J'y révèle les secrets des anciens mystères. L'hyérophante me fournit le prétexte d'apprendre aux prêtres à prier dieu pour les princes, et à ne pas se mêler des affaires d'état. Je prends vigoureusement le parti d'Athalie, contre Joad. Tout cela m'amuse beaucoup plus qu'une représentation que je ne verrai pas, qui n'est pas faite pour les partisans d'Arlequin, et que le petit Fleuri dénoncerait peut-être à la cohue des enquêtes.