Au château de Ferney, pays de Gex, 15 février 1761
J'aime autant les romans orientaux, monsieur, que je déteste les romans suisses: recevez mes remerciements, et croyez que mon estime pour vous est égale au plaisir que vous m'avez fait.
J'ai dévoré votre Daira; je vais la faire lire à mademoiselle Corneille. Je ne peux mieux commencer son éducation. On dit que vous avez eu le malheur d'être loué par Fréron. Cela est triste; mais le suffrage des honnêtes gens doit vous consoler. S'il est vrai, monsieur, que vous ayez fait imprimer vos comédies, je vous prie de ne me point oublier dans la distribution de vos grâces. Vous devez avoir reçu autant de compliments que vous avez donné de Daira. Continuez, monsieur, à cultiver cette aimable partie de la littérature, et goûtez longtemps les plaisirs de l'esprit, après avoir goûté tous les autres. Vous serez connu par de beaux ouvrages et de belles actions.
J'ai l'honneur d'être, avec une estime et un attachement bien véritables, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire