1760-11-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Françoise Corneille.

Votre nom, Mademoiselle, votre mérite, et la lettre dont vous m'honorez, augmentent dans mde Denis et dans moi le désir de vous recevoir, et de mériter la préférence que vous voulez bien nous donner.

Je dois vous dire que nous passons plusieurs mois de l'année dans une campagne auprès de Geneve, mais vous y aurez toutes les facilités, et tous les secours possibles pour tous les devoirs de la religion. D'ailleurs, notre principale habitation est en France, à une lieue de là, dans un château très logeable que je viens de faire bâtir, et où vous serez plus commodément que dans la maison d'où j'ai l'honneur de vous écrire; vous trouverez dans l'une et dans l'autre habitation de quoi vous occuper, tant aux petits ouvrages de la main qui pourront vous plaire, qu'à la musique et à la lecture. Si votre goût est de vous instruire de la géographie et de l'histoire, nous ferons venir un maître qui sera sans doute très honoré d'enseigner quelque chose à la petite fille du grand Corneille; mais je le serai beaucoup plus que lui de vous voir habiter chez moi. J'ay l'honneur d'être avec respect, mademoiselle, v. &c.

Je me joins à mon oncle, mademoiselle, pour vous marquer tout le plaisir que nous aurons de vous recevoir. Je ferai de mon mieux pour vous rendre votre séjour agréable, et pour mériter votre confiance. J'espère que lorsque nous nous connaîtrons vous m'accorderez un peu d'amitié; je le mérite par le désir que j'ai de vous servir, et de vous prouver les sentiments que votre nom et tout le bien qu'on nous a dit de vous m'inspirent.