[10 aoust 1760]
Je cherche ma dernière lettre à mon cher Palissot pour vous l'envoier.
Palissot est un brave homme; il imprime français, aurais, ferais par un â et les enciclopédistes n'en ont pas tant fait. Ce drôle là ne manque pas d'esprit et a même quelque talent. Mais c'est un calomniateur que mon cher Palissot, un misérable, et j'ay eu l'honneur de l'en avertir assez guaiment. Autant que je peux m'en souvenir ma dernière lettre à ce cher Polissot était toutte crétienne.
Je doute fort que Mr de Mallesherbes me rende d'importants services. Un folliculaire qui fait la feuille intitulée l'avant coureur, nommé Jonvale, demeurant quai de Conti, m'a mandé qu'on luy avait donné l'oracle des philosophes à annoncer. Vous savez ce que c'est que cet oracle. Pour moy j'en ignore l'auteur. Mon divin ange vous me feriez plaisir de me faire connaitre ce bon homme. Je luy dois au moins un remerciment. Ce Jonvale l'annonçait donc, et en même temps le dénonçait aux honnêtes gens comme un plat libelle. Il prétend que son censeur qu'il ne nomme pas luy a rayé son annonce et luy a dit, si vous tombez sur V. on vous en saura gré, mais si vous voulez deffendre V. on ne vous le permettra pas. Or mon cher ange vous saurez que V. se moque de tout cela, qu'il rit tant qu'il peut et que s'il digérait il rirait bien davantage. O anges V. baise le bout de vos ailes avec plus de dévotion que jamais.
11 au matin. La nouvelle n'est pas vraie. Ce n'est qu'une confirmation de la nouvelle de la levée du siège de Dresde avec quelque perte.
Voicy trois pancartes pour mr de Chauvelin que je foure vite dans le paquet. La poste part.
N. b. nous voicy à dimanche 10 august, ou barbarement aoust. Le bruit se répand sur le haut Rhin, de là à Bale, de Bale à Shafouze, de Shafouze à Berne, de Berne aux Delices que le maréchal de Dawn a défait l'armée de Luc sans ressource. Demain nous en saurons davantage. Il serait doux d'écraser dans le même mois, Luc, Freron et Pompignan. La poste partira avant que je puisse vous dire des nouvelles; mais au bout de vingtquatre heures vous en saurez plus que moy par les couriers que recevra M. le duc de Choiseuil, supposé que cette nouvelle soit plus vraye que celle des 22 jésuittes pendus.