1760-04-09, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles de Brosses, baron de Montfalcon.

Le petit antifétichier remercie très humblement le grand et sage antifétichier.
J'ai reçu, monsieur, toutes les pancartes que vous avez eu la bonté de faire dresser pour moi. La Perrière se trouvant hors des limites de la Bâtie et de Tournay, voilà la chose plus indécise que jamais. Plus je connais cette terre et plus je vois qu'il ne faut songer qu'au rural et très peu au seigneurial. Mon occupation est d'améliorer tout; et je ne songe à faire pendre personne. Un honneur qui ne produit rien est un bien pauvre honneur au pied du mont Jura.

J'ai stipulé à s. a. s. une somme fort honnête pour son droit visigot. Je ne veux pas qu'il me traite pour Tourney comme pour Fernex. M. le marquis de Chauvelin m'avait porté parole de sa part qu'il se réglerait suivant la manière dont m. Fabri en userait, et à proportion de ce que je payerais à m. Fabri, son fermier. Cependant s. a. s. a exigé 1000 livres au delà de ce qui lui revenait, et je les ai payées pour ne pas avoir un procès avec un prince du sang.

Quant au coup de sabre donné à un savoiard qui s'en porte très bien et que je fis panser à Genève, à mes dépens, puisque le bailliage de Gex a trouvé bon de faire tant de bruit, pour une omelette, j'ai toujours cru qu'il était dur qu'il m'en coutât environ 600 livres sans que je sache seulement de quoi il s'agit, sans que j'aie vu les pièces du procès, sans qu'il soit dit dans l'exécutoire pourquoi on me fait payer 600 livres. M. de Courteilles a ordonné que les receveurs du domaine eussent à surseoir leur saisie à Tournay. On dit cependant qu'ils la feront. Je n'entends pas les affaires. Je crie, et je compte sur vos bontés.

On fait un emprunt de 60 millions sur la province d'Alzace.

N. B. que s. a. s. ne m'a pas encore répondu sur l'offre que j'ai eu l'honneur de lui faire.

Mille respects.

V.