aux Délices 12 janvier [1759]
Mon cher amy; je suis malade de bonne chère, de deux terres que je bâtis, de cent ouvriers que je dirige, du cultivateur et du semoir, et de nombre de mauvais livres qui pleuvent.
Pardonnez moi si je ne vous écris pas de ma main; spiritus enim promptus est, manus autem infirma. Je soupçonne que vous êtes actuellement dans cette grande villasse de Paris, où tout le monde craint le matin pour ses Rentes, pour ses billets de Lotterie, pour ses billets sur la compagnie, et où l'on va le soir battre des mains à de mauvaises pièces, et souper avec gens qu'on fait semblant d'aimer; j'ai apris avec douleur la perte de nôtre ami Formont, c'était le plus indifférent des sages; vous avez le cœur plus chaud, avec autant de sagesse, pour le moins: je le regrette beaucoup plus qu'il ne m'aurait regretté, et je suis étonné de lui survivre; vivez longtemps, mon ancien ami, et conservez moi des sentiments qui me consolent de l'absence: nôtre odoriférant marquis a fait un éffort qui a dû lui coûter des convulsions; il m'a payé mille Ecus, par les mains de son receveur des finances. Il faudra que je présente quelque fois des requêtes à son conseil; le bon droit à besoin d'aide auprès des grands seigneurs, et je vous remercie de la vôtre; si le marquis savait que j'ai acheté une belle Comté, il redouterait ma puissance, et traitterait avec moi de couronne à couronne.b Bonsoir mon ancien amy. On dit que le cardinal de Bernis a la jaunisse. Vous êtes plus heureux que tous ces messieurs là.
V.