1756-05-03, de Gabriel Cramer à Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes.

Monsieur,

Nous avons terminé aujourd'hui l'édition des œuvres de Mr. de Voltaire, qu'il a bien voulu confier à nos soins.
Nous aurons l'honneur de vous en envoier un exenplaire mercredi par la poste, à vôtre adresse: Le tems ne nous permet pas de le faire relier, et nous n'avons pas cru devoir diférer cet hommage.

Les tentatives qu'ont fait auprès de vous Monsieur, quelques uns de nos amis, pour vous demander de la tolérance sur l'introduction de cet ouvrage, ont dû sans doute vous être fort à charge: Nous vous en faisons bien des excuses, et ça été plutôt l'effet de leur zèle que de nos sollicitations.

Vous voudrez bien permettre Monsieur que nous nous rendions au désir de quelques personnes de vôtre ville, qui préfèrent l'édition originale faite sous les yeux de l'autheur, à celle qui doit paroitre à Paris: Nous n'en envoierons point aux Libraires, et le nombre que nous en destinons au Particuliers, n'excédera pas celui de cent exemplaires.

Les ouvrages de Monsieur de Voltaire peuvent être envisagées comme une production de France: On peut penser aussi que l'arbre étant transplanté, le fruit doit apartenir au païs dans lequel il a pris racine.

Nous nous estimerions bien heureux Monsieur, si cette avanture nous faisoit connoitre de vous comme nous désirerions l'être, et nous faisoit jouïr de vôtre estime et de vôtre bienveuillance qui nous sont infiniment prétieuses.

Nous sommes avec respect

Monsieur

Vos très humbles et très obéissants serviteurs

Les frères Cramer

Si vous voulez bien permettre Monsieur que nous envoions à Paris les œuvres de Mr. de Voltaire au particuliers qui nous les demandent, nous espérons que vous voudrés bien donner des ordres pour qu'ils ne soient pas enlevez à la chambre syndicale. Nous les adresserons à Monsieur l'abbé Sallier, à Monsieur Pernon, à Monsieur de Langeron, à Monsieur Buisson, à Monsieur Saladin, et à Monsieur Sellon nôtre ministre.