à Monriond près de Lausanne 1er Janvier 1756
Je souhaite de tout mon cœur la bonne année à toute la famille; mais surtout plus de santé que je n'en ai.
Je donnerai tout ce que j'ai promis, et tout ce que je pourai faire, c'est-à-dire, quelques chapitres pour completter le tome qui parait trop mince. Je finirai l'Histoire générale; je mettrai en ordre tous les matériaux de la Préface des Oeuvres mêlées; mais encor une fois, il faut un peu de temps pour tout cela. Il y a aussi quelques cartons à mettre dans l'Histoire générale, surtout à la page 33 du premier Tome. Je crois avoir laissé ce carton entre les mains de Mr Cramer. C'est un malheur que cette édition furtive et défigurée de la guerre de 1741. Je prie instamment Mr Cramer d'écrire à tous ses correspondants que ce n'est point là mon ouvrage. Il serait bon d'envoyer ma lettre à l'Académie française, et de la faire mettre dans les Journaux. C'est à quoi je travaille de mon côté.
La véritable Histoire que j'ai composée de la guerre de 1741, demande quelque temps pour être retouchée: il faut dans cet ouvrage dire toujours la vérité, et ne blesser jamais personne, ce qui n'est pas une petite difficulté.
Je persiste d'ailleurs à croire que le temps n'est point du tout propre pour fatiguer encor le Public d'une édition de mes ouvrages, et que tant d'éditions coup sur coup inspirent un dégoust mortel. Cependant je travaillerai comme si le temps pressait: mais j'exhorte Mrs Cramers, et je m'exhorte moi-même à savoir un peu attendre.
Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.
le malade V….