1751-03-31, de Voltaire [François Marie Arouet] à Michel Lambert.

Je ne cesse de m'affliger de la précipitation imprudente avec la quelle on a commencé une édition qui auroit pu être prétieuse si on m'avoit consulté.
Je vois qu'on a eu si peu de soin et tant d'empressement, que l'on a fait cette edition sans avoir même le secours du 9ème tome de l'édition de Dresde, de sorte que je crains avec raison que cette édition de Dresde en 9 volumes ne soit baucoup plus complette que celle qu'on veut donner en onze volumes. Encor une fois, il faut tâcher de mettre si on peut quatre tomes en deux. Cela sera aisé en choisissant les plus minces et en mettant sur le titre tome 4 et 5, tome 6 et 7.

Je viens de m'apercevoir qu'on a omis dans les corrections que j'ay envoyées, une correction essentielle. C'est au chant quatrième de la Henriade page 67.

Après ce vers

Les regards éblouis de l'Europe confuse

ôtez ce qui suit et mettez,

Le mensonge subtil qui règne en ses discours,
De la vérité même empruntant le secours,
Du sceau du dieu vivant empreint ses impostures
Et fait servir le ciel à vanger ses injures.

V. à peine

Il n'y aura qu'à mettre un carton, et je prie mr Lambert de n'y pas manquer.

Ces changements dans la Henriade même annoncez dans la préface donneront au moins quelque relief à l'édition mais encor une fois est il possible qu'on ait si mal distribué les matières? enfin cela est fait, je souhaitte que M. Lambert n'ait pas à se repentir de son entreprise.