à Paris ce 19 [20]décembre 1755

Je viens de recevoir, Monsieur, une lettre de Jean Marie Bruyzet qui me parle d'une édition de Voltaire qu'on fait à Geneve et qu'il se propose d'imiter à Lion.
Vous sçavés combien cette matière est délicate à traiter. D'ailleurs vous sentés bien que Bruyzet n'est pas le premier à faire cette demande, et s'il pouvoit y avoir à ce sujet quelque tolérance, vous vous doutés bien qu'on en auroit usé envers le libraire de Paris qui a déjà donné des éditions du même auteur.

Ce que je vous dis est de vous à moy. J'espère que vous brûlerés ma lettre, mais je vous serois fort obligé de dire comme de vous même à Bruyzet que sa demande à cet égard n'en est pas raisonnable.

Sa lettre en contient une autre et elle a pour objet d'imprimer dès àprésent et en attendant l'examen et la permission expresse un ouvrage intitulé, Nouveaux principes de perspective linéaire &c.

A cet égard je vous le renvoye et je le charge d'aller prendre vos ordres. Je crois réellement qu'il n'y a pas d'inconvéniens à luy permettre de commencer toujours cette édition en attendant que le privilège en soit expédié: mais ce ne peut estre de votre part qu'une permission verbale.

Vous connoissés l'ancien et inviolable attachement avec lequel j'ay l'honneur d'estre, Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur

de Lamoignon de Malesherbes