1755-03-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

La lettre de Cadix, Monsieur, que vous avez eu la bonté de m'envoyer m'annonce de grandes espérances et nulle réalité.
Mr de La Leu est plus éffectif: nous tirerons sur lui au mois d'avril; je ne veux pas abuser de sa complaisance. J'abuse un peu de la vôtre, Monsieur, en fait de vins. J'en ai trouvé à Versoy de fort bon que je n'ai pu m'empêcher de prendre; il est éxcellent et prêt à boire; c'est du meilleur Bourgogne, je m'en servirai pour remplir les deux pièces du Beaujolois que vous voulez bien m'adresser. Je suppose que ce Beaujolois sera un peu de garde. Nous ne faisons pas grande consommation de cette liqueur, et nous ne serons de longtemps en état ma nièce et moi d'en faire boire à nos amis. Nous ne pouvons encor recevoir personne dans une maison remplie d'ouvriers de toute espèce. Mr Mallet avait des amis qui aimaient apparemment à être couchés durement, et à se passer de garderobes. Il n'y avait pas une chambre honnête à donner. Je fais bâtir une petite aile; je fais des grilles, j'abbats des murs, j'embellis ce que vous serez un jour tenté d'habiter. Madame Denis vous fait mille compliments, et je suis à vous tendrement pour jamais. Votre très h. est ob. serv.

Voltaire

Permettez que je mette cette lettre pour Cadix dans le paquet.

P. S. J'ajoute que je vous prie, Monsieur, de vouloir bien dorénavant m'envoyer mes lettres en droiture pour ne pas fatiguer Mr Chapuis qui ne se porte pas trop bien.