A Senones par Ravon ou Raon [c. 20 juin 1754]
Vous me laissez faire mon cher et respectable ami, un long noviciat dans ma thebaïde.
Voicy la troisième lettre que je vous écris. Je n'ay de nouvelles ny de vous ny de madame Denis. Elle m'a mandé que vous m'avertiriez du temps où je dois venir vous trouver. Mon cœur n'avait pas besoin de ses avertissements pour être à vos ordres. Je ne suis parti que pour venir vous voir, et me voicy à moitié chemin sans savoir encor si je dois avancer. Je vous ay supplié de vouloir bien vous informer d'un paquet de lettres qu'on m'a adressé à Plombieres où je devrais être. J'écris au maitre de poste de Remiremont pour en savoir des nouvelles. Ce paquet m'est de la plus grande conséquence. Si vous avez eu la bonté de le retirer ayez celle de me le renvoier par la poste à Sénones avec les ordres positifs de venir vous joindre. Il ne me faut qu'une chambre, un trou auprès de vous et je suis très content. Mes gens logeront comme ils pouront, votre grenier serait pour moy un palais. Je suis comme une fille passionnée qui s'est jettée dans un couvent en attendant que son amant puisse L'enlever. C'est une étrange destinée que je sois si près de vous et que je n'aye pu encor vous voir. Je vous embrasse avec autant d'empressement que de douleur. Mille tendres respects à madame d'Argental.
V.
Voicy un autre de mes embaras. Je crains que vous ne soyez pas à Plombieres. J'ignore tout dans mon tombeau. Resuscitez moy.
Il faut malheureusement huit jours pour recevoir réponse et nous ne sommes qu'à quinze lieues.