1754-01-17, de Frederick II, king of Prussia à George Keith, 10th Earl Marischal.

Je vous avoue, mon cher milord, que je me fais une secrète joie de vous revoir; pour plus de sûreté votre frère vous marquera un itinéraire dont je crois que votre prudence fera son profit.
On dit que le Cäpten n'honorera pas cette année son peuple chéri de sa présence; en ce cas, nous pourrons nous arranger ensemble sur votre départ.

Nous avons ici une fould d'Anglais, mais je ne vois parmi eux aucune semence des Chesterfield ni des Bolingbroke; ils logent chez m. Cari et ils vont à Hénouvér.

Le fol s'est dit mort et s'est fait annoncer comme tel dans les gazettes; cela lui a valu l'épigramme que je vous envoie pour vous amuser:

Ci-gît le seigneur Arouet,
Qui de friponner eut manie;
Ce bel esprit toujours adroit
N'oublia pas son intérêt
En passant même en l'autre vie:
Lorsqu'il vit le sombre Achéron,
Il chicana le prix du passage de l'onde
Si bien que le brutal Charon
D'un coup de pied au ventre appliqué sans façon
Nous l'a renvoyé dans ce monde.

Malheur à l'auteur de l'épigramme, si le poète le découvre; ce serait alors qu'il ferait des Akakia. Mais l'épigramme ne risque rien entre vos mains. Adieu, mon cher milord, je vous embrasse de tout mon cœur, en vous souhaitant santé, prospérité et vie.

Fr.