1752-11-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

J'ay l'honneur de vous renvoyer madame les lettres de madame de Maintenon.
C'est pour des français le plus prétieux monument qui puisse servir à l'histoire de la cour de Louis 14. Madame de Maintenon écrivait d'ailleurs comme vous, avec finesse et avec énergie. Elle était moins vraye, elle n'avait pas une naissance égale à la vôtre. Elle a fait sur la fin un meilleur mariage. Mais elle a été rarement heureuse. On ne l'est guères dans ce monde.

Voicy un détail de malheurs en latin. C'est une consultation que je fais à Librekins sous le nom d'un voiageur. Je mets à l'épreuve votre grande passion de faire du bien, et votre goust pour les malades. Il faut que Librekins mette son opinion au bas de la requête latine. Il faut surtout qu'il opine que le malade doit venir sans délay se mettre entre ses mains, et qu'il luy donne à cette condition seule quelque espérance de guérison. Il faut enfin qu'il écrive en allemand sa sentence et qu'il la signe; le tout au bas de la consultation. Cela du moins avancera le bonheur où j'aspire de vous voir et de vous parler. Il me semble que nous avons grand besoin tout deux de nous expliquer, et pour moy je sens que le plus grand de mes maux est d'être privé de l'honneur de vous voir et du plaisir de vous entendre.

V.

Voulez vous bien permettre que je fasse des compliments à melle Donop, à mr Dancarville, et à mr Hocstetter?