1750-12-10, de Sophia Friderika Wilhelmina von Preussen, margravine of Bayreuth à Voltaire [François Marie Arouet].

Je vous ai promis, monsieur, de vous écrire, et je vous tiens parole.
J'espère que notre correspondance ne sera pas aussi maigre que nos deux individus, et que vous me donnerez souvent sujet de vous répondre. Je ne vous parlerai point de mes regrets; ce serait les renouveler. Je suis sans cesse transportée dans votre abbaye, et vous jugez bien que celui qui en est abbé m'occupe toujours. Je me suis acquittée de vos commissions auprès du margrave. Il me charge de vous assurer de son amitié, et vous prie de mettre à fin l'affaire du marquis d'Adhémar. Il sera charmé de le prendre à son service en qualité de chambellan, et lui fera des conditions dont il pourra être content. Quoique votre recommandation suffise auprès du margrave, il serait pourtant nécessaire, pour l'agrément du marquis, d'en avoir une ou de m. de Puisieulx, ou de m. d'Argenson, qu'il pût produire à la cour. Je vous serais bien obligée si vous pouvez le déterminer à venir bientôt ici, où nous avons grand besoin de secours pour remplir les vides de la conversation. Nos entretiens me semblent comme de la musique chinoise où il y a de longues pauses qui finissent par des sons discordants. Je crains que ma lettre ne s'en ressente; tant mieux pour vous, monsieur; il faut des moments d'ennui dans la vie pour faire valoir d'autant plus ceux qui font plaisir. Après la lecture de cette lettre, les petits soupers vous paraîtront bien plus agréables. Pensez y quelquefois à moi, je vous en prie, et soyez persuadé de ma parfaite estime.

Wilhelmine