1748-07-15, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à Jean François de Saint-Lambert, marquis de Saint-Lambert.

Que ie regrette d'auoir été injuste hier et de n'auoir pas emploié tout le tems que n͞s auions à être ensemble à joüir de votre amour charmant qui fait le bonheur de ma vie.
Pardonés le moi. Songés que ie ne désire d'être aimable, tendre, estimable que pour être aimée et estimée de v͞s, ie pousse sur cela ma délicatesse à l'excès, mais doit elle v͞s déplaire? Je conois mes défauts, mais ie voudrois que v͞s les ignorasiés.

Ce que ie voudrois surtout c'est sauoir que v͞s aués pasé vne bonne nuit, et que votre coeur est le même p͞r moi. Ie v͞s enuoie du thé, noiés v͞s en, prenés le très chaud et faite le très léger, il ne v͞s échaufera pas, et v͞s fera transpirer; voilà du bouillon p͞r prendre très chaud après les eaues, vne heure après. V͞s m'aués écrit 5 lettres hier, quelle journée et que j'ay bien tort d'en auoir corompu la fin, mais songés que celle ci toute entière sera empoisonée si v͞s m'écriués moins tendrem͞t.

On dine sûrem͞t au Kioste, si ie pouuais v͞s aller voir vn moment en sortant de diner, ie l'espère, mandés moi si v͞s serés seul. Si v͞s voulés quelque chose p͞r Panpan, adresés v͞s à m͞e de B. Adieu, aimés qui v͞s adore, mais aimés là autant qu'hier dans la journée, et oublions la soirée.