à Paris ce 1er may [1745]
J'arrivay il y a quelques jours de quarante lieues.
Je venois de garder mr le comte de Lomont, fils de madame du Chastellet, malade de la petite vérole. Vos paquets mon cher et respectable amy m'ont été rendus à Paris. Je pense que c'est à vous que je dois les mémoires de la cour de Perse. Cela ressemble à la Saxe galante. Il y a du vray et du faux, mais le dernier domine baucoup. Je m'imagine que cela est dévoré par ceux qui veulent connaître cette grande cour de Perse, et que les barons allemans se croirons au fait comme s'ils avoient vécu à Hispahan. Notre cour va fournir à Tournay de nouvelles anecdotes pour l'histoire. Le roy part jeudy au plus tard et soupera à Tournay probablement dans trois semaines. Les hollandois luy auront obligation du soin qu'il prend de les soulager de la garde des places de la barrière. Cela ne laissoit pas de leur coûter. Ainsi tout le monde y gagnera. J'ay déjà eu l'honneur de vous écrire par l'adresse que vous m'avez donnée et vous avez dû trouver la réponse à la petite question que vous m'aviez faitte. On s'est consolé icy fort aisément du party qu'a pris la Baviere. C'est une charge de moins et ce n'est pas un ennemy de plus. Nous n'en serons que plus forts et plus riches. Je voudrois que ceux qui prétendent la France épuisée vissent notre cour, Paris, et nos armées; ils changeroient un peu d'avis. Il y a quelques jours qu'on vint en ma présence aporter un milion chez un notaire pour placer sur les états de Bourgogne. L'homme au milion fut renvoyé honteusement, et on luy dit qu'une autrefois il falloit s'y prendre de meilleure heure. Le clergé a fourni quinze milions d'extraordinaire, en moins de quinze jours. Avec cela nous ne sommes point insolens, et quand on voudra faire une belle et bonne paix, n'est il pas vray que votre maître et le mien y consentiront pour le bien de l'Europe et pour celuy de leurs sujets? N'allez vous pas trouver votre adorable monarque? On dit que la fatigue l'engraisse et que la princesse royale de Suede maigrit. Elle peut perdre de l'embonpoint, mais elle gardera sa bauté. On dit que toutte la Suede L'adore. Vous le croyez bien. Adieu charmant ministre, n'oubliez pas celuy qui vous aimera éternellement.
V.
Mad. Duch. vous fait mille complimens.