J'étois né pour les Arts, Nourison des Noeuf soeurs,
Tout y Convioit ma Jeunesse,
Un Coeur compatisant avec Des Douces Moeurs
M'inspiroient peu de goût pour les Vaines grandeurs,
Je n'estimais point la prouesse
D'un héros Tiranique entouré De flateurs.
Les grâces, la Délicatesse,
Les folâtres ereurs D'un Coeur plein de tendresse,
L'amorce des Plaisirs, leurs charmes séducteurs,
La Volupté de toute espesse
Dans L'Ile de Cipris me parèrent De fleurs.
De cet état heureux j'ai goûté les douceurs.
Bientôt un Coup du sort sur un plus grand Téâtre
Sujet à Des revers fameux
M'a fait Montér malgré mes Voeux.
Là D'un Air Triomphant, altiér, opiniâtre,
Joyeux, Déterminé, bouillant, et courageux,
La gloire Ce fantôme aparût à mes yeux.
J'ensensai Ses Autels, et Ce Culte Idolâtre,
Brillant dans ses Ereurs non moins que dangereux,
Randit Mes pas Audacieux:
Mais La gloire bientôt me traitant en Marâtre
Me rendant à moy même, dans ses plaisirs afreux
Me fit Voir Les Malheurs des humains furieux
Et Dans Des flots de sang répandus par sa rage
Ce Monstre farouche qui Nage
Imoloit les humains pour illustrér son Nom,
Pour Orner son Tombeaux ou pour Ceindre son front:
Que périsse plustôt à jamais ma Mémoire!
Seraije plus heureux en Vivant Dans L'histoire?
Un soeul Ciècle écoulé, que Dige… une Saison
Replongent Dans L'oubli Le plus fameux renom.
Dans Le Nombre Etonant qui peuplent l'Elisée
De tant d'illustres Morts que La barque a passée,
On Vous Méconoitra quelque soit Votre efort,
Et Le Triste Héros que Déchire L'Envie,
Même Après Le Trépas ne peut Trouvér de port
Contre La Noire Calomnie:
Heureux! est Le Mortel de qui Le bon génie
Sait Vivre dans L'oubli sans réformer son sort.
Ne m'ignoroit on pas avant que j'eus La Vie?
Que l'on M'ignore après Ma Mort!
On ne Vous Ignorera pas Mon Cher Voltere, Votre Esprit a produit De Ces Ouvrages qui passeront Dans La Mémoire De Tout les siècles, et qui recueillerons de touts les Mêmes sufrages.
Vous Me faites grand plaisir de me parlér de Votre Histoire De L'Esprit Humain. Je Crains que je ne sois le Moisse de Cette Terre promisse, et que je n'y entre jamais.
Enfin, que Vouléz Vous? Il me faloit Des Cabriolles françaises pour m'égayér, La guerre m'a rendu plus philosophe que jamais, et Dans Ce tems j'aime mieux Des gens qui savent trouvér en L'air le point De gravité quand ils sotent et qui forment des pas sur Terre, que Des savantas qui Croyent Lirre dans les Cieux et qui quelque fois y lisent formal.
Je ferai Venir des Comédiens après La paix mais point Dans un Tems aussi peu Décidé que L'est celui ci.
Je ne Vous entretiens point de ce qui Ce passe ici. Vous savéz que la guerre ne Consiste qu'en Deux choses, attaquér et se Défendre. Voilà Ce que Nous faisons. Pour Moy je pense souvent au Cher Voltaire, je lis ses Ouvrages, je les admire, je les Dévore et j'en estime L'auteur autant qu'il le Mérite. C'est ce que je prie Messire Arouet d'assurer à Monsieur de Voltaire De Ma part. Valé.