Monsieur de St Hiacinthe, Monsieur, me charge expressément de vous assurer qu'il a été fortement outré que l'abbé Desfontaines l'ait cité dans sa Volteromanie et qu'il se soit servi de son nom pour vous offenser aussi cruellement.
Il me recommande très fort de vous assurer qu'il n'a aucune part à ce libelle et à celuy qu'on citte dans cet ouvrage odieux, m'a répetté dix fois qu'il vous considéroit beaucoup, qu'il seroit charmé de trouver les occasions de vous le prouver et qu'il vous laissoit le champ libre pour désavouer en son nom (par écrit imprimé) et l'ouvrage qu'on citte de luy et tout ce qui peut avoir raport à votre réputation. En un mot Mr de st Hiacinthe en use dans cette occasion avec toutte la probité possible. ‘J'ay eu des raisons m'a t il dit de ne point me louer de Mr de Voltaire en Angleterre, mais Je luy ay toujours rendu la Justice que tous les gens de lettres luy doivent. Mais quand mon ressentiment dureroit encore, Je ne croirois pas qu'il dût avoir lieu dans une occasion où il est opprimé si injustement. J'ay reconu le piège de Desfontaines, il a cru qu'en me cittant contre Monsieur de Voltaire il métroit cet auteur dans le cas de me Lancer des traits et par là dans le cas de m'en ressentir et par conséquent de me mettre de son parti, il a eu tort. J'ay eu trop bonne opinion de Mr de Voltaire pour me figurer qu'il fût la duppe d'un piège si grossièrement tendu.’
Voilà Monsieur les sentiments de Mr de st Hiacinthe. J'en ay été charmé. Je l'ay fort assuré que Vous y seriés très sensible et que vous l'en remercieriés. Presque tout Paris pense à peu près de même; J'ai la Consolation de reconoitre à chaque instant que si vous avés quelques enemis ils ne Vous vienent que par des pratiques égalles à Celle que Desfontaines met en usage pour vous nuire, mais qui cessent d'être enemis dès qu'on se donne la peine de leur ouvrir les yeux: on fait courir le bruit que vous êtes à Paris et on s'afflige qu'and on assure que vous n'y êtes pas. Cette manière de penser comme vous le voyés n'est pas affligeante; que vous dirois je de plus? Les suittes vous prouveront que dans le nombre de vos admirateurs vous avés beaucoup d'amis.
J'ay l'honneur d'être avec un zèle dont je feray toujours gloire
Monsieur
Votre très humble et très obbéissant serviteur
le chevallier de Mouhy
Ce 10 février 1739