à Cirey le 6^e février 1738

Je ne puis trop v͞s remercier Monsieur des soins que v͞s aués bien voulu prendre p͞r me trouuer vn précepteur.
Ie n'auray cependant pas celui de mr du Clos, peutêtre l'auroisje eü si M^r du Clos l'auoit mesné luimême chés mon frère et qu'il lui en eût dit tout le bien qu'il en a escrit à m^r de V. Ie v͞s auouë que sa lettre, qui est venuë trop tard, me le fait regretter. Mon frère l'a trouué trop jeune, il m'en enuoie vn qu'il ne connoit pas par lui même. Si par hazard il ne me conuenoit pas, ie le renuoyerois, et prendrois celui de m^r du Clos. Ie verrai bientost si c'est mon affaire, ainsi, ie v͞s suplie, entretenés moi encore vn mois ou deux la bonne volonté de m^r du Clos, et ne parlés point de cette lettre à mon frère.

V͞s ne v͞s êtes pas trompé, le paquet du prince contenoit vne très belle bague p͞r m^r de Voltaire. C'est vne Emeraude très grande et qui paroit parfaite, entre deux brillans. Elle est arriuée sans accident. Ie suis charmée que v͞s soyés plus content du prince.

Quelque plaisir que ie me fis de connoître les nièces, ie m'en console aisément par leur auantage. Ie suis rauie du mariage auantageux que fait l'ainée. La cadette ne peut manquer d'en trouuer autant ayant le même bien. M. de V. y contribuë en oncle qui les aime solidem͞t et il préfère auec plaisir leur établissem͞t à la satisfaction de les voir, mais il ne fera pas p͞r le mariage auquel il n'a nulle part ce qu'il eût fait p͞r l'autre et il fera bien.

Ie m'en vais assurément faire venir le liure dont v͞s me parlés. Quoique ces sortes d'ouurages ne soient pas ceux qui me plaisent le plus, tout peut deuenir intéressant par la manière d'être traité. Vos lettres le sont infiniment monsieur, et par la forme et par le fons puis qu'elles me prouvent les sentimens que v͞s voulés bien auoir p͞r moi.