1731-05-31, de Jean Baptiste Nicolas Formont à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

Nous nous ennuyons fort mon cher amy de ne point vous voir et Le plus Beau temps du monde ne nous Console point de Votre absence.
La pluye d'hier a Donné un Lustre admirable à notre verdure mais C'est votre arrivée qui y donnera pour nous La Dernière façon. Ne pouvés vous pas nous accorder un jour ou deux? Je sçay que vous avés une Raison qui n'est que trop bonne pour Rester à Rouën et que toutes Les miennes seront toujours foibles contre Le plaisir que vous avés sans doute de voir cet homme Rare qui semble aujourd'huy chargé seul de soutenir la gloire de La nation dans tous les genres,

Qui tantôt le Rival du chantre de Patrocle
Et tantôt celuy de Sophocle,
S’élevant d'un vol sûr jusqu'au plus haut des airs,
Réhausse La Raison de La pompe des vers,
Descend, sans s'abaisser, aux grâces de Chapelle,
Et de l'art d'Apollon disciple plus fidelle,
Sçait joindre à sa facilité
D'un tour correct la piquante Beauté.

Voilà des vers que je vous envoye exprès pour vous engager à venir m'apprendre à en faire de meilleurs ou me conseiller de n'en point faire, ce qui est sans doute le plus sûr.

Au Reste ce sont ces dames qui me chargent de vous écrire et de vous marquer que vous vous Brouillerés avec elle si vous ne venés au plus tost. Adieu mon cher amy. Mille complimens à mr Chevalier, et ne Luy montrés pas mes méchans vers car il n'y aura jamais de si beaux vers à sa Louange que les siens.