1716-10-20, de François Arouet à Jean Aymar de Nicolay, marquis de Goussainville.

Monseigneur,

L'architecte de M. le P. Président de Mesme m'asseure qu'en vous faisant voir le plan du bastiment qui se fait dans la maison que j'occupe, vous avez trouvé bon qu'on fît une croisée sur le vestibule qui est au pied de l'escalier de la Chambre, qui éclairera la seulle pièce que j'ay sur la cour du Palais.
Quoyque cela me fît beaucoup de plaisir, sans nulle incommodité ny désagrément pour la Chambre, je me suis opposé au dessein qu'il avoit d'y mettre les ouvriers, jusques à ce que je sceusse si en effet vous voulez bien permettre que cela soit ainsy, ce que je vous suplie très humblement de me faire sçavoir, et de trouver bon que je prenne icy la liberté de vous asseurer que personne n'entre plus sincèrement que je fais dans les sentimens que vous avez pris sur la perte que vous venez de faire. Peut estre est il venu jusques à vous, Monseigneur, qu'il a plu au Régent de rapeller mon fils de son exile, qui a esté pour moy moins affligeant que ce rapel beaucoup trop précipité, qui va achever de perdre ce jeune homme enyvré du succez de sa poésie, des louanges et de l'aceuil que luy font les grands, qui, avec le respect que je leur dois, sont pour luy de frans empoisoneurs.

J'ay l'honneur de me dire avec un très profond respect,

Monseigneur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Arouet