4e janvier 1778
Ce héros, mon cher philosophe, n'aime pas la métaphisique, et peut être n'a t-il pas grand tort.
Mais croiez moi, il n'aime pas davantage la géométrie. Il me mande à peu près les mêmes choses qu'à vous.
Je crois qu'il se trompe sur nôtre pauvre de Lille, et que ce serait un sujet dont il serait fort content. Il est laborieux et éxact, ad nutus, aptus, heriles. Il serait assurément plus satisfait de lui que d'un petit laquais qu'il me prit autrefois pour en faire son secrétaire.
Que voulez vous, mon cher ami! Il faut prendre les rois comme ils sont, et Dieu aussi. Il est triste que De Lille ne puisse prétendre à rien, et que Sabotier et Polissot aient fait une fortune; celà est capable de dégoûter les honnêtes gens. Peutêtre se trouvera t-il à Paris quelque soi-disant grand seigneur qui aura besoin d'un précepteur pour son fils. Le président de Maisons prit chez lui Dumarsais sur ce qu'on disait qu'il était athée. Delille qui n'est que Déiste pourait trouver pratique.
J'ai lu les trois éloges, et surtout le vôtre avec plaisir. Il me semble que le grand Condé et Mr De Turenne n'avaient eu que deux oraisons funêbres. Il est beau qu'une simple citoienne en ait eu trois; aussi avait elle fait beaucoup plus de bien qu'aucune de vos princesses, et même de vos Reines. Cet éxemple unique sera t-il imité? Je ne crois pas que ce soit par sa fille.
Je ne suis ni fâché ni bien aise que le rédacteur des mémoires de Noailles soit des nôtres, mais je voudrais bien mourir confrère de Pascal Condorcet; ou si vous voulez d'anti-Pascal.
Je vous souhaitte, comme on dit, la bonne année, et je suis bien étonné d'avoir vu finir l'année des trois sept.
J'ai donné à Villette la plus belle et la meilleure femme du monde; j'ose espérer qu'il en sera digne, car après tout il a bien de l'esprit, et il est très aimable dans la société. Vivez heureux, mon très cher philosophe.
V.