[March/April 1775]
Monsieur le chevalier,
Permettez que je vous remercie, au nom des parisiens, de la jolie épître que vous venez de leur envoyer sur ces pestes publiques qu'on nomme philosophes.
J'ai vu quelques uns de ces derniers qui trouvent charmantes les injures que vous leur dites. Il est sûr que la manière dont vous les dénoncez au pape devrait bien plutôt leur valoir les honneurs d'une canonisation que d'un autodafé. Comment se peut il qu'un jeune homme comme vous ait déjà dans ses écrits, ces grâces, cette énergie & cette vérité qui décèlent un âge mûr? Votre Dom Pèdre annonce toute la vigueur d'un chevalier jeune & loyal. L' Eloge de la raison est une folie charmante. Semblables à ces beaux arbres qui font la richesse & l'ornement de l'Inde, vous portez sans cesse des fleurs & des fruits. Nous voudrions seulement que vous fussiez comme eux à l'abri des tempêtes & des glaces de l'hiver, & que pareil encore aux chênes de Dodone, vous pussiez jusqu'à cent ans conserver vos feuillages & rendre des oracles.
A propos, m. le chevalier, j'ai une grâce à vous demander. Je me mêle parfois de faire des vers: mais je n'en adresse jamais qu'aux jolies femmes & aux grands hommes; ce sont là mes idoles. Je vous prie de vouloir bien remettre ceux que vous trouverez ci joints au génie que je révère & qui habite le même endroit que vous. Vous le connaissiez, sans doute. C'est m. de Voltaire. Présentez lui en même temps mes très humbles respects, & recevez l'accollade d'un de vos confrères qui a l'honneur d'être avec une vénération profonde,
Monsieur le chevalier,
Votre très humble, &c.
Le chevalier de Palmezeaux