13 mars 1771
J’apprends, monsieur, avec une extrême douleur la perte que vous avez faite, et je me console dans la certitude que vous la réparerez.
Je témoigne à madame dixneufans ma sensibilité et mes regrets; je suis constant dans mes passions. Mon attachement pour l’homme que vous savez ne se démentira jamais. Je serais un monstre d’ingratitude si je n’étais pas pénétré pour lui d’une reconnaissance que personne ne peut blâmer. Je suis persuadé qu’il approuve la pièce en six actes qui m’a tant charmé. Je ne sais pas encore si elle réussira entièrement, mais je la regarderai toujours comme le plus bel ouvrage qu’on ait fait en France depuis plusieurs siècles. Mon suffrage est bien peu de choses, mais il ne peut être suspect, c’est celui d’un vieillard aveugle, goutteux et mourant, qui n’a plus rien à dissimuler.
Je suis bien aise que vous soyez content de votre montre. J’ai peur qu’elle ne soit pas encore bien réglée, cela demande quelquefois du temps. Il s’agit de tourner comme il faut l’aiguille de la spirale, souvent même il faut l’enlever pour la replacer. C’est une opération fort délicate. Chaque art a ses finesses. A l’égard du prix Dufour et Ceret m’ont dit qu’il n’était que de six cent cinquante livres; cela m’a paru très bon marché. Vous payerez ces bonnes gens à votre commodité; et si vous voulez le permettre on tirera sur vous quand votre quartier sera fini au 1er avril, une lettre de change de pareille somme.
Je voudrais bien pouvoir aussi vous envoyer par la poste, ces questions sur l’encyclopédie, mais cela n’est pas aisé.
Le vieux malade du mont Jura vous embrasse de tout son cœur.
V.