1770-02-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Premièrement, mon cher ami, je plains vôtre ville.
Je vous plains de tous les embarras que cette catastrophe doit vous causer.

Je vois que vos imprimeurs sont sages, qu'ils travaillent sans entrer dans ces misérables factions.

Ensuite je vous dirai qu'ils n'ont pas donné un assez bel œil à cette édition; qu'il faut absolument des interlignes. Voiez quelle énorme différence se trouve entre vos feuilles que je vous renvoie, et celle que je vous prie d'examiner. Voilà comme il faut imprimer si on veut faire quelque chose de lisible. Les pages sont trop longues. Il faut absolument en retrancher une ou deux lignes. Celà fait mal aux yeux et cause un dégoût insurmontable. Je vous demande en grâce de me tirer une douzaine d'éxemplaires en grand et beau papier. Vous devriez en tirer aussi pour vous et pour vos amis.

Je vous prie très instamment de veiller à tout celà autant que vos malheureuses affaires le permettront.

Je vous envois une addition au mot adorer, qui est assez curieuse. Je vous répète que je ne vous ferai pas attendre un seul moment.

Après y avoir mûrement réfléchi je crois qu'il faut que vos tomes soient de vingt deux à 23 feuilles; celà sera plus commode pour vous et pour les lecteurs. J'ai déjà de quoi vous donner trois tomes bien complets, et si je vis le 4e sera bientôt fait. Je souhaitte passionément que vos intérêts s'accordent avec mes amusements. Je vous embrasse de tout mon cœur.