1769-12-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Paul Claude Moultou.

Je me flatte, mon cher philosophe, que vos déclarations publiques feront avorter l'infâme dessein de Philibert et de Chirol, que vous avez la bonté d'appeller Messieurs Chirol et Philibert.

Je regarde leur monœuvre comme le larcin d'un Juif qui vole un habit, et qui le dégalone pour le vendre. Le premier Juif de cette friperie est donc Vernet. Il consomme avec vous l'aprentissage qu'il fit avec les héritiers de Gianone1; ce sont des fraudes pieuses.

La petite société qui travaille à l'enciclopédie s'est deffendue expressément la morale, à moins qu'elle ne soit soutenue par des anecdotes historiques comme celles de Montagne. Nous bannissons sans pitié tout ce qui peut avoir l'air de déclamation. Je ne doute pas que l'article de vôtre ami ne soit un morceau piquant, nous le recevrons avec beaucoup de remerciements.

Vous nous feriez un extrême plaisir, à nous, et au public, si vous trouviez dans vos papiers quelques notes historiques concernant l'égalité des premiers chrétiens, qui n'étaient précisément que ce que sont aujourd'hui les Quakers. Il me semble que les Evêques qui sont devenus si fiers n'eurent un habit différent des Laïques que du tems de st Augustin. Je ne sais plus quel Evêque dit dans je ne sais quelle Lettre, infulam deponere paratus sum. Mais cette expression ne me parut que métaphorique. Je ne sais plus où retrouver tout celà. Aidez nous, je vous en prie, autant que vous le pourez.

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.