1763-06-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Gabriel Cramer.

Caro, je vous renvoye cette triste feuille, la seule dont votre tipografe m'ait honoré cette semaine.
Je l'ay parcourue et je vous garantis qu'elle ne sera jamais lue.

Il vaut mieux à mon avis voir la Berenice racinienne précéder la pauvre cornelienne que la suivre. A tous seigneurs tous honneurs. On serait las de cette juive si on imprimait le fatras détestable de Pierre avant l'élégie touchante de Jean. Certes Jean danse mieux que Pierre, mais le public commence à murmurer d'attendre trop longtemps. Hâtons nous, sortons vite du de Pulcherie et de Suréna. Vos ouvriers font ils des revues? Entre nous il est honteux qu'ils n'aient pas fini les prétendues tragédies de Pierre. Songez que nous avons encor à imprimer deux pièces de Thomas, les comédies de Pierre, les discours alembiquez et lourds sur les trois unitez, etc. etc. etc.

Je croiais vous avoir envoyé ce billet caro, j'ay peur d'avoir fait un qui pro quo.