1759-03-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Élie Bertrand.

J'enverrai, Mon cher ami, vôtre amianteà l'accadémie de Lyon; j'aurais voulû quelque chose d'un peu plus piquant, et dont le sujet eût donné plus d'éxercice à vôtre esprit philosophique: envoyez moi encor quelques petits morceaux afin de faire une carguaison honnête.

Je crois que l'Enciclopédie se continuera, mais probablement elle finira encor plus mal qu'elle n'a commencé, et ce ne sera jamais qu'un gros fatras. J'ai eu la complaisance d'y travailler lors qu'il y avait encor un peu de liberté dans la littérature; mais puis que les assassins des Rois coupent les ongles aux gens de Lettres il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public qui ne mérite pas d'être instruit.

Je crois les sottises Lausannoises tout à fait finies. Mes sentiments pour vous et pour Monsieur et madame de Freudenreick ne finiront qu'avec ma vie.

La moitié de Geneve sortit hier de la ville pour accompagner deux voleurs, l'autre moitié va à Lyon pour voir passer des rois. Cela est peu philosophe.

V.