1759-01-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louise Suzanne Gallatin.

Par L'enchainement des causes secondes madame il arrive que de neuf chevaux de carosse, nous n'en avons aujourdui pas un.
Pour Dieu tâchez de venir dîner avec nous à deux heures. Nous raisonerons, ma chère voisine. J'ay à cœur ce chemin autant que vous. J'ay écrità mr de Brosses. Je suis prest à donner cinq cent livres, mais il faut qu'il y consente. Je ne conçois pas qu'il puisse refuser un consentement qui ne luy coûte rien. Les difficultez et les petitesses me révoltent, je l'en crois incapable. Il faut que j'aye l'honneur de vous parler. Vous savez que je ne vais jamais dans votre ville hérétique. Je ne veux point me damner. Cependant si j'étais plus jeune je ferais l'impossible pour me damner avec vous ou avec made votre fille. Ce m'est tout un. Mille respects.

V.

J'ay fait attendre le porteur; j'en demande très humblement pardon, mais nous gobelotions avec les amis de Mr et de me Galatin et nous buvions à leur santé. Je leur présente mes respects. Je mets dans ce paquet l'écrit en question. J'attends réponse de Mr de Brosses. Je me charge de tout le chemin de Pregni à Tournai; et j'entrerai dans les dépenses du chemin de Pregni à Geneve, en conséquence des sentiments magnanimes que Le président ne manquera pas de me témoigner, car il est attaché à mr et à me Galatin Vaudenay comme moy. Tout ce qui me fâche c'est qu'ils ne soient pas venus manger avec leurs amis, un dindon aux truffes de Fernex tendre comme un pigeonau, et gros comme l'évêque de Geneve. Quand aurons nous l'amy Gaufecour? Je luy arrange un apartement.

Mille tendres respects,

l'hermite V.