2 9 1757
J'ai quelquefois honte de ma robe, mon cher Monsieur, quand je vois gens qui la portent se déshonorer par des cabales, dont l'envie est la première cause et la malignité le soutien.
Je suis instruit par une lettre de Mr Du Pan de celle qu'on a fomenté à Geneve contre le Deffenseur de l'humanité & l'Enemi déclaré de la Persécution. Jésus Christ disoit à ses Disciples, qui s'irritoient contre les Contredisans, 'Vous ne savez de quel esprit vous êtes animés'.
Si les Rois peuvent aprendre par l'exemple de celui de Prusse à ne pas tenir sur pié plus de troupes que leur état civil ne le comporte, à ne pas compter sur des soldats recrutés par force, à ne pas abuser des prémiers succès pour vexer inhumainement des sujets vaincus, à ne pas consulter leur ambition mais l'humanité, les malheurs de ce Prince seront bien utile au Genre humain.
La Cour de France semble être le théâtre de bien des manèges inexplicables. La Disgrâce de Mr de Paulmy fait beaucoup de peine ici, où l'on conservait pour lui beaucoup d'attachement. Il eût mieux fait d'y rester à l'abri des revers. Le Ministère de son successeur n'est pas à beaucoup près aussi agréable.
Tenez pour certain que si l'Etat, dont vous me parlez, avoit à délibérer aujourd'hui il n'iroit pas chercher un Maitre dans le Nord. Le parti françois y est maintenant fort supérieur, et il l'étoit déjà en 1707. Si la Cour et l'Ambassadeur de Soleure eussent voulu, la décision auroit été pour un Prince françois. Berne le craignoit et la cour ne le voulut pas. On ne souhaitoit point d'avoir un seigneur qui pût dire Je par la grâce de Dieu:Ce stïle ne parut supor[table qu]e dans les mandemens épiscopaux. Pour doner lieu à une délibération des trois Etats il n'est pas besoin d'une guerre. Déjà par l'avis des Jurisconsultes de ce Pays là la mort du Roi régnant done Occasion à une décision nécessaire: La succession doit-elle aller en ligne collatérale?On n'a point pensé en 1707 de décider ce cas.
J'ai l'honeur d'être toujours, mon cher Monsieur, avec un attachement tendre et respectueux.
B.