1753-10-09, de Baron Reinhard von Gemmingen à Jean Frédéric Flachsland.

Monsieur,

On m'avertit hier matin que M. de Voltaire s'étoit rendu à Colmar dans l'intention de plaider contre s. a. se Mgr le Duc à raison de certaines sommes qu'on lui retenoit et qui lui sont deuës par une Convention faite avec sad. A. Se. En arrivant chez moi j'ai trouvé votre Lettre du 7 de ce mois qui m'apprend le contraire, j'y ai vû avec plaisir que M. de Voltaire s'est déterminé à accepter les sommes échuës à raison de 3lt 15s le Risdahler et que M. de Turckheim se flattoit même de le disposer à recevoir sur le même pié les payemens qu'on lui devra faire par la suite. J'espère que M. de Turckheim ne négligera rien pour faire revenir M. de Voltaire de l'idée où il est de ne recevoir son payement qu'en Valeur d'Ecus de Brandebourg. Si absolument il ne veut pas se relâcher sur cet article, il faut bien passer par là, s. a. se m'a autorisé à lui faire faire ses payemens sur ce pié par une Lettre du 18 avril de cette année et j'ai donné l'ordre en conséquence au Receveur gral Lalance le 16 May suivant, il vous en aura fait part. Celà ne doit pourtant pas vous empècher d'en venir soit par Vous même soit par M. de Turckheim à une nouvelle et dernière Tentative pour le disposer à accepter les payemens à raison de 3lt 15s l'Ecu d'Allemagne, la différence fait un objet assez considérable pour la Caisse. Il convient aureste d'avoir de bonnes façons avec lui et de lui faire comprendre que le Cours du Risdahler étoit tel qu'on le lui avoit proposé. Enfin vous ferez le tout de votre mieux et vous tâcherez de finir avec lui d'une maniére ou d'une autre, en évitant soigneusement tout ce qui pouroit engager M. de Voltaire à nous susciter à ce sujet une difficulté.

Quant à l'acte ou Contrat en forme qu'il désiroit être passé en Alsace pour l'assûrance des payemens qui lui doivent être faits à la suite au sujet de la Pension ou Rente viagére de question, il m'est impossible de m'y prêter sans y être autorisé expressément de la part de s. a. se. Je n'ai aucune Connoissance de la Convention qui a été faite entre sad. a. se et M. de Voltaire, sinon qu'on a donné un ordre au conseil de faire toucher à ce dernier les sommes dont vous avez été informé par un ordre du 6 Mars dernier. Comme Mgr le Duc ne s'est pas expliqué plus clairement sur cette affaire il ne me convient pas de lui parler d'un pareil acte séparé et particulier à passer à Colmar; si M. de Voltaire persiste dans son dessein il n'y a que deux Voyes, il choisira celle qu'il trouvera le plus convenir à ses Vuës, l'une est de s'addresser uniquement à s. a. se, l'autre de m'envoyer une Copie de la Convention qu'il a faite avec ce Prince et d'y joindre un Mémoire qui renferme le projet du Contrat en forme qu'il souhaiteroit de faire recevoir dans la Province d'Alsace; j'enverrai l'une et l'autre immédiatement à Mgr le Duc, et je le solliciterai à me faire parvenir ses ordres; au cas que M. de Voltaire préfère d'écrire lui-même à ce Prince, je lui ferai parvenir la Lettre, et je ferai de mon mieux pour lui procurer une promte réponse; il poura faire entrer dans la Lettre ou dans le Mémoire l'article concernant les certificats de Vie qu'on lui demande: Par la résolution qu'on me donnera de la part de s. a. se je verrai si Elle veut persister à ce que M. de Voltaire ou après sa mort Madame Denys fournisse ces Certificats de Vie à châque payement, ou chaque année, ou si Elle se contentera d'une simple déclaration écrite de la main de la personne qui doit toucher la Pension.

M. de Hardenberg m'a mandé avant son départ pour la Saxe qu'il n'avoit pû répondre à M. de Voltaire d'une maniére positive sur le contenu de la Lettre qu'il avoit eu l'honneur de recevoir de sa part, parce que l'absence de s. a. se l'avoit empèché de s'instruire des intentions de ce Prince.

Vous avez au reste bien fait de vous arranger avec M. de Turckheim de maniére que M. de Voltaire puisse toucher son payement et en disposer quand il le trouvera à propos.

J'ai l'honneur d'être avec une parfaite Considération,

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur
Rd Gemingen