24 mai 1751
J'ai vu mme Denis qui demeure rue Traversière, en conséquence de la note ci-jointe.
Elle m'a dit, ainsi que ses domestiques, que mercredi dernier, il s'était insinué dans sa maison un particulier sur les 4 heures après midi et s'était caché dans du fumier en l'écurie de la maison, qu'après il a entré dans la cuisine, suivant ce que ce particulier a dit. Il a pris du pain et environ une demi-livre de sucre, a monté dans le garde-meuble où il a laissé ses souliers, ensuite est venu se cacher dans la chambre d'un des domestiques, âgé d'environ 15 ans; ce jeune homme allait porter un bouillon à un de ses camarades. Il était pour lors suivi d'un chien. En passant devant la porte de la chambre, le chien s'est mis à aboyer, ce qui a donné occasion au jeune homme d'entrer dans sa chambre, et s'est aperçu que le chien sentait quelque chose sous son lit, a pris un bâton, et à senti qu'il avait un homme dessous; a appelé du monde à son secours, ont arrêté ce particulier, ayant averti mme Denise de l'aventure. Ils ont connu ce particulier, qui était fort mal vêtu, pour se nommer Pierre Jolivet, natif de Gien, et pour avoir demeuré dans la maison, au service de m. le président de la Croisette, ami de Voltaire. Mme Denis a envoyé chez 3 commissaires, sans qu'on en ait trouvé aucun chez soi. Il s'y est trouvé 2 amis de cette dame qui lui ont conseillé de le chasser, ce qu'on a fait, cependant elle est fâché de ce qu'on l'a renvoyé, d'autant plus que ce jeune domestique ayant fait perquisition dessous son lit, après que Jolivet a été renvoyé, a trouvé un couteau qu'il a reconnu pour être de la cuisine de la maison, ce qui fait présumer que Jolivet avait sûrement mauvais dessein, et qu'il aurait pu avoir quelque complice qui se serait insinué dans la maison sitôt que le monde aurait été endormi. Je pense que ce particulier est dans le cas d'être arrêté si on le découvre.