A Gera ce 27 septembre 1743
Chazot qui voiage avec moy,
Vient de me quitter sur la route.
Si quelqu'un demande, pourquoy?
Il ne faut pas que l'on en doute.
Chazot court pour servir le roy.
Un soldat très court de mémoire
Dès qu'il eut reçu votre argent,
L'oublia presque au même instant
Et s'en fut en Saxe après boire,
Dans quelque nouveau régiment
Chercher la potence, ou la gloire.
C'est après ce Déserteur que le très fidèle Chazot court les champs comme don Guichotte, mais sans écuier.
Sans doute ce soldat ignore
De quel prince il est serviteur.
Ah s'il connoissait le grand cœur
De mon Federic que j'adore,
Il n'eût point été déserteur.
Mais que di-je? bientôt moy même
Me faudra t'il pas déserter,
Ce Berlin, cette cour que j'aime
Et que je voudrais habiter?
Je reprendray mon esclavage.
Je quitteray ce Federic;
Ce héros, l'honneur de notre âge,
Et sa charmante sœur Ulric,
Que je voudrois en mariage,
Si j'étois quelque prince en ic,
Possesseur d'un gros appanage.
Hélas tout doit être quitté;
Les doux objets de notre envie,
Les Ulrics, le trône, la vie,
Pour un temps court, tout est prêté.
Mais o morale triste et dure!
Restez dans l'université,
Et jouissons en liberté
Des prêts que nous fait la nature.
Chazot voudroit bien je croi qu'on luy prétât Albertine de Martoits par devant notaire. Il a baucoup lorgné cette Albertine à Bareith et on le luy a bien rendu. On s'est serré la main. On s'est parlé.
Enfin tout deux ont fait paraître
Quelque désir assez pressant.
Mais Chazot quoyqu'il en puisse être
Dit qu'il ne peut faire un enfant
Sans un ordre express de son maître.
Si votre majesté leur permet de faire cette grande affaire en tout bien et en tout honneur, il en viendra de petits chazotins qui donneront sur les oreilles aux pandoures et aux croates dès qu'ils auront l'âge de dix ans, et votre majesté y gagnera.
ce 28 à Hall
De maitres, d'écoliers environné partout,
Je me revois au temple, où règne la science.
Ah grand roy, Roy de l'éloquence,
N'en ferez vous jamais le temple du bon goust?
Chaque homme a ses vues dans ce monde. Chazot veut peupler vos états des braves officiers. Volf veut être chancelier de l'université.
Si ce de cette chancellerie,
Mon héros daigne l'honorer,
Ce seul trait va désespérer
Messieurs de la téologie,
Et la raison leur ennemie
Dit qu'il n'en faut pas murmurer.
ce 29 à Dessau
Tandis que Chazot fait un ample diner avec des princesses qu'il dit très belles, et que je n'ay pas encor vues, moy ne dinant point, j'écris tout ce grifonage à votre majesté.
Ensuitte je verrai le minois enchanteur
Des filles d'un guerrier austère;
Anhalt ne rime pas tout à fait à Cithere,
Mais ces filles enfin rassureront mon cœur
Contre les moustaches du père.
Ainsi chaque chose a son cours
Différent de son origine,
Mars avec sa chienne de mine
Fut je ne sçai comment le père des amours.
Sire; santé, joye et prospérité; je me mœurs d'envie d'être aux pieds du plus grand roy et du plus aimable homme de la terre, et dieu sait si je l'aime, ce grand homme; sans déroger au profond respect etc.
V.