[c. December 1734]
Cela est plaisant, madame! l'écriture de madame de Chambonin paraît ressembler si fort à la vôtre, que quelquefois je m'y méprends.
Vous avez d'autres ressemblances, & je me flatte surtout que vous avez celle de m'honorer d'un peu de bonté. Si je n'étais pas occupé ici à ruiner infailliblement madame du Châtelet, vous croyez bien que j'aurais l'honneur de vous voir. Je suis excédé de détails; je crains si fort de faire de mauvais marchés; je suis si las de piquer des ouvriers, que j'ai demandé un homme qui vînt m'aider. Je l'attends dans le mois de janvier; & dès que mon consolateur sera venu, j'irai, madame, vous redemander ces jours heureux & paisibles que j'ai déjà goûtés dans votre aimable maison. Vous savez qu'on parle d'un congrès; mais les parties ne sont point encore assez lasses de plaider pour songer à s'accommoder. M. de Coigny s'est demis du commandement en Italie, & je crois que la cour ne serait pas fâchée que m. de Broglie en fît autant. Mais avant d'accepter la démission de m. de Coigny, on a proposé à m. le duc de commander l'armée, afin d'avoir quelqu'un qui par la prééminence de son rang étouffât les jalousies du commandement. M. le duc a refusé. On pense d'y envoyer m. le comte de Clermont. Sur cette nouvelle, m. le comte de Charolais a écrit à m. de Chauvelin: 'Monsieur, on dit que vous êtes réduit à la dure nécessité de choisir un prince du sang pour commander les armées; je vous prie de vous souvenir que je suis l'aîné de mon frère l'abbé.' On commence à trouver la levée du dixième bien rude, & n'avoir plus tant d'ardeur pour une guerre où il n'y a peut-être rien à gagner pour la France. On s'en dégoûte aussitôt qu'on en est entêté. Je suis persuadé qu'au moindre échec, le ministère sera bien embarrassé.