1708

Mercure galant, juin 1708 [tome 6].

2017
Source : Mercure galant, juin 1708 [tome 6].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, juin 1708 [tome 6]. §

[Feste donnée à la Reine Doüairiere d’Espagne au Chasteau neuf de Bayonne] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 12-17.

 

La Reine d’Espagne, qui depuis qu’elle est à Bayonne n’avoit point esté voir le Chasteau neuf de cette Ville, où commande Mr de Framboisiere, s’y rendit le mois dernier avec toute sa Cour ; & aprés en avoir visité à pied toutes les Fortifications, Sa Majesté alla se promener dans les Jardins. Mr le Duc & Me la Duchesse de Gramont y allerent trouver S.M. avec une grande suite d’Officiers & de Dames. Cette Princesse alla voir aussi la Chapelle de ce Chasteau, & lors qu’elle en sortit Mr le Duc de Gramont eu l’honneur de luy donner la main pour la conduire à l’Appartement qui avoit esté preparé pour la recevoir, où elle joüa avec les principales Dames qui l’accompagnoient. Le jeu ayant fini sur les sept heures du soir, S.M. visita tous les Appartemens du Chasteau. Cette Princesse à qui Mr le Commandant avoit fait preparer un grand souper, se mit à table sur les huit heures du soir, & elle fut servie à genoux par ce Commandant & par Me son épouse : Personne n’eut l’honneur de la voir souper. Dans la salle qui est à costé de la chambre où S.M. mangea, on avoit preparé un ambigu magnifique pour les personnes les plus distinguées qui avoient accompagné la Reine. Il y eut aussi une autre table qui fut servie de la deserte de la table de la Reine ; ainsi quoiqu’il y eut plus de cent cinquante personnes, elles furent toutes regalées ; la santé de la Reine fut buë au bruit d’une decharge du canon. Cette santé fut commencée par Mr de Gibaudiere Lieutenant pour le Roy des Villes, Chasteaux & Citadelle de Bayonne. On sortit de table aprés avoir bû cette santé, & l’on dança devant la Reine qui estoit sortie de l’Appartement où elle avoit soupé pour prendre le plaisir de ce divertissement qui dura jusqu’à onze heures du soir. La Reine trouva en sortant du Chasteau toutes les cours & les pont-levis remplis de pots à feu qui produisoient un tres-bel effet. Toute la garnison du Chasteau estoit sous les armes, & S.M. fut saluée du canon en sortant de ce Chasteau de la même maniere qu’elle l’avoit esté en entrant, & au bruit de plus de cinquante boëttes. On doit remarquer que Mr le Duc de Gramont s’estant trouvé indisposé, estoit sorti sur les sept heures du soir ; tous ceux qui se trouverent à cette feste, en sortirent tres-satisfaits. Le lendemain la Reine envoya chercher Me de Framboisiere, & lors qu’elle fut au Palais, S.M. luy fit present de son portrait enrichi de diamans. La mere de cette Dame a esté élevée Dame d’honneur de la mere de la Reine.

[Traité des Eunuques] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 39-46.

 

Mr Dolincan connu dans la Republique des Lettres par la culture qu’il a donnée à son esprit & par le plaisir qu’il s’est fait de traiter des sujets singuliers, vient de publier un Traité des Eunuques où il en fait voir de differentes especes, avec le rang qu’ils ont tenu & le cas qu’on en a fait dans tous les temps & dans les differens Empires du monde. Cet ouvrage est dedié à Mr Bayle qui vivoit encore lorsqu’il a esté composé ; il luy rend compte dans son Epitre dedicatoire des raisons qui l’ont engagé à traiter ce sujet ; le sejour que plusieurs Eunuques Italiens faisoient dans le lieu de la residence de Mr Dolincan, & la distinction dans laquelle ils y vivoient, sont le principal motif qui l’a fait écrire sur cette matiere ; ils estoient tous Musiciens, & avec le secours de leur voix ils se mirent bien des chimeres dans la teste par raport au beau sexe ; leurs projets ne reüssirent pas, continuë l’Auteur, les Dames ne furent pas ébloüies par ce faux éclat ; il y en eut cependant une qui écouta les propositions de mariage que lui fit un de ces Chanteurs. Un parent de cette Dame engagea l’Auteur à metre par écrit ce qu’il pensoit sur cette alliance, afin de pouvoir à l’aide de ses raisonnemens détourner la Dame d’un pareil engagement. Dans cet ouvrage, auquel cette avanture a donné lieu, & qui est divisé en trois parties, Mr Dolincan parle d’abord de l’origine des Eunuques, & il leur donne une antiquité si reculée, qu’elle devient presque imperceptible ; il prouve dans la 117. lettre de saint Basile de la traduction de Mre Jean-Baptiste Morvan Abbé de Bellegarde, la definition qu’il donne des Eunuques. Il auroit pû la prouver d’une maniere encore plus seure dans l’original Grec de ce Pere de l’Eglise ; il developpe ensuite les raisons que les Anciens avoient euës de se servir de ces sortes de gens, & il explique la maniere dont on faisoit cette operation douloureuse ; il dit ensuite qu’il y avoit quatre sortes d’Eunuques, dont étoient ceux qui portoient seulement ce nom, parce que leurs charges qui avoient esté remplies par des Eunuques du nombre desquels estoit Putifar Eunuque de Pharaon, & dont la femme eut une si violente passion pour Joseph. Il finit sa premiere partie par un détail des Loix faites contre les Eunuques. Dans la seconde il soûtient que le mariage est interdit aux Eunuques, & il raporte sur ce sujet l’autorité & les Loix de toutes les Nations ; il trouve un exemple des inconveniens que de tels mariages peuvent produire dans Eusebia, jeune Princesse qui épousa l’Empereur Constantius, qu’une suite d’infirmitez avoit presque mis dans le triste estat des Eunuques. Ce mariage ne fut pas heureux, la Princesse tomba dans une tristesse que rien ne put dissiper : sa grande jeunesse la fit resister quelque temps, mais comme une fleur qu’une trop vive ardeur séche, la Princesse tomba dans une fiévre éthique & mourut. Dans la troisiéme preuve de la premiere partie, Mr Dolincan fait voir que les Loix des Catholiques, des Calvinistes, & des Lutheriens, & enfin de tous les Protestans, déclarent nuls ces sortes de mariages. Dans la communion Lutherienne on trouve un exemple qui fait voir de la variation dans la doctrine des Sectaires. Un Eunuque Italien, Chambellan de l’Electeur de Saxe, épousa une jeune fille qui n’ignoroit pas son estat non plus que ses parens, qui ne s’opposerent pas à ce mariage, qui fit ensuite du bruit. L’Electeur consulta les Theologiens qui se partagerent sur ce sujet, & dans cette incertitude l’Electeur soudainement inspiré, prononça sur la validité du mariage ; mais Mr Dolincan traite cette décision de l’Electeur de subreptice & d’incompetente. Les réponses qu’on peut faire à six des principales objections en faveur des Eunuques, contre la rigueur des Loix Civiles & Ecclesiastiques, sont le fonds de la troisiéme partie de l’ouvrage de Mr Dolincan. Il détruit avec solidité la force specieuse de ces objections, & il ferme la bouche à ses Adversaires.

[Mital, Livre nouveau] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 126-129.

Si vous souhaitez sçavoir ce qui a esté écrit de plus surprenant, de plus admirable, de plus extraordinaire & de plus prodigieux par les Naturalistes, les Historiens & les Voyageurs sur les choses naturelles, sur les Coûtumes, sur les Usages, & sur les Opinions, vous l’apprendrez dans un Livre nouveau qui paroît ici depuis quelque temps, & qui, autant que j’en puis juger par le grand debit qui s’en fait, doit satisfaire vostre curiosité. Il est intitulé Mital, ou Avantures incroyables, & toute-fois, & cetera, & il se vend chez Charles le Clerc, Quay des Augustins, du côté du Pont Saint Michel, à la Toison d’or. Tout est nouveau dans cet Ouvrage ; il est unique dans son espece, dans son projet, dans son dessein, & dans son execution. Il contient une diversité fort amusante ; on y trouve un mélange d’enjoument & de serieux, qui en rend la lecture fort agreable. Ne vous fatiguez point, croyez-moy, comme beaucoup d’autres, pour y trouver des explications misterieuses ; il n’y en a point d’autre dans le dessein de l’Auteur, que celle qu’on peut tirer de ce que je vous ay dit au commencement de cet article ; puisque c’est un jeu sur ce que bien des gens nous ont laissé par écrit de plus bisarre, de plus merveilleux & de plus incroyable. On en promet une clef, dont je vous feray part aussitôt qu’elle paroistra ; je vous diray cependant que le stile de ce livre est fort aisé, qu’on y trouve en plusieurs endroits un sel répandu fort à propos, qui donne beaucoup de goût pour ce qu’on lit ; aussi cet ouvrage est-il d’un homme qui en a donné plusieurs au public, qui les a tres-bien reçus.

À Madame la Presidente de Croismare, Bouquet §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 129-136.

 

Je vous envoïe l’article suivant de la même maniere que je l’ai reçu.

Une Dame des amis de Madame la Presidente de Croismare étant à une Terre de Mr le Marquis de Braque, nommée la Cave, proche Chantilly, trouva en rêvant seule, & se promenant vers la fin de l’Automne dernier, une fleur blanchâtre qui ne paroît que dans ce temps & qui ressemble assez à des cheveux blancs, ou à une barbe, blanche, ce qui donna l’idée à la Dame de feindre l’Histoire cy jointe ; elle se proposa de l’envoyer en bouquet à Madame la Presidente de Croismare le jour de sa Feste, Dame d’un caractere aimable, & qui attire par ses manieres charmantes tout ce qu’il y a de gens de mérite & d’esprit.

À MADAME LA PRESIDENTE DE CROISMARE,
BOUQUET.

Un jour me promenant seule aux Bois de la Cave,
J’entendis marcher prés de moy :
Et me tournant avec effroy ;
J’apperçus un Vieillard d’une mine assez grave,
Qui me dit d’un ton radoucy,
Que cherchez-vous, Madame, icy ?
Je cherche quelques violettes,
Luy dis-je, d’un ton gracieux.
Quoy dans cette saison voir des fleurs en ces lieux !
Ne cherchez-vous point les fleurettes
D’un aimable & jeune amoureux ?
Monseigneur, ou Monsieur, car selon vostre mine,
Je ne puis deviner quel est vostre origine :
Lorsque l’on passe soixante ans,
L’on ne songe point aux Amans.
Soixante ans, me dit-il, vous n’en avez pas trente,
Et si de mes respects vous paroissiez contente,
Je vous prefererois à de jeunes beautez,
Qui viennent me chercher dans ces lieux écartez.
Ce Monsieur estoit un vieux Faune,
Qui depuis tres-longtemps habite les Forests.
Sa barbe avoit bien prés d’une aune.
Il venoit la friser dans les taillis secrets,
Et débarboüiller son teint jaune.
Je crûs qu’aprés ce tendre aveu,
Il m’accorderoit ma demande.
Je le tentay disant, vostre barbe est trop grande ;
Vous en pourriez couper un peu,
Elle en deviendroit plus fournie,
Car estant grande, il faut qu’elle soit bien garnie.
Comme un second Bias il portoit un paquet ;
Il y prit des ciseaux, & sans ceremonie
Il coupa justement dequoy faire un Bouquet.
Il n’est pas le premier, qui sans un coup de hache
M’a sacrifié sa moustache,
Croyant me prouver son amour.
Le Faune a pû croire à son tour,
Me voyant ramasser ce qu’il venoit de tondre,
Qu’au sien je pourrois bien répondre ;
Mais il se trompe lourdement :
Car à vous parler franchement,
Quoy qu’une femme de mon âge
Eut peine à trouver un Amant,
Elle ne voudroit point d’un si laid personnage ;
Et je ne comprens pas que de jeunes Beautez,
Viennent exprés pour luy dans des lieux écartez,
À moins qu’il n’ait aussi la vertu d’un Satyre,
Dont je ne fais pas cas, & que je n’ose dire.
Enfin le jour baissant il fallut nous quitter ;
Ce qui ne se fit point sans luy bien protester,
Qu’aussi tost que Phœbus montreroit sa coëffure,
Je viendrois profiter de l’heureuse avanture.
Heureusement pour moy l’hyver & les frimats
Me tirerent bien-tost de tout cet embaras.
Le Soleil pour long-temps abandonna la Plaine,
Eole y vint souffler jusqu’à perte d’haleine,
Neptune y fit couler mille & mille ruisseaux,
Qui monterent enfin jusques sur les côteaux.
Ainsi chacun resta dans sa triste cabane,
À manger son chapon, son canard, ou sa canne ;
Mais si-tost que l’Hiver a fait place au Printemps,
Je n’ay point hesité d’abandonner nos champs
Pour me trouver icy le jour de vostre Feste ;
Car à vous honorer je seray toûjours preste.
C’est pourquoy je vous offre aujourd’huy ce Bouquet
Qui n’a ny Jasmin ny Muguet ;
Mais la barbe d’un Faune est mille fois plus rare
Que les plus belles fleurs dont le Printemps se pare.

Plainte des Buveurs contre la Gelée §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 136-137.

Je vous envoye un Air nouveau, dont les paroles ont esté notées par Mr de Montailly.

PLAINTE DES BUVEURS
CONTRE LA GELÉE.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par, Qu’on ne m’apporte point, page 137.
Qu’on ne m’apporte point pour soulager ma peine,
La triste boisson du Flamand,
Ny le breuvage du Normand :
Puisqu’une Saison inhumaine
Fait périr en un jour, Bachus dans son Berceau,
Il ne faut plus songer qu’à descendre au Tombeau.
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[Distribution faite à Toulouse, des Prix des Jeux floraux] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 137-150.

 

On a fait cette année la distribution des Prix de l’Academie des Jeux Floraux à Toulouse, avec le même appareil & les mêmes ceremonies que l’on fait tous les ans, & dont je vous envoyay l’année derniere un détail fort exact.

Mr le Chevalier d’Aliez, déja connu par plusieurs Pieces d’éloquence, se surpassa dans celle qu’il prononça ce jour-là à la gloire de Clemence Isaure, qui a donné lieu par ses bienfaits à l’établissement des Jeux Floraux. Cet Eloge reçut de grandes loüanges, & l’Auteur fut fort applaudi il y a deux ans lorsqu’on lût dans l’Assemblée publique des Prix, une Analyse de sa composition sur une Epigramme de Martial. Mr le Chevalier d’Aliez est fils d’un Conseiller au Parlement de Toulouse.

Mr du Laurens, Avocat general de la Table de marbre, & qu’une Tradition domestique dit être de la famille des du Laurens de Provence qui a donné un Archevêque à l’Eglise d’Arles, & un à celle d’Embrun, fit ensuite la lecture d’une Analyse de sa composition sur une Epithalame de Barcle. Ce Magistrat se trouvant premier Capitoul ou Chef du Consistoire il y a quelques années, répondit à la Semonce qu’on fait ordinairement le second Dimanche de chaque année, pour les Jeux Floraux dans le grand Consistoire de l’Hostel de Ville, où est la Statuë de Clemence Isaure. Celuy qui fit la Semonce cette année-là estoit Mr d’Asp, President à Mortier au Parlement de Toulouse, & auparavant Maire de la même Ville ; la replique de Mr du Laurent reçut de grands applaudissemens, & il parut dés-lors meriter la place de Mainteneur des Jeux Floraux, qu’on vient de luy donner, & qui vacquoit par la mort de Mr d’Aldeguier, Tresorier de France, & dont le fils est Membre des Jeux Floraux ; la place de Survivancier qu’avoit feu Mr du Laurens a servi à l’Academie pour faire une bonne acquisition, puisque Mr de Granague fils de Mr de Caulet President à Mortier au Parlement de Toulouse, & neveu du fameux Evêque de Pamiers de ce nom, à qui elle a esté donnée, est un de ces hommes d’un goust sûr & delicat qu’on desire dans toutes les Societez, & qui font honneur à toutes les Compagnies dont ils deviennent Membres.

On fit ensuite la distribution des Prix, & de quatre qu’on doit donner chaque année, on n’en a distribué que deux celle-cy. Le premier à Mr l’Abbé Pellegrin, pour une Ode adressée à Mr le Duc d’Orleans, sur la Prise de Lerida, & le second destiné à l’Elegie, à une Eglogue qui a pour titre l’Oiseau, & dont Mr de la Motte est Auteur. Les Ouvrages de Mr Pellegrin meritent de grands éloges. De celebres Academies ont déja rendu justice à son merite en plus d’une occasion, & son nom fait un préjugé en sa faveur ; on attribuë à Mr de Pellegrin son frere quelques Pieces de Theatre qui ont eu un grand succés ; ce qui fait voir que l’esprit est hereditaire dans cette famille. Mr de la Mothe, déja plusieurs fois couronné dans les Academies de Paris & de Toulouse, a esté exclus du Prix de l’Ode & de celuy du Poëme dans la derniere distribution, par un endroit qui luy est fort glorieux, puisque c’est pour avoir remporté trois Prix dans chacun de ces genres, & il y a apparence qu’il le sera un jour de celuy de l’Eglogue, si pour l’empêcher de composer pour les Prix, on ne luy fait bientost le même honneur qu’on fit à Mrs Baïf & Ronsard, ausquels on envoya un Apollon d’argent pour les prier de ne plus composer pour les Prix, parce que leur plume faisoit tomber des mains celles de tous les autres Auteurs, & que le succés de ces deux grands hommes décourageoit les Poëtes de ce temps-là.

L’Eglogue de Mr de la Mothe a eu autant d’Admirateurs qu’il y a eu de gens qui l’ont lûë.

Les Prix destinez au Poëme & à la Prose, ont esté remis, & il semble par là que l’Academie a jugé que les Auteurs qui ont travaillé pour les meriter, ont succombé sous le poids de l’entreprise. Cependant plusieurs de ces Auteurs ont une réputation tres-bien établie, & la severité des Jeux Floraux à leur égard, ne servira qu’à faire beaucoup d’honneur à cette Compagnie.

Outre les deux Pieces couronnées, on a imprimé dans le Recüeil celles qui auroient merité de l’estre, si d’aussi dangereux concurrens que Mrs Pellegrin & de la Mothe n’avoient pas paru sur les rangs, du nombre desquelles sont une Ode qui a pour titre la Musique, dont Mr le Roy Conseiller au Chastelet, & de l’Academie Royale des Inscriptions, connu par les Opera de sa composition, qui ont eu beaucoup de succés, est l’Auteur. C’est le même qui a fait l’Ode qui a pour titre la Lyre d’Horace, qui est consacrée à la gloire de Mr de la Mothe, & qui fait l’Apologie de ses ouvrages. L’Idylle sur la mort de Tyrcis, de Mr l’Abbé Asselin, qui concourut l’année derniere pour le Prix de Poësie de l’Academie Françoise, dans un âge où l’on sçait à peine distinguer les divers genres de la Poësie ; telle seroit aussi l’Ode qui a pour titre La Levée du Siege de Toulon, à la gloire de Mr le Comte de Grignan, si l’Ode sur la Prise de Lerida n’avoit merité le Prix ; & celle aussi sur la Prise de Lerida de Mr l’Abbé de Maumenet qui auroit, de l’aveu des Connoisseurs, disputé le Prix à celle qui l’a remporté, si elle n’avoit pas esté imprimée dans un nouveau Journal. Les ouvrages suivans peuvent estre aussi de ce nombre, puisqu’ils ont esté imprimez avant la distribution des Prix. Ce sont l’Ode qui a pour titre la Beauté, adressée à Me la Princesse de Guemené ; celle qui est adressée à Madame la Duchesse, & une autre sur la naissance de Monseigneur le Duc de Bretagne, toutes trois composées par Mr Gendron du petit Fourchaud, connu par ses beaux talens pour la Poësie, & sur tout par celuy qu’il a pour les Vers tendres.

Les petites altercations ausquelles le Prix de l’Ode a donné lieu cette année fournissent depuis quelque temps un agreable jeu aux Partisans de la belle Litterature, & à ceux qui sont dans le goust de la Poësie ; l’Auteur qui a cru avoir merité ce Prix, & celuy à qui il a été adjugé écrivent avec vivacité ; l’un contre l’injustice qu’il croit qu’on luy a faite ; & l’autre pour soûtenir le jugement rendu en sa faveur. Cette guerre Poëtique amuse le Public agreablement.

On a publié un avertissement nouveau qui renferme tout ce qui regarde les Prix des Jeux Floraux, qui seront distribuez l’année 1709. Je vous l’envoyeray dans ma Lettre du mois prochain.

[Action de Graces renduës à Beauvais, en consideration d’une grace acordée par le Roy] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 314-316.

 

Quoy que l’Article suivant ne soit pas nouveau, il merite neanmoins, d’avoir place icy, & l’on ne peut trop marquer le zele pour Sa Majesté de ceux qui le font paroistre, sur tout par des Prieres publiques.

Mrs les Maires, Lieutenant & Pairs de la Ville & Commune de Beauvais, firent chanter un grande Messe en Musique à dix heures du matin, en l’Eglise de Saint Estienne le Mardi premier du mois de May dernier, pour remercier Dieu de la grace qu’il a plû au Roy d’accorder à cette Ville pour la Commutation du Taillon en Tarif. Cette ceremonie fut tres-magnifique ; tous les Corps de la Ville qui y avoient esté invitez, y assisterent ; & la Noblesse du Beauvoisis qui estoit alors à Beauvais s’y trouva aussi, & même les Gentilshommes de la Campagne qui purent y venir, assisterent à cette Messe, à la fin de laquelle on chanta un Te Deum en Musique. On tira ensuite plusieurs boëttes, & la Feste finit par un tres-grand repas que donnérent Mrs les Maires & Officiers, où les santez du Roy & de toute la Maison Royale furent buës au bruit de la Mousqueterie. La grace que Sa Majesté vient d’accorder à cette Ville est tres-considerable, & elle merite bien la reconnoissance de ses Habitans. Ce Prince en l’accordant a dit à Mr le Cardinal de Janson, qu’il estoit bien aise d’accorder cette grace à une Ville qui luy avoit toujours esté tres affectionnée. On y a fait des Prieres pendant plusieurs jours pour Sa Majesté à cause de cette concession.

[Vasconiana, ou Recueil des bons Mots, des pensées les plus plaisantes, & des rencontres les plus vives des Gascons] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 347-351.

 

Enfin le livre intitulé, Vasconiana, ou Recueil des Bons mots, des pensées les plus plaisantes, & des rencontres les plus vives des Gascons, a été mis en vente au commencement de ce mois, & il a si pleinement satisfait l’attente du public qu’il a témoigné beaucoup d’empressement pour en acheter, de maniere qu’il y a lieu de croire que l’on pourra en faire une seconde édition. Ce prompt debit fait beaucoup d’honneur aux Gascons, puisqu’il n’a pû provenir que de ce que l’on a cru que les saillies de leur esprit ne pouvoient estre que tres-vives, spirituelles, & remplies de sel, & je puis même ajoûter qu’il y en a beaucoup remplies d’érudition & même d’onction, & que ce qui semble n’estre donné au public que comme jeux de mots, & ce que l’on appelle Pointes, renferme souvent beaucoup de morale pour ceux qui les regarderont d’un certain costé, & l’on peut dire que la prudence a beaucoup de part dans plusieurs pensées de ce Livre, & qu’en s’y divertissant on y peut apprendre beaucoup de choses qu’il est necessaire de sçavoir, lorsque l’on est un peu répandu dans le monde, & dont les Lecteurs doivent profiter pour peu qu’ils ayent de penetration. Je ne prétens pas que toutes les reparties, les pensées, & les rencontres qui se trouvent dans ce Livre, soient d’une égale force, ce qui vrai-semblablement ne peut estre, puisqu’il y en a deux à trois mille. Ainsi la lecture de ce Livre, ne peut manquer de bien divertir, puisque dans trois mille articles ou environ, on peut trouver beaucoup de pensées, qui doivent faire plaisir. J’entens dans les moins brillans articles de cet ouvrage, car il y en a qui enlevent, & qui obligent de cesser la lecture, soit pour admirer, soit pour rire, ce qui n’est pas inutile à la santé des Melancholiques.

Je dois ajoûter à toutes ces choses que tous les articles de ce Livre divertissant, sont écrits d’un stile si serré, que les pensées n’estant point embarassées dans un amas de paroles inutiles qui ne disent rien, & qui ne sont que du verbiage, frappent d’abord l’imagination, & que de cette maniere elle est toûjours remplie de pensées pleines d’esprit ou de vives reparties. C’est pourquoy tout ce que l’on peut dire contre ce Livre est qu’il est trop rempli de choses attachantes, & qu’il occupe trop l’esprit auquel il ne donne point de relâche ; mais si c’est un deffaut, il seroit à souhaiter pour le public que plusieurs Auteurs eussent le même deffaut ; mais par malheur pour ce même public, il s’en trouve beaucoup qui sont bien éloignez de l’avoir.

Ce Livre se vend 45. sols, chez le sieur Brunet, dans la grande Salle du Palais, à l’Enseigne du Mercure galant.

Air nouveau §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 362-363.

Pendant que ces nouveaux époux vont joüir du Printemps de leurs belles années, je passe à une Chanson, faite à l’occasion du dernier Printemps, & dont les paroles ont esté mises en Air par Mr de Montailly.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’Air qui commence par Iris, page 363.
Iris m’avoit promis que la Saison nouvelle
La rameneroit dans nos champs ;
Cependant voicy le beau temps
Et l’on ne voit point cette Belle ;
Ah ! je crains bien que le Printemps
Ne revienne souvent sans elle.
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[Quatrieme Article des Nouvelles de l’Armée de S.A.R] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 371-373.

 

Lors que je croyois n’avoir plus rien à vous dire de nouveau touchant ce qui regarde la Relation que vous venez de lire, il en est tombé une entre mes mains, qui, quoy que de peu d’étenduë, contient neanmoins plusieurs faits nouveaux. Je vous l’envoye en original.

Au Camp devant Tortose, le 16. Juin.

S.A.R. partit le 9. de Ginestar, & nous en décampâmes le 10. Depuis ce temps-là il ne s’est rien passé. Nous arrivâmes le 12. & le même jour un Lieutenant de Dragons du Regiment de Picalqué, avec quinze Dragons, arresta à l’embouchure de l’Ebre, 4. Barques chargées de viande sallée, & de bled ; & la nuit du 12. au 13. le Regiment d’Auvergne & celuy d’Orleans attaquerent le Poste des Capucins, & s’en rendirent les maistres. Nous y perdîmes trois Soldats, & il y eut un Officier d’Auvergne blessé à la main. Les Capucins ont reçû ordre d’aller à Barcelonne. Hier matin on prit un Espion qui fut pendu hier au soir, & qui fut mis à la porte du haut-Ebre par où il estoit sorti. Avanthier Son Altesse Royale apprit que les Ennemis avoient détaché vingt Escadrons du costé de Caspé, & hier matin on détacha de nôtre Armée les Regimens de Fléche, d’Astourto & de Paneton, pour arrester leur course. La garnison est composée de huit Bataillons, de deux mille Miquelets, & de trois cens chevaux. Les Regimens sont le General Fuisen, Hollandois, Saint-Amant, & Neuvendail, tous deux aussi Hollandois ; General Ephre, Venten, & Barbaut, Allemans, & la Reine Anne, François Religionnaires. La Ville a sur le haut-Ebre, un Chasteau soûtenu par un Ouvrage à corne, où les ennemis commencerent à travailler l’année derniere & qu’ils ont perfectionné depuis un mois, & elle a sur le bas-Ebre, le Convent des Carmes tres-bien fortifié. On assure que le 19. on ouvrira la Tranchée ; que nostre canon pourra tirer à la fin du mois, & que le 25. du mois prochain nous pourrons chanter le Te Deum.

[Journal de Fontainebleau] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 391-395.

 

Vous avez paru si contente du Journal que je vous envoye tous les ans du voyage de Fontainebleau, que je crois devoir continuer de vous en envoyer un cette année ; cependant il sera moins remply que ceux des années precedentes, puisque les divertissemens que l’on prend pendant les grandes chaleurs de l’Esté, sont moins considerables que ceux que l’Autonne fournit.

Le 15 de ce mois Monseigneur le Dauphin, qui estoit alors à Meudon, en partit le matin avec Madame la Princesse de Conty Douairiere, & passa à Petit-Bourg qui appartient à Mr le Marquis d’Antin, pour se rendre à Fontainebleau.

Ce Prince, depuis le jour de son arrivée jusqu’au 18. alla deux fois à la chasse du cerf & autant à celle du loup.

Le 18. le Roy partit de Versailles entre 11. heures & midy : il avoit dans son carosse Madame la Duchesse de Bourgogne, Me la Duchesse de Brancas, & Me la Maréchale d’Etrées. Sa Majesté arriva sur les quatre heures à Petit-Bourg ; elle se promena dans les Jardins où elle ne pût demeurer long-temps à cause de la pluye ; les Dames joüerent à differens jeux ; Mr le Marquis d’Antin fit servir plusieurs tables pour tous ceux qui voulurent manger en arrivant, & il fit fournir à toutes les suites toutes les choses dont elles pouvoient avoir besoin ; de maniere qu’il se fit une continuelle distribution de toutes choses, depuis l’arrivée de la Cour jusqu’à l’heure du souper. Les Gardes du Corps, les Cent-Suisses & les Gardes Françoises & Suisses furent traitées comme elles l’avoient esté dans les precedens passages de S.M.

Le 19. il y eut une excellente Musique à la messe du Roy. S.M. se promena encore le matin, & vit les nouveaux ouvrages qui se font dans les Jardins. Il y avoit une augmentation de Bâtiment pour les Officiers du Gobelet, ainsi que l’on en avoit fait une l’année precedente pour ceux de la bouche. S.M. partit à l’issuë du dîné pour se rendre à Fontainebleau où elle arriva sur les cinq heures. Mr de saint Heran Gouverneur & Capitaine du Chasteau se trouva à l’entrée de la Forest avec tous les Officiers & les Gardes des plaisirs ; les Officiers des Eaux & Forests parurent avec leurs Gardes une demi-lieuë au delà, & à une demi-lieuë de Fontainebleau, on trouva les Officiers de Justice & les principaux habitans qui témoignerent à S.M. la joye qu’ils ressentoient de la voir arriver. Monseigneur le Dauphin reçut le Roy à la descente du carosse, & toutes les Princesses le saluerent dans le grand cabinet. S.M. passa le reste du jour avec ses Ministres.

[Article des Enigmes] §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 403-406.

 

Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit le Livre, & il a esté trouvé par Mrs le Comte de Chester ; de Plœlo ; de Laurouë, ci-devant Capitaine au Regiment de Piemont ; le Blondin, de la ruë sainte Catherine ; Antoine du May ; Nicolas Vaudin ; Estienne Lambert ; Pierre & Jacques Vannereau ; Gertrude & son gros du Bois ; le sage Perrin ; le Tabellion, lassé du divorce ; L.I. du Pont Nôtre-Dame ; l’Ami fidelle du charmant Loulou, de la ruë Coquilliere ; le Solitaire des Angloux & son Ami Darius ; le Forcier du Marais ; le Solitaire du Cul-de-sacq de Saint-Landry, & le Mechanicien de Cour-Cheverny, au Diocese de Blois. Mlles le Roy, de la ruë Saint Antoine ; de Forteville, du Marais ; le Roux de la ruë Saint Honoré ; la jeune Muse renaissante G.O ; la gracieuse Me Lobin, de la ruë de Barcy ; l’Ancienne Antagoniste des plaisirs permis, du petit Paris ; les deux blondes Locataires du Praxitelle, du même quartier ; le Déesse hospitaliere, de Poüilly sur Loire ; l’Inconstante de Lor ; la Lune ; la Nymphe, les Dieux & les Déesses de la Fossée, quelques fois habitans de Montreüil ; la plus jeune des belles Dames de la ruë des Bernardins ; la Solitaire de la ruë aux Féves ; la Mere du Cul-de-sac de Saint Landry ; la Solitaire de la Place Maubert ; la Colombe de Merignac ; l’heureux A.C. & Iris, l’ont expliquée en Vers.

Je vous envoye une Enigme nouvelle. Elle est de Mr l’Abbé D.L.M.*****

ENIGME.

J’habite dans des lieux d’un accés difficile,
Et pour m’en faire déloger,
On fait venir un Etranger,
En cela plus qu’un autre habile
Alors le fer en main, & semblable à l’Amour,
Il me coupe ; il m’abat, & fier de sa victoire,
Si-tost qu’il voit le jour
Il chante à haute voix ma deffaite & sa gloire.

Avis §

Mercure galant, juin 1708 [tome 6], p. 436.

 

AVIS.

Le Mercure de Juillet se distribuëra sans faute le Vendredy troisiéme d’Aoust. On doit remarquer qu’il se distribuë toûjours le jour marqué dans les Avis que l’on donne chaque mois, & que ceux qui ont des raisons de publier le contraire, abusent le Public, lorsqu’ils disent autrement.