1705

Mercure galant, mai 1705 [tome 5].

2017
Source : Mercure galant, mai 1705 [tome 5].
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Mercure galant, mai 1705 [tome 5]. §

[Mariage] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 69-76.

Le Lundy 20. Avril Mr le Marquis de Conflans, fils de Mr de Menars President à Mortier au Parlement de Paris, épousa dans la Paroisse de S. Jean en Gréve, Marie-Charlote de Salligné, fille de feu Julien de Salligné, Marquis de la Cheze, des plus anciennes Maisons de Poitou. Il est Colonel d’Infanterie, & sert avec beaucoup de distinction. Mr le President de Menars son pere a esté Intendant de la Generalité de Paris. Son nom est celebré parmi les Sçavans par l’amour qu’il a toûjours marqué pour les belles Lettres & pour ceux qui s’y attachoient avec succés. Le soin qu’il s’est donné de rassembler la celebre Bibliotheque de l’illustre Maison de Thou, qui estoit fort dispersée, rendra son nom cher à tous les Sçavans qui viendront aprés luy. Il est frere de feu Me Colbert, Marie de Charon, & de Me la Marquise de Saumery ; & fils de feu Mre Jacques Charon, Seigneur de Menars, Saint Claude, Villerbon, &c. Conseiller du Roy en ses Conseils, grand Bailly de Blois & Capitaine des Chasses de ce Comté. Le nom de Charon est celebre en France depuis long-temps. Louis Charon Parisien estoit un celebre Avocat du seiziéme siecle, qui ne voulut point quitter cette noble fonction pour passer à de plus grands emplois où nos Rois vouloient l’élever. Il a laissé des ouvrages qui nous font voir qu’il n’excelloit pas moins dans la connoissance des belles Lettres qu’en celle de la Jurisprudence. Il composa un Panegyrique du Roy Charles IX. que Robert Estienne imprima, & dont il fit ensuite diverses éditions. On peut voir là-dessus du Verdier & la Croix du Maine. La Maison de Salligné dont est Me la Marquise de Conflans est une des plus considerables de la Province de Poitou, où elle estoit déja connuë sous le regne de Louis le jeune, à qui Eleonore heritiere de cet Etat & de la Guyenne, les porta, & qui en ayant ensuite esté repudiée pour quelque intrigue de galanterie que le Roy son époux crut qu’elle avoit eu avec Saladin, Soudan d’Egypte, dans une Croisade, où elle accompagna le Roy son mary, elle les porta à Henry second, Duc de Normandie & Roy d’Angleterre, qu’elle épousa ensuite. Leur fils Jean sans terre perdit ces deux Provinces par crime de felonnie, & l’Histoire remarque qu’un Seigneur de la Maison de Salligné ne voulut jamais abandonner ce Prince, dans ses plus grandes infortunes. La Province de Poitou ayant esté donnée quelque temps aprés en appanage à Alfonse de France, fils du Roy Louis VIII. & frere du Roy Saint Louis. Les Seigneurs de Salligné firent une grande figure à la Cour de ce Prince. Ce furent encore quelques Seigneurs de ce même nom qui disposerent les Poitevins leurs compatriotes, à rentrer sous l’obéïssance de Charles VII. & à chasser les Anglois qui étoient rentrez dans leur Province. Le Poitoü fut pour lors annexé & uni pour toûjours à la Couronne, c’estoit environ l’an 1436. La Maison de Salligné est alliée à celle de Poitiers, dont estoit la celebre Diane, Duchesse de Valentinois, qui estoit sur un grand pied à la Cour de Henry II. Roy de France. Elle estoit fille de Jean de Poitiers, Comte de Saint Vallier & de Jeanne de Batarnay : elle fut mariée à Loüis de Brezé, Comte de Maulevrier, Sr d’Anet, Gouverneur & Sénéchal de Normandie. Elle en eut deux filles, Françoise, femme du Duc de Boüillon, & Louise, mariée au Duc d’Aumale. Lorsqu’elle vint à la Cour de France elle y amena une Demoiselle de Salligné qui y brilla beaucoup, & qui y causa de grandes passions, elle eut part à la disgrace de sa protectrice, arrivée à la mort funeste de Henry II. l’an 1549. & elle ne la quitta qu’à sa mort arrivée au Chasteau d’Anet en 1566.

Réponse de l’Auteur des Essais de Litterature à quelques endroits qui le regardent dans les Dissertations de Pierre Joseph, sur divers points de l’Histoire de Provence, de l'Imprimerie plantinienne, à Anvers 1704 §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 76-121.

Je vous envoye un ouvrage rempli d’érudition, afin que la varieté des matieres vous fasse trouver mes Lettres plus agréables.

RÉPONSE
De l’Auteur des Essais de Litterature à quelques endroits qui le regardent dans les Dissertations de Pierre Joseph sur divers points de l’Histoire de Provence, de l’Imprimerie Plantinienne, à Anvers 1704.

Le nommé Pierre Joseph d’Ache, ou d’Aitze, (car il ne s’est pas encore déterminé sur le nom qu’il doit porter) Prêtre de l’Eglise de Cavaillon, ainsi qu’il prend soin de nous l’apprendre dans son Epître Dedicatoire à l’Evêque de ce lieu, répondit enfin, il y a quelques mois aux Reflexions que Mr de Chasteuil & Mr de Saint Quentin publierent en 1702. à Cologne, sur son Libelle intitulé : Lettre Critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois, &c. Cette nouvelle Reponse sortie, dit on, de l’Imprimerie Plantinienne, établie à Anvers, & qui s’est fait si long-temps attendre, a esté distribuée en Provence par le nommé Ruffi de la Ville de Marseille, qui s’en est declaré l’Apologiste, & qui a travaillé à l’ouvrage quoy qu’il assure le contraire. Ces deux Auteurs sont connus par des ouvrages qui ne leur ont pas fait honneur, & qui ne feront pas passer leurs noms à la posterité, d’une maniere fort glorieuse pour eux. D’Ache publia, il y a quelques années, un Libelle intitulé : les Moines empruntez, où il décrioit tous les Ordres Reguliers, ceux même qui sont les plus respectables dans l’Eglise. Ruffi, qui s’est veu mêlé en dernier lieu d’une maniere un peu humiliante, dans un procés 1 qui vient d’estre jugé au Parlement d’Aix, entre les Religieux & les Chanoines Reguliers de S. Antoine, d’une part ; & les Cordeliers, les Augustins, les Carmes, & les autres Religieux de la Ville d’Aix, de l’autre, est fils d’un Conseiller au Presidial de Marseille, qui publia en 1682. ou 1683. l’Histoire de cette Ville, qui fut si mal receüe dans le monde, & dont le Libraire, Henry Martel, eut si peu de debit qu’il en mourut de douleur. Le fils qui paroît aujourd’huy sur la Scene, & qui s’est declaré l’Apologiste de Pierre Joseph, a encore gasté cet Ouvrage par les Additions qu’il y a faites & par des Genealogies tres-suspectes qu’il y a inserées. Aprés cette premiere idée, qu’il estoit necessaire de donner au Lecteur des deux Auteurs qui m’ont attaqué dans leurs Dissertations, il faut aussi luy donner une pleine intelligence du fait dont il s’agit, & l’instruire du premier sujet de la contestation, en remontant pour ainsi dire, à la source.

Mr de Chasteuil, par un zele qu’il a herité de tant de sçavans Hommes dont il descend, voulut bien se charger du soin de faire dresser les Arcs Triomphaux, au passage de Messeigneurs les Princes à Aix, en l’année 1701. il en composa une Relation qui fut imprimée in folio, en la même année, chez Jean Adibert, Imprimeur du Roy proche le Palais, sous le Titre de Discours sur les Arcs Triomphaux dressez en la Ville d’Aix à l’heureuse arrivée de Monseigneur le Duc de Bourgogne & de Monseigneur le Duc de Berry. Cette Relation, où les noms de Mr de Remerville S. Quentin Gentilhomme de la Ville d’Apt, & de plusieurs autres personnes de consideration de la Province, paroissoient d’une maniere qui leur faisoit honneur, estoit dediée au premier de ces Princes. L’Epître dedicatoire estoit belle & bien écrite ; le corps de l’ouvrage contenoit soixante-seize pages, de belles planches pour expliquer le dessein des cinq Arcs triomphaux, & la description de ces cinq Arcs. Les points de l’Histoire de Provence, que l’Auteur y avoit fait entrer d’une maniere fort ingenieuse, furent attaquez quelque temps aprés par les deux Auteurs des Dissertations, &c. dans le Libelle intitulé : Lettre Critique de Sextius le Salien à Euxenus le Marseillois. Mr de Chasteuil répondit dans ses Reflexions qu’il addressa à Mr de Suffren Conseiller au Parlement d’Aix, & tres-habile dans l’Histoire de sa Patrie. Mr de S. Quentin qui avoit aussi esté attaqué dans la Lettre Critique, répondit d’un air à faire juger au Prestre de Cavaillon & à l’Historien de la Ville de Marseille, que la partie devenoit trop forte pour eux. C’est enfin à ces Reflexions qu’aprés deux années d’attente, Mrs d’Ache & Ruffi viennent de repliquer dans un Livre de leur façon & qu’ils ont publié sous le titre de Dissertations de Pierre Joseph sur divers points de l’Histoire de Provence ; & comme j’y ay esté attaqué, au sujet de ce que j’ay dit des Reflexions, &c. de Mr de Chasteuil, dans l’Essai de Litterature du mois de May 1703. ces Mrs trouveront bon que je leur réponde. Si ce n’est pas avec cette delicatesse qu’on remarque dans leur ouvrage, & avec une élocution aussi pure que la leur, j’espere du moins que ce sera avec plus de solidité.

Pierre Joseph entreprend de Discuter douze points d’Histoire dans ses Dissertations. 1. Si Marius est Fondateur du Palais d’Aix, ou si c’est Cajus Sextius. 2. Si les premiers droits de la France dérivent de Marguerite de Provence, épouse de S. Loüis, ou des Donations de Vitigez Roy des Ostrogots & de l’Empereur Justinien. 3. Si les premiers Troubadours estoient des gens loüables, si c’est le contraire. 4. Si c’est un équivoque grossier, d’assurer que la Provence a esté autrefois connuë sous le nom d’Aquitaine, ou si elle a effectivement porté ce nom. 5. Si ce qu’on écrit des Cours d’Amours sont des réalitez ou des Fables. 6. Si dans la ligne des Comtes proprietaires de Provence, il faut compter cinq Raymonds Berangers, ou seulement trois. 7. Si le fameux Fouquet de Marseille quitta le monde à cause de la mort des Princes ses protecteurs, ou si ce fut par un autre mouvement. 8. Si ce mesme Fouquet a esté Evesque de cette Ville, ou s’il ne l’a pas esté. 9. Si le celebre Guillaume Durand, surnommé le Speculateur, Evesque de Mende a esté Troubadour, & s’il est vray qu’il soit mort d’amour sur la nouvelle du decés de la belle Balbe de Balbs, de laquelle on suppose qu’il estoit amoureux, ou si ce n’est-là qu’un indigne & fabuleux travestissement. 10. Si la Fondation du Monastere des Religieuses Benedictines de Tarascon est du douziéme Siecle ou du quatorziéme. 11. Si le Concile de Latran a approuvé en faveur du Parlement d’Aix, le droit d’annexer, ou s’il l’a condamné. 12. Si la premiere Proclamation du Roy Henry IV. pour Roy, aprés son abjuration a esté faite dans Aix, ou dans Meaux.

Comme Mrs de Chasteuil & de S. Quentin, ont répondu à ces douze points d’Histoire, d’une maniere qui doit satisfaire tous les Sçavans, dans l’Apologie des anciens Historiens, & des Troubadours ou Poëtes Provençaux, servant de réponse aux Dissertations de Pierre-Joseph sur divers points de l’Histoire de Provence, imprimée à Avignon, chez Jean du Perier 1704. Je n’en parleray qu’autant que dans chaque point, je trouveray des choses qui me regarderont ; & si j’en touche d’autres où je ne dois prendre aucune part, ce ne sera qu’incidemment & pour relever quelques béveuës de nos Critiques. Mais avant d’entrer en matiere je dois faire deux remarques en faveur du Lecteur.

La premiere regarde Mr de S. Quentin, Auteur en partie de la Réponse aux Dissertations. Ce Gentilhomme est un des plus habiles en tout genre de Litterature, qu’il y ait en France. Il est excellent Critique, personne ne connoist mieux que luy, l’Antiquité, & n’est plus versé dans l’Histoire Ecclesiastique. On en peut juger par plusieurs Dissertations qui ont paru dans les Pieces fugitives, & par celle qui doit bien-tost paroitre dans un Journal estranger. Il travaille à l’Histoire de sa Patrie & à celle de Comtes de Forcalquier, & il donnera au premier jour au public celle de Saint Elzear. Il a de plus un goust naturel pour la Poësie, il en connoist toutes les beautez, & il compose en ce genre avec une grande facilité.

La seconde remarque que j’ay à faire, regarde Mr le Bret Intendant de Provence, auquel l’Apologie des Anciens Historiens & des Troubadours, est dediée. Ce jeune Magistrat est d’un merite distingué, il soutient avec honneur le nom de Cardin le Bret que tant de grands hommes ont portez. En 1664. & n’etant âgé que de dix-neuf ans il fut pourvu d’un Office de Conseiller au Parlement d’Aix ; & en 1696. d’une Charge de Maître des Requestes. Le Roy le nomma en 1701. Intendant à Pau en Bearn ; & enfin il le rendit à la Provence l’année derniere. Il y exerce la même charge avec un zele & une activité pour les interests du Roy qui ne le rendent pas moins cher au peuple ; par le bonheur qu’il a de concilier toûjours ses droits avec ceux du Prince, accord souvent difficile à faire. Il a un goût declaré pour les Sciences & pour les beaux Arts, & il se fait voir dans toutes les occasions le Protecteur de ceux qui s’y attachent. Il est fils de Messire Piere Cardin le Bret premier President du Parlement d’Aix, qui a esté pendant 15. ou 16. ans Intendant de la même Ville. Cette Maison a donné à l’Etat de grands Magistrats. Le celebre Cardin le Bret, Procureur general du Parlement de Paris, estoit bisayeul de celui qui donne lieu à cette remarque : sa reputation est grande & son nom est encor aujourd’huy en veneration dans l’auguste Parlement, dont il remplissoit autrefois un des premiers postes. Il est temps de revenir à mon sujet principal.

Le premier endroit où je suis attaqué dans les Dissertations, est celuy où il est parlé du droit que nos Rois ont sur la Provence. J’avois dit dans l’Essai de Litterature du mois de May (1703) que le Critique Sextius par un zele indiscret qui sent plus le stile d’un Romancier, que celui d’un Historien, tire ce droit de la donation de Vitigez Roi des Ostrogots à un de nos Rois, & que Mr de Chasteüil au contraire ne le fait pas remonter plus haut qu’au mariage de Marguerite de Provence, fille du dernier Beranger, avec le Roy S. Loüis, & au testament de Beatrix sa sœur. Sur ce mot de Romancier Pierre Joseph s’eleve & s’evapore en grands raisonnemens pour soutenir sa premiere proposition. Il dit donc en premier lieu, que des Romains la Provence avoit passé par conquête aux Ostrogots, lors que Vitigez leur Rois pour se procurer l’appuy des François, leur fit une cession de cette Province, laquelle fut confirmée quelque temps aprés, par l’Empereur Justinien dans le même esprit. Voila d’abord un insigne anachronisme, & je crois faire grace à nostre Critique en ne traitant que d’Anachronisme la proposition qu’il vient d’avancer, puis qu’il n’est point vray que la Provence ait passé des Romains aux Ostrogots. Ceux-ci, au contraire, succederent immediatement aux Visigots, qui firent les premiers la conqueste d’une partie de cette Province, pendant que les Bourguignons s’assujettissoient l’autre, dont ils joüirent jusqu’à la destruction du Royaume de Bourgogne, que Clovis Roi de France & Theodoric Roi des Ostrogots se partagerent aprés l’avoir conquis ; & jusqu’à la mort du malheureux Sigismond 2, en qui la race des premiers Rois de Bourgogne finit, Clodomir fils de Clovis, ayant eu pour sa part le Royaume d’Orleans, prétendit à celuy de Bourgogne, du Chef de sa mere Clotilde. Ses freres s’étant joints à luy, defirent Sigismond, le prirent prisonnier, & l’envoyerent à Orleans où il fut jetté dans un puits avec sa femme & ses enfans, le premier jour de May de l’an 523. d’ailleurs, si c’est le sieur Ruffi, qui dit que la Provence passa des Romains aux Ostrogots, il s’éloigne en cela du sentiment de son pere lequel dans son Histoire des Comtes de Provence, reconnoist que cette Provence passa des Visigots & des Bourguignons aux Ostrogots, & sur ce point son sentiment est conforme à celuy des deux Nostradamus, de Bouche, & de Quercetan. Au reste je ne dois pas me faire tout l’honneur de cette Remarque, les Auteurs de l’Apologie des Troubadours l’ont faite avant moy.

Les François, continuë Pierre Joseph, joüirent de cette Province jusqu’aux enfans de Louis le Begue, de la seconde race, & aprés le decadence de cette même race 3 : & même aprés que des Comtes particuliers se furent rendus maistres de la Provence les Actes publics font foy qu’on y reconnoissoit encore la Souveraineté de nos Rois. Cet Auteur devroit sçavoir, que si les Scribes faisoient quelques-fois mention dans leurs Actes publics du regne des Rois Carlovingiens, ce n’estoit que pour marquer le respect que l’on conservoit en Provence, pour l’Auguste Maison de France, aprés que les Princes de la seconde race furent montez sur le Thrône ; & qu’ainsi les Rois de cette Monarchie n’avoient pas pour cela plus de droit sur cette Province que sur les autres qui composoient l’Empire des Gaules, dont l’Empereur Anastase avoit fait une cession authentique à Clovis ; & on a déja fait remarquer à Pierre Joseph, que c’est à cette cession, & non pas à la donation de Vitigez, qu’il faut rapporter la date des Actes publics, où il est fait mention du regne des Rois François, dans le temps que la Provence avoit ses Comtes particuliers ; mais cette simple mention ne fut jamais une preuve de la souveraineté de nos Rois sur ce Païs. D’ailleurs, s’il leur appartenoit à present sous le titre de la donation de Vitigez, toutes les fondations faites par les Souverains de cette Province, seroient nulles, & les Fiefs alienez seroient reversibles à la Couronne : cependant nos Rois, depuis la donation faite à Loüis XI. n’ont jamais fait valoir ce droit prétendu, persuadez sans doute qu’il ne leur étoit pas dû. Cependant Pierre Joseph aprés avoir dit que la question est de sçavoir si les premiers droits de nos Rois sur cette Province doivent estre limitez à Marguerite de Provence, conclut fierement avec Baronius, sur le témoignage duquel il croit pouvoir se fonder, qu’en consequence de la donation de Vitigez, nos Rois de la premiere race avoient déja un droit sur cette Province ; & qu’à la difference des Domaines ordinaires, Feodaux & Allodiaux, qui peuvent estre alienez, ceux de nos Rois ne peuvent jamais l’estre, & quand ces Princes en ont souffert la possession à d’autres, c’a esté par necessité, témoin la réunion de la Guienne à la Couronne sous Charles VII. aprés en avoir esté separée plus de 500. ans 4

Pour repondre aux raisonnemens de Pierre Joseph, je soutiens que le droit le plus certain de nos Rois sur la Provence vient de la donation de Charles IV. Comte du Maine dernier & legitime possesseur faite au profit de Loüis XI. & que pour la donation de Vitigez Roi des Ostrogots, c’est une trop vieille drogue pour me servir des termes d’un scavant homme, qui m’écrivit sur ce sujet il y a que quelques jours, & que si elle avoit lieu, il faudroit dire que l’Empereur aujourd’huy regnant ou son successeur, seroit bien fondé de reduire en Province de sa domination tous les Royaumes Chrestiens de l’Europe, parce qu’il est constant qu’ils obéïssoient aux anciens Empereurs Romains, dont celui-ci prétend avoir le droit. De plus le raisonnement de Pierre Joseph est concluant contre luy-mesme, puisqu’il est certain que si nos Rois avoient eu veritablement le droit qu’ils leur attribuent, ils n’eussent pas manqué de le faire valoir en tant d’occasions, où il ne tenoit qu’à eux de réunir la Provence à leur Couronne, si elle en eut esté certainement une dépendance. Eh ! qui doute que s’ils ne l’ont pas fait dans la seconde & dans la troisiéme race, ce n’a esté qu’un sentiment de Religion & de justice qui les en a empêchez, & parce qu’ils n’ont pas voulu se servir du pouvoir que Dieu leur avoit donné, pour enlever l’heritage des Princes leurs Voisins. D’où je conclus qu’il y a de l’imprudence d’abandonner un droit certain & incontestable pour en rechercher un chimerique ; & les Historiens qui négligent le titre essentiel & primordial, sur la foy duquel nos Rois possedent la Provence, pour en aller puiser un dans la Fable & dans l’Antiquité la plus obscure, ne sont pas en verité excusables. Sont-ils plus instruits du veritable droit de nos Souverains sur cette Province, que ne l’étoit Marguerite de Provence elle-même ? Cette Princesse aprés la mort du Roy son époux, voulant faire valoir ceux qu’elle avoit sur la Provence, ne dit pas que cette Province, lui appartenoit & qu’elle devoit faire retour à Philippes le Hardy son fils, parce qu’elle étoit un démembrement de la Couronne de France ; mais elle se retrancha uniquement, à soûtenir, qu’étant l’aînée des filles de Beranger, ce Prince n’avoit pû instituer Beatrix, sa sœur cadette, heritiere de ses Etats, à son préjudice. Le treisiéme Siecle étoit-il donc si dépourvû de Ministres & d’habiles Politiques qui ignorassent en quoi consistoient les droits de leur Souverain ? & si dans ce temps-là on ne fit aucune attention à la donation de Vitigez, n’en doit-on pas conclure, qu’on la regardoit alors comme une chimere. Mais il y a plus ; Charles le Bel Roy de France, fit-il aucune protestation contre l’adoption que la Reine Jeanne de Naples fit de Loüis, premier Duc d’Anjou ? C’étoit pourtant bien le cas d’en faire une, si veritablement ce Roy eut eu un ancien droit sur la Provence ; & lorsque René Duc de Lorraine, contesta le Testament de Charles IV. Duc du Maine, en faveur de Loüis XI. les Arbitres choisis par les Parties, eurent-ils égard à d’autres titres qu’au Testament de Beatrix de Provence, épouse de Charles premier, frere de Saint Loüis & à celui de Charles, Comte du Maine, qui à proprement parler n’étoit que l’execution du premier, puisque Beatrix avoit substitué tous ses Etats à la posterité de Marguerite Reine de France, sa sœur, au cas que la sienne vint à manquer : ce qui arrivoit en la personne du Comte du Maine. Romeo de Villeneuve, Tuteur de la Princesse Beatrix, nous assure même dans une de ses Lettres, que lorsque Beranger disposa de ses Etats en faveur de Beatrix, cadette de Marguerite, il le chargea de recommander à cette Princesse d’avoir égard au droit de sa sœur aînée, qu’il dépoüilloit, pour ainsi dire, en sa faveur.

Mrs de Chasteüil & de S. Quentin ont-ils donc tant de tort de dire que c’est raisonner en franc Ostrogot, de proposer pour un titre certain, la donation de Vitigez, Roy des Ostrogots, & que si on vouloit chercher un droit ancien, il falloit plustost citer la concession de l’Empire des Gaules faite au Roy Clovis par l’Empereur Anastase l’an 509. A propos de cette datte, l’Imprimeur ayant mis 109. pour 509. Pierre Joseph se récrie ; sur cette faute comme si elle pouvoit estre attribuée à ces Messieurs. Qui peut douter que ce ne soit une faute d’impression ? le Lecteur même le plus passionné en conviendra, s’il veut bien remarquer que cette concession d’Anastase n’est mise dans l’endroit où est l’erreur du chiffre, qu’aprés la mort de Siagrius. Cette raison est sans replique ; mais j’ay tort de vouloir justifier ces Auteurs d’une faute, dont leur seule habileté les justifie assez.

Nostre Critique appuye encore son sentiment sur l’authorité de Procope, de Baronius, de Vigner, &c. qui parlent de la donation de Vitigez & c’est icy où il crie victoire ; mais malheureusement, on luy a fait voir que ces Auteurs ne disent rien moins que ce qu’il leur fait dire, & c’est par leurs propres termes, qu’on a renversé son Systéme. Pour soûtenir la prétenduë donation du Roy des Ostrogots, il combat encore la concession d’Anastase, & il l’attaque par le témoignage de Gregoire de Tours, en disant que cet Empereur envoya seulement à Clovis des Lettres de Consul honoraire, & que ce Roy qui avoit déja pris auparavant la qualité d’Empereur des Gaules, n’avoit pas besoin de cette concession ; mais ce raisonnement est détruit par les paroles de Gregoire de Tours & de Roricon, rapportées aux pages 28. & 29. de l’Apologie. Pierre Joseph dit de plus, que quand cette donation seroit certaine, la Provence n’y pourroit pas avoir esté comprise, puisque c’est Justinien qui en fit le don, & il ajoûte d’un air triomphant, qu’il est étonnant que pendant que des François contestent cette donation, les Etrangers, comme Procoppe & Baronius, la soûtiennent, & c’est proprement icy où il m’attaque : l’Auteur des Essais, dit-il, tranchant du décisif sans en avoir le merite, a écrit que le Critique Sextius, par un zele indiscret qui sent plus le stile d’un Romancier, &c. Il demande ensuite en quoy il a péché du costé de la discretion, & ce qu’il y a de Romanesque dans ses Remarques ; je luy répons que c’est en abandonnant un titre certain & incontestable, & qui a paru si fort à nos Rois, qu’ils n’en ont jamais fait valoir d’autres, pour en chercher de vains & de chimeriques. Nul ne s’étoit encore avisé, continuë-t-il, de traiter Baronius de Romancier, pendant qu’il traite (l’Auteur des Essais) les Troubadours d’Historiens, (p. 369. Essay de May), il me reproche ensuite que j’ay dit de ces derniers, que nous leur avons toute l’obligation des lumieres que l’on a sur l’ancienne Histoire de Provence. Pierre Joseph veut icy confondre ses interests avec ceux de Baronius ; il me permettra de les distinguer, & je crois que je pourray toûjours traiter la proposition du Critique de Romanciere, sans m’éloigner pour cela, de la veneration qui est deüe au grand Annaliste de l’Eglise ; enfin si Baronius a dit toute autre chose que ce que luy fait dire le Prestre de Cavaillon, je crois que je peux attaquer celui-ci, independament du premier : or c’est ce que j’ay fait & ce qu’on pourra verifier par le texte de Baronius rapporté à la p. 21. de l’Apologie.

Quant à ce qui regarde les Troubadours, je dois d’abord remarquer, que Pierre Joseph les confond avec les Comediens & les Farceurs que la Reine Constance amena en France : il nous renvoye à tout ce que Glaber, Moyne de saint Germain d’Auxerre, dit des Troubadours qui commencerent à paroistre sous Guillaume premier Comte de Provence, dont la fille Constance épousa Robert Roy de France, duquel Glaber nous a conservé l’Histoire ; mais comme les Comediens qui suivirent cette Princesse en France, & qui au raport du Moyne Glaber y porterent la corruption, sont fort differens des Troubadours dont il s’agit icy, ce que les Auteurs de l’Apologie, ont parfaitement prouvé, dans leur troisiéme Dialogue, pages 39. 40. 41. 42. &c. je me réduis à faire voir en peu de mots que les anciens Poëtes Provençaux n’ont pas esté des gens aussi méprisables, que l'a voulu persuader Pierre Joseph, & que je ne me suis pas fort éloigné de la verité, lorsque j’ay dit que nous leur avons obligation des lumieres que l’on a sur l’ancienne Histoire de Provence. Le témoignage du Pape Innocent VI. de Barrail Vicomte de Marseille, de la Princesse Adelasie son épouse ; celui des Guillen Adhemar, des Fouquets & des Comtesses de Die, des deux Nostradamus & de Martial d’Auvergne, ne doivent pas estre oubliez ; ce sont pourtant des personnes si respectables par leur naissance & leur qualité, ou par leur merite personel, que Pierre Joseph aprés leur avoir donné le nom de Troubadours, appelle des Ongleurs, Comics, Musars, Vialeurs & Chantaires, & il conclud que ce sont de telles personnes que la Reine Constance mena avec elle à Paris. Ne fait-il pas beaucoup d’honneur à tous ces grands hommes qui ont cultivé la Poësie Provençale, de les comparer à de malheureux Comediens qui suivirent cette Princesse à la Cour de France. Mais pour sçavoir de quelle utilité nous ont esté les ouvrages des Troubadours, ou Trouverres, pour pouvoir faire des decouvertes dans l’ancienne Histoire de Provence, on n’a qu’à consulter les Historiens de cette Province, tels que sont Nostradamus, Honoré Bouche, Ruffi luy même, le pere de celuy qui se déchaîne si fort aujourd’huy contre eux, & Quercetan dans son livre De Laud. Provenc. &c. On verra dans leurs écrits, en quelle consideration les Troubadours ont esté dans la Cour de la Princesse Douce épouse de Raimond Beranger, dit Arnould, Comte de Barcelonne, dans celles d’Alfonse, de Charles le Boiteux, de Robert le Bon, de Charles de Duras, de Loüis de France, & de René, dit le Bon, Roy de Naples, &c. L’Histoire de ces Princes est pleine de glorieux témoignages qu’ils ont rendus aux anciens Poëtes Provençaux, & à ceux qui s’attachoient à la Poësie Provençale.

Comme il me reste beaucoup d’articles pour finir ma Lettre, & que cet ouvrage est trop long pour vous l’envoyer ce mois-cy tout entier, j’ay cru en devoir remettre la suite au mois prochain.

[Ce qui s’est passé aux assemblées publiques de Academies des Inscriptions et des Sciences, tenues aussi tôt après Pâques] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 152-173.

Mrs de l’Academie des Inscriptions tinrent leur Seance publique le 21. d’Avril. Mr l’Abbé Tallemant parla le premier & fit l’éloge de feu Mr Pavillon. C’est un tribut qu’il devoit à la memoire de cet Academicien en qualité de Secretaire de la Compagnie ; mais quand cette loüable coûtume, dit-il, ne l’y eust pas engagé, l’amitié qui estoit entr’eux eust demandé qu’il jettast quelques fleurs sur son tombeau, & il n’auroit pû refuser à sa consolation ce que son ministere venoit exiger de luy. Mr Pavillon, continua-t-il, naquit à Paris l’an 1632. son pere estoit un Avocat riche & celebre, & frere du fameux Evêque d’Alet. Mr Pavillon reçut une éducation conforme à sa naissance, à sa fortune & à ses belles dispositions. Il fut Avocat general au Parlement de Mets. Ce Poste luy donna lieu de mettre ses heureux talens dans un grand jour. Ayant quitté sa Charge il se trouva dans un repos qu’il n’avoit jamais osé esperer, & dont les charmes ne luy estoient pas naturellement indifferens. Son goust declaré pour la Poësie parut alors dans toute son étenduë par le loisir qu’il eut de s’y appliquer. On trouvera toûjours dans celle de Mr Pavillon une extrême delicatesse jointe à un beau feu, soit qu’elle roule sur des sujets de galanterie, ou sur des sujets de morale.

De l’éloge de Mr Pavillon, Mr Tallemant passa à celuy de Mr Duché, Eleve de l’Academie, qu’elle perdit presque au même temps. Il estoit fils, dit-il, d’un Secretaire du Roy, & Secretaire general des Galeres. La bonne éducation qu’il eut fut le seul heritage que son pere luy laissa. Dans les bornes étroites de sa fortune, il donna ses premieres années aux delices d’une Poësie galante & enjoüée, qui luy ouvrit bien-tost le commerce du monde poly ; mais ses bonnes mœurs & son bon esprit le dégouterent insensiblement de ces charmes trompeurs. Sa Muse pleine de feu & d’agrémens changea ses occupations profanes, & fut suivie d’un succés encore plus heureux en traitant les matieres les plus saintes ; ce fut ce nouveau genre de Poësie qui l’introduisit à la Cour. Sa Tragedie d’Absalom l’y fit admirer, & il achevoit une Piece du même genre, lorsqu’une mort prématurée l’a enlevé à la fleur de son âge, & à l’esperance publique.

Mr l’Abbé Tallemant ayant cessé de parler, Mr l’Abbé Bignon donna de nouveaux coups de pinceau au Portrait de Mr Pavillon, & peignit avec les couleurs du monde les plus vives & les plus touchantes, les qualitez de son cœur & celles de son esprit.

Mr l’Abbé de Tilladet, qui a succedé à la place de Pensionnaire de feu Mr Pavillon, lut ensuite un Discours sur les Allocutions ou Harangues militaires, dont vous pourrez juger par ce qui suit.

Le charme de la parole a toûjours esté si puissant que les Anciens ne manquoient jamais de l’employer dans les occasions importantes & difficiles. Les actions les plus éclatantes ont souvent esté l’effet d’un beau discours. Les Etats chancelans par la mollesse des peuples, ont souvent esté raffermis par une Harangue pleine de feu qui ranimoit les cœurs abbatus. L’Antiquité nous en fournit un grand nombre d’exemples, & les Medailles des Empereurs Romains, qui nous les representent haranguant leurs Troupes, quelquefois en habit militaire, quelquefois en habit pacifique, c’est-à-dire avec la Toge, tantost à pied & tantost à cheval, sont des preuves incontestables de cet usage & de son utilité. Mr l’Abbé de Tilladet dit, que la premiere & la plus ancienne Medaille que l’on connoisse & qui nous offre une de ces Allocutions est celle de Caligula, & que la derniere de celles qu’on a vuës, est de l’Empereur Maxence.

Mr l’Abbé Simon lut ensuite un Discours sur les acclamations des Anciens, particulierement des Romains. Il en fit remarquer de trois sortes, sçavoir : celles qui estoient en usage dans le Cirque & dans l’Amphitheatre, c’est-à-dire, dans les Jeux, les Courses, & les Spectacles ; celles dont on se servoit dans le Senat, & celles que l’on employoit en faveur des Gens de Lettres lorsqu’il recitoient en public quelque Piece de leur façon. Il dit que, les premieres ne consistoient d’abord que dans des cris vagues & confus ; que Neron charmé d’avoir entendu quelques Alexandrins qui luy applaudissoient en Musique, en fit venir cinq mille d’Alexandrie à Rome, pour exercer la jeunesse aux acclamations Musicales ; & que cet usage s’y conserva long-temps aprés luy ; que les acclamations dont on se servoit dans le Senat étoit une flaterie basse & indigne, dont il n’estoit pas capable dans les premiers temps ; qu’il y en avoit des Formules de plusieurs sortes ; que omnes, omnes estoit la plus ordinaire ; qu’on l’employoit lorsqu’il s’agissoit de déliberer sur quelque affaire, & que l’Empereur ayant ouvert son avis chacun le suivoit aveuglément ; qu’on s’en servit aussi dans quelques élections, comme dans celles des Empereurs Tacitus & Probus, & qu’à l’égard des acclamations dont on usoit en faveur des Gens de Lettres, elles furent d’abord volontaires & dépendirent vray-semblablement de la bonté des Piéces, & du merite des Autheurs ; mais que dans la suite on en fit commerce, & qu’il falloit payer certaines gens de la lie du peuple & des affranchis pour aller applaudir aux lectures.

Ce Discours fut suivi d’une sçavante & curieuse dissertation de Mr Moreau de Mautour, au sujet d’une petite statuë ou figure antique de Bronze, d’environ quatorze pouces de hauteur, trouvée dans un tombeau en la Province d’Artois. Cette Figure qu’il avoit fait porter à l’Academie, represente un homme nud, barbu, & ayant deux cornes à la teste. Par ces trois attributs dont le dernier est tres-singulier, Mr de Mautour expliqua que c’estoit la divinité du vieux Bacchus representée de cette maniere, & adorée dans plusieurs villes de l’Asie & de la Grece. Ce qu’il prouva par quantité de traits d’érudition tirez des Auteurs & des Poëtes Grecs & Latins, ainsi que par les Medailles. Il prit occasion de parler des autres Divinitez, des Heros, des Rois, & des Fleuves, figurez avec des cornes. Il fit entendre par plusieurs exemples, & par plusieurs passages, même par l’Ecriture, le sens que l’Antiquité avoit toûjours donné au mot cornu, & à la chose même, & qu’elle l’avoit prise tantost pour un simbole de force & de courage ; tantost pour une marque de puissance & de dignité ; & quelquefois pour designer la divinité dans les Heros & dans les Dieux du Paganisme. Les Anciens, dit-il, n’en ont jamais eu une autre idée, en cela bien differente de celle de nostre temps, où par un caprice fondé sur des opinions bizarres & populaires, on en a fait un objet de raillerie ou d’injure. La derniere de ses Observations sur cette Figure, fut de faire voir que les Payens avoient entierement conformé leur Bacchus sur Moyse, & de justifier tous les rapports qui se trouvent entre l’un & l’autre. Il finit sa Dissertation en verifiant l’époque du tems auquel le tombeau découvert pouvoit avoir esté construit, qui estoit sous l’Empire de Probus, & que cette Figure qui avoit au moins prés de quatorze cens ans d’antiquité, estoit vray-semblablement le Dieu Lare ou domestique de celuy à la memoire duquel ce tombeau avoit esté dressé.

Mr l’Abbé Fraguier fit ensuite le caractere du Poëte Pindare. Il dit que Pindare est un des Poëtes le plus pur, & en même temps le plus élevé, & le plus sublime, soit pour les sentimens, soit pour les expressions ; que l’envie cependant de critiquer les Anciens dont on n’estoit pas capable de connoistre le haut genie, luy avoit attiré des Censeurs en aussi grand nombre qu’ils estoient injustes ; que les uns avoient blâmé son feu, les autres ses figures hardies ; que celuy-cy le trouvoit ennuyeux dans ses digressions, & que l’autre disoit qu’il avoit peine à le suivre de vüë dans son vol rapide & impetueux ; qu’ayant lû & relû Pindare pour en juger avec connoissance de cause, il s’estoit trouvé transporté en le lisant du même feu qui animoit cet excellent Poëte ; que la Musique la plus concertée n’eust pû produire en luy des effets si merveilleux ; que c’estoit là ce que les gens d’un goust mediocre appelloient un vol rapide & impetueux. Qu’il estoit vray que le sens froid estoit un mauvais Juge de l’Entousiasme. Il s’attacha à justifier les figures hardies & les digressions de Pindare en rapportant celles des meilleurs Poëtes Latins & François qui en sont ou des Copies ou des Imitations, & qui sont les plus beaux endroits de leurs ouvrages. Il finit en faisant remarquer qu’on devoit avoir une idée bien differente de celle que le vulgaire a conçuë du Poëte Pindare, dont le nom luy avoit servi à former une expression qu’il employoit à tout moment dans un sens ironique & injurieux.

Mr l’Abbé Bignon, qui presidoit à l’Assemblée, en l’absence de Mr le President de Lamoignon, joignit selon sa coûtume à la fin de chacun de ces Discours, ses remarques, ses reflexions, & un éloge sommaire de celuy qui l’avoit lû ; il le tira toûjours du fond du sujet, & en fit une application tres-heureuse.

Le lendemain, l’Academie des Sciences tint Assemblée publique d’aprés Pasques. Mr Homberg en fit l’ouverture par un Discours sur le souffre, non pas sur le souffre commun, qui est un Mineral connu de tout le monde, mais sur le souffre, qui est un des cinq principes Chymiques, dont tous les Mixtes sont composez. Ce souffre principe ne peut jamais estre vû separé de tout autre principe, & Mr Homberg prouva que c’étoit la même chose que la matiere de la lumiere : il le fit voir par des experiences tres curieuses, dont il resultoit un paradoxe assez surprenant, même pour les Philosophes, qui est que la matiere de la lumiere est pesante, comme tous les corps terrestres, & tres sensiblement pesante. Ensuite Mr Cassini le fils parla sur les éclipses des Etoiles fixes, causées par l’interposition de la Lune, ou de quelque autre Planette. Comme la détermination des longitudes geographiques dépend des éclipses en general, que celles de la Lune sont assez rares, & souvent ne sont point vûës, il est important pour la Geographie & pour la Navigation de ne negliger aucunes sortes d’éclipses, & c’est pour cela que Mr de Cassini le fils donna le moyen de se servir des Etoiles fixes. La même utilité à peu prés se trouva dans le Discours de Mr de la Hire sur l’usage de l’Aiguille aimantée, si necessaire pour la Navigation. Il rapporta quelques détails de pratique, tres-importans dans cette matiere. Il observa que la roüillure du fer devient un bon Aiman. Enfin Mr Tournefort termina la Séance par une Relation de l’Isle de Milo, anciennement nommée Melos. Cette Relation n’est qu’une partie de son voyage de Levant qu’il va donner au Public. On a pû juger par là combien ce voyage seroit curieux, principalement par rapport à l’Histoire naturelle. Mr l’Abbé Bignon qui présidoit, reprit chacun de ces Discours aprés qu’il fust fini, & en fit une espece de récapitulation, avec l’érudition, la clarté, & l’agrément qui luy sont ordinaires.

On ne peut trop admirer la presence d’esprit, la memoire, la penetration & la profonde érudition de Mr l’Abbé Bignon, & il faut qu’il possede toutes ces choses dans un degré suprême, pour répondre sur le champ à plusieurs discours, en les rapportant presqu’entiers, & en y ajoûtant quelquefois des faits singuliers qui font plaisir, & pour faire en mesme temps des éloges ingenieux & polis de tous ceux qui viennent de prononcer ces discours.

[Article considerable, touchant le livre intitulé Ecclesiasticae, Jurisdictionis vindiciae] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 218-232.

Je vous promis le mois passé l’article suivant, je vous l’envoye.

Il paroist depuis quelque temps en France, un Ouvrage d’un des plus habiles Jurisconsultes du Royaume, le Traité de l’Abus de Charles Fevret, donna lieu à l’Auteur de le composer ; mais il n’a esté publié que 20. ans aprés sa mort. Antoine Dadin de Hauteserre, Professeur en Droit Civil & Canonique, & Doyen de l’Université de Toulouse, dont il eut la Charge d’Antecesseur en 1644. est mort en 1682. & son Livre n’a esté publié par les personnes qui ont pris soin de l’Impression, qu’en 1702. à Orleans & à Paris. Le premier titre de l’Ouvrage & celuy que l’Auteur luy avoit donné, tel qu’il paroist dans le Privilege, & à la teste des huit premiers Livres, est : De jurisdictione Ecclesiastica tuenda, adversus insultus auctoris tractatus de abusu & aliorum. Ce titre qui donnoit une assez juste idée de l’Ouvrage, a esté changé en celuy de. Ecclesiasticæ jurisdictionis vindiciæ, par Mr du G…… dit-on, ou par d’autres personnes peu attentives sans doute, aux veritables sentimens du deffunt, qui n’eût pas consenti à ce changement s’il eust vécu, & qui n’eût pas manqué de répondre aux Notes qui ont esté ajoûtées à cet Ouvrage ; mais peut-estre aussi que si le fameux Mr de Hauteserre eust poussé le terme de sa vie jusqu’au temps de l’impression de son Ouvrage, les Notes n’eussent point parû du tout, & que le langage de l’Approbateur eust esté different. Quoiqu’il en soit, je crois que les éloges donnez de toutes parts à cet Ouvrage quand il a parû, & les sollicitations pressantes qui furent faites à Mr de Hauteserre pour rendre public son Livre, doivent prévaloir dans l’esprit des Lecteurs sur la malignité de quelques critiques. Si on demande par qui ces sollicitations estoient faites, & si elles ne venoient point de quelques amis de Mr de Hauteserre, ou de quelques personnes interessées à la publication de l’Ouvrage ; Peut-estre sera-t-on surpris d’apprendre, que c’estoit une Assemblée generale du Clergé, qui indignée de l’atteinte que Fevret avoit donné à la Jurisdiction & à la discipline Ecclesiastique, faisoit faire par Monsieur le Cardinal d’Estrées, alors Evêque de Laon, d’instantes prieres à Mr de Hauteserre pour deffendre les droits de l’Eglise, en publiant les Memoires qu’il avoit redigez sur cette importante matiere. La Lettre de Monsieur le Cardinal d’Estrées est inserée dans la Preface ; & ce grand Prelat si versé dans ces questions épineuses, est encore prest aujourd’huy de soûtenir l’éloge qu’il faisoit pour lors de la personne & des Memoires de Mr de Hauteserre. Pour moy, sans me piquer d’avoir de grandes lumieres sur la Jurisprudence, je crois que cet Ouvrage est aussi recommandable par ses maximes & par les sentimens qu’il renferme, que par la profonde érudition que l’Auteur y a répanduë, & je crois avec d’autant plus de fondement, qu’il est aussi sûr de s’attacher aux régles qu’il y establit, qu’aux faits qu’il y raporte. Mais parlons un peu en détail de l’Ouvrage.

Il contient onze Livres, & je sçay du petit-fils de l’Auteur, qui est Chanoine de la Cathedrale de Cahors, & qui soûtient avec honneur le nom de Hauteserre, celebre depuis prés d’un siécle dans la Republique des Lettres, que son grand-pere en avoit composé un douziéme. Il ne seroit pas impossible que nous n’en dussions la suppression à ceux qui prévenus contre l’ouvrage, y ont fait des changemens & ont critiqué ce qu’ils n’ont pû changer.

L’Auteur examine dans le premier Livre si les Evêques ont une jurisdiction particuliere, & qui leur soit propre ; il conclud pour l’affirmative, & il ne s’en tient pas là ; il prétend même qu’elle est puisée dans le droit divin ou du moins qu’elle tire son origine des constitutions Apostoliques. Les autoritez ne manquent pas à Mr de Hauteserre pour prouver cette proposition ; il en raporte un grand nombre. La conduite du grand Apostre à l’égard de l’incestueux de Corinthe est icy un témoignage de poids. Un trait d’un Sermon de saint Gregoire de Nysse (de castigat) & le 39. Chapitre de l’Apologetique de Tertullien ne sont pas inutiles pour défendre le droit Episcopal ; mais écoutons S. Paul luy-même qui recommande aux fidelles de ne point porter leurs contestations particulieres aux tribunaux seculiers. Audet aliquis vestrum habens negotium adversus alterum, judicari apud iniquos & non apud sanctos ? an nescitis quoniam sancti de hoc mundo judicabunt, secularia igitur judicia si habueritis ; contemptibiles qui sont in ecclesia illos constituite ad judicandum. Mais, dira-t-on, de telles propositions sont contraires à nos usages ; si ce raisonnement a lieu, repondra-t-on aussi, que deviendra le respect dû aux saintes Ecritures ? Le second livre contient une division de la Jurisdiction Ecclesiastique, en volontaire & contentieuse. De la premiere depend l’ordination & la collation des benefices. L’Auteur pose pour une maxime constante, que dans les choses qui concernent l’ordre Episcopal, il ne se fait point d’évolution, & que la voye d’appel n’est point ouverte au Metropolitain ; mais qu’il est seulement permis de se pourvoir vers sa Sainteté. Il en conclud qu’en cette matiere l’appel comme d’abus ne doit pas avoir lieu ; quelques Jurisconsultes François ne convenant pas de ce principe ; il s’agit de sçavoir s’il en est moins incontestable. Le Chapitre 18. des Offices de saint Ambroise ; les paroles de l’Empereur Valentinien rapportées dans le 6. chapitre du quatriéme Livre de Theodoret, le 82. chap. du cinquiéme Livre de saint Jean Chrisostome de Sacerdot : & enfin la premiere Epître de Zozime ne sont certainement pas favorables à Fevret ni à ses partisans. Le troisiéme Livre traite de la correction qui se fait par les Evêques sans forme de procés. Il traite aussi de la Jurisdiction contentieuse qui s’exerce dans les Officialités. C’est en cette occasion qu’on prétend encore que Mr de Hauteserre s’éloigne du sentiment commun des Jurisconsultes François, qui prétendent avec Fevret qu’en matiere Civile, un Clerc peut renoncer à son privilege. Une pratique pour n’être pas en usage dans un Païs ou pour y avoir esté abolie n’en est pas quelque-fois moins bonne. En tout cas Arnobe sur le 16e. Pseaume garentira ma conjecture : Sub-plantatur qui privilegium amittit, sicut à Jacob Esaü sub-plantatus est. J’appelleray aussi en témoignage pour Mr de Hauteserre, Luitprand (cap. 10. hist. lib. 1.) la 35. & 85. Lettres d’Yves de Chartres, & enfin Theodoret, le celebre Evêque de Tyr. Le quatriéme livre traite de l’instruction criminelle contre les Clercs avec la distinction du delit commun & du cas privilegié. Mr de Hauteserre releve icy le respect que les Arriens, ces ennemis de la divinité du fils de Dieu, ont toûjours conservé pour la dignité Episcopale. Je voudrois pouvoir m’étendre sur l’érudition qui est répandue dans ce Livre & dans les 7 suivans, mais cela me meneroit loin, je ne dois cependant pas finir sans dire un mot des appellations comme d’abus. Dans le livre 8. chap. 5. & suiv. Mr de Hauteserre soutient que c’est un attentat au droit Ecclesiastique ; & que cette forme judiciaire doit son origine à l’impieté & à l’obstination des plaideurs. Il remarque que Paul de Samosate Evesque d’Antioche est le premier qui pour couvrir son erreur & éviter sa deposition appella à l’Empereur Gallien. Les Donatistes imiterent ensuite l’exemple de ce fameux Précurseur d’Arrius, Constantin blâma leur conduite aussi bien que celle des Evesques du Concile de Nicée qui porterent au Tribunal de cet Empereur leurs differens. En France, continuë Mr de Hauteserre, les appellations comme d’abus parurent fort tard. Pasquier n’a pu en faire remonter l’origine plus haut qu’au regne de Loüis XII. & Gilles le Maistre n’a sçu produire d’Arrests plus anciens sur cette matiere que ceux de l’an 1533. Je ne dois pas oublier de remarquer que la famille de Mr de Hauteserre occupe les premieres charges de la Cour Souveraine établie à Montauban.

[Pratique de la Memoire Artificielle] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 232-237.

Il paroist depuis peu un Livre intitulé : Pratique de la Memoire Artificielle pour apprendre & pour retenir aisément la Chronologie & l’Histoire Universelle, par le P. Buffier de la Compagnie de Jesus. Ce livre renferme la Methode dont on s’est servi pour faire les Exercices publics de Chronologie & d’Histoire, qui ont paru si surprenans, & qui ont esté réïterez plusieurs fois au College de Louis le Grand, & même ailleurs, puisque Mr Turgot, fils de Mr l’Intendant de Tours l’a fait avec beaucoup de succés chez Mr le Pelletier de Souzi, son grand pere, devant une Assemblée choisie de Personnes sçavantes. Il estoit difficile de comprendre comment un jeune homme pouvoit avoir dans l’esprit une infinité de faits historiques arrangez avec tant d’exactitude selon l’ordre des temps ; mais la chose se conçoit aisément en jettant les yeux sur l’ouvrage du P. Buffier. Il contient des Vers Artificiels où sont enchassez ces faits & les époques d’une maniere concise, & ils y sont exposez ensuite plus au long par des Demandes & par des Réponses. L’exposition sert à bien faire comprendre tout le sens des Vers qui font allusion en même temps à beaucoup de choses ; de sorte qu’afin de posseder toute la suite universelle de la Chronologie Historique, il suffit d’aprendre ces Vers ; ce qui est facile. En effet, ceux qui cultivent le moins leur memoire apprennent sans peine douze ou quinze Vers par jour ; & quand ils s’en sont remplis la memoire, il ne faut qu’un mois ou deux pour sçavoir la Chronologie & l’Histoire. Il n’y auroit, ce semble, qu’à donner ces Vers pour leçons aux jeunes gens, ils acquerroient insensiblement une Science qu’envieroient les Sçavans les plus consommez. Ceux-ci ont toûjours besoin d’avoir devant leurs yeux des Tables de Chronologie pour les consulter, & ceux-là sçauroient par cœur toutes les Epoques & toutes les dattes des évenemens ; ce qui est une avance infinie pour sçavoir à fond toute l’Histoire & pour la retenir toûjours. On ne peut guere imaginer d’invention plus avantageuse que cette Methode, & le Public en doit sçavoir gré au P. Buffier, d’autant plus que c’est un travail fort épineux de mettre en Vers une suite de chiffres & de noms extraordinaires ; sans que les Vers ayent rien de dur ou de barbare. L’Histoire de France avec cette Methode est actuellement sous la Presse, & dés qu’elle paroîtra je ne manqueray pas de vous le faire sçavoir. Ce livre se vend chez le Sieur Jollet, au bout du Pont Saint Michel, devant la ruë de l’Hirondelle, au Livre Royal.

Air nouveau §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 251-252.

La chanson qui suit est de Monsieur de Metz de la Fléche.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par ces mots, O Dieu, &c. doit regarder la page 251.
O Dieu ! dont la bonté toûjours inépuisable,
En faveur de la France éclata tant de fois,
Protege jusqu’au bout, le plus grand de ses Rois !
Que tes graces pour luy, l’une à l’autre enchaînées,
De ses prosperitez éternisent les Cours
Et le fassent regner & vivre autant d’années
Que les autres de jours.

[Article qui regarde la Litterature] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 288-289.

Il s’est élevé en Hollande une grosse querelle entre le celebre Mr Bayle & Mr Jaquelot Ministre de Berlin. Celui-ci a attaqué le premier dans la conformité de la Foy avec la Raison, ou la deffence de la Religion contre les principales difficultez répanduës dans le Dictionnaire Historique & Critique de Mr Bayle. Ce dernier ne demeurera pas sans replique ; personne n’ignore que c’est une des meilleures plumes de l’Europe.

On mande du même pays qu’on vend à Utrecht la belle & nombreuse Bibliotheque du fameux Mr Francius mort en Hollande depuis quelque temps. Ce sçavant homme avoit rassemblé quantité de manuscrits qu’il avoit enrichi des Notes & des Remarques des plus habiles gens de l’Europe.

On écrit de Lorraine qu’un sçavant Prémontré y a entrepris le Nobiliaire de Lorraine & du Barrois, avec un Recueil Historique & Genealogique des Maisons & des personnes Nobles des Duchez de Lorraine & de Bar. Mr de S. Urbain Medailliste du Pape s’est chargé de faire la gravure des Armoiries. Monsieur le Duc de Lorraine l’a fait venir en Lorraine pour ce sujet.

[Introcuction à la Geographie] §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 290-293.

Mrs Sanson, Geographes ordinaires du Roi, qui demeurent au Cloître S. Nicolas du Louvre vendent un Livre intitulé, Introduction à la Geographie en plusieurs Cartes avec leur explication. Ces ouvrages qui sont de leur composition sont inquarto & infolio. La division la plus generale de la Geographie est selon les rapports que ses Parties ont avec les Cieux, entre elles, & avec l’Histoire ; mais parce qu’en les expliquant & en traitant de la Geographie en particulier, on se sert de termes peu entendus de ceux qui ne les ont pas étudiez ; ce Livre en donne une idée claire & distincte dans la premiere Partie qui est divisée en quatre Livres.

On démontre dans le premier qu’elles sont les Parties de cette science & quelle union elle a avec les autres. Dans le second, les manieres par lesquelles elle peut estre representée ; sçavoir, le Globe, les Cartes, les Tables & les Traitez. Dans le troisiéme on explique les termes de la Sphere de la Terre & de l’Eau, de la Geographie Historique, Politique & Sacrée. Dans le quatriéme on donne une Instruction pour se servir des Cartes, & pour y trouver facilement ce que l’on desire de sçavoir ; ce qui est d’un grand secours pour s’exempter de la peine de chercher les choses où elles ne sont pas & où elles ne doivent pas estre.

La seconde Partie contient aussi quatre Livres, dans le premier desquels on voit le rapport qu’a la Geographie avec le Cieux. Dans le second, toute les Parties de la Geographie naturelle, tant pour la terre que pour l’eau. Dans le troisiéme la Division de la Geographie Historique & Civile ou Politique & Sacrée, & des Religions, ce qui est suivi de celle des Langues. Dans le quatriéme sont d’autres Divisions de la surface de la terre, l’une par les differentes especes ou races d’hommes ; l’autre par leurs couleurs & la derniere par la forme exterieure du corps.

[Sur la Mirandole]* §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 415-417.

Je vous envoye ce que quelques Auteurs ont écrit touchant la Mirandole.

La Mirande est un Duché Souverain d’Italie avec une Ville du mesme nom, entre le Ferrarois, le Modenois, le Mantoüan & Concordia. La Ville est deffenduë par sept Bastions Royaux, par une Citadelle & par un Fort qu’ils appellent Rocca. La Maison des Pics est en possession de la Mirande ou Mirandole depuis six cens ans. Manfrede ayant debauché Euride fille de l’Empereur Constance, la mena en Italie, où elle accoucha de trois fils, & dans ce mesme lieu il fit bâtir la Mirande, autrement connuë sous le nom de Mirandole. La Maison des Pics est des plus illustres d’Italie. Ce seroit dire une chose cent fois repetée que de vouloir parler de la science prodigieuse du celebre Jean Pic de la Mirandole qui soûtint dans le quinziéme siecle des Theses à Rome où il y avoit neuf cens Positions sur toutes sortes de sciences, & dans lesquelles il fit inserer une excellente Dissertation où il sappoit par les fondemens l’Astrologie judiciaire. Cela n’empesche pas que la prédiction qui regardoit sa personne ne fut dans la suite verifiée, puisque, comme il luy avoit esté prédit, il mourut dans le mesme temps que Charles VIII. faisoit son entrée à Florence. Il est vray qu’on dit qu’il fut empoisonné par les Astrologues.

Enigme §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 436-439.

Le mot de l’Enigme du mois dernier estoit le Corbillon d’un Oublieur. Ceux qui l’ont trouvé sont Mrs de Corimbert, Gentilhomme de la Venerie du Roy : Charbuy, sieur de Genotte : Rolin de Champclos : Grimod de Montgelas : de la Porte : de Champency : d’Egreville : Bequet du Pont Nostre-Dame : B. Collin, du Quay de la Megisserie : de l’Iset, Pensionnaire de Mr Thomas : de Vic & Cathala son amy : H. Bachelet : Canelle de la ruë d’Enfer : Bessin de Clamecy : Jourd’ien, de la Fere en Picardie : Baget de Lectoure : l’Agreable dans les Compagnies : l’amy content de Versailles : le Heros du Canada : & le Mouton de l’Hôtel des Ursins : Mlles Pechon de la Fere en Picardie & son amy Ferat : Fleurau de la ruë de l’Eschelle : la belle Bourelet & la charmante Boursin de l’Hôtel des Ursins : Babet Rottier de la ruë S. Loüis & son gros cousin Moreau : la jolie veuve de la ruë de Richelieu : la Reine de la Chine & son amie : l’agreable brune de la ruë des Canettes derriere la Madelaine, & les deux Rivaux pacifiques : la Charmante enjouée & l’aimable Prude, sa sœur de la même ruë des Canettes : & le fidel Amant : la Souris couronnée de G.… prés Montfort-l’Amaury.

Je vous envoye une Enigme nouvelle, elle est de Mr Tremaile.

ENIGME.

Des suposts de Themis instrument necessaire,
Si l’on me fait servir à tromper quelquefois,
Sans moy peut-on regler surement une affaire,
Et sauver de l’oubli les actions des Rois ?
***
Le Stile des Anciens ne m’est pas comparable,
Je l’ay fait rejetter. Plus que partout ailleurs
Je suis chez le Batave excellente, admirable,
Et ma vieillesse plaist à tous les connoisseurs.
***
L’Art exige toûjours qu’on m’ouvre & qu’on me fende ;
Par là sous mes deux becs se forment de beaux traits
Lorsqu’on sçait me guider : autrement qu’on s’attende
A n’y voir que des corps durs, grossiers & mal-faits.

Air nouveau §

Mercure galant, mai 1705 [tome 5], p. 439-440.Le texte de l'air figure dans le Mercure de mars 1705 (p. 158-159) sous le titre de LE NOUVELISTE BOSSU. MADRIGAL. Le Mercure signale que le poème est de Mr de Chauveau de Chartres qui a donné au Public deux Volumes d'histoires galantes & comiques & plusieurs petits contes en vers, qui ont esté bien reçûs.

Les paroles suivantes qui étoient dans ma derniere Lettre de Mars ont esté mises en Air par Mr de Montailly.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par ces mots Un petit Bossu, &c. doit regarder la page 440.
Un petit bossu pointilleux
Voulant se railler d’un boiteux
Luy demanda, quelles nouvelles !
Vous qui marchez d’un & d’autre costé ?
L’autre pour reprimer sa sotte vanité,
Luy répondit en verité
Je n’en ay point apris de belles.
C’est de vous compere Niquet
Qu’on doit en attendre de telles,
Puisque vous portez le paquet.
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