Journal du siège de Brisac réduit sous l’obéissance du roi par Mgr le duc de Bourgogne…, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11].
Journal du siège de Brisac réduit sous l’obéissance du roi par Mgr le duc de Bourgogne…, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11]. §
Epître sur la prise de Brisac §
Ce Prince monta à cheval le 19. au matin, & vint coucher à Beffort. Il en partit le 20. à la pointe du jour pour se rendre à Besançon, & ayant ensuite passé par Auxerre, Mr Martineau de Solleyne, fils de Mr le President Martineau, eut l’honneur de luy presenter les Vers suivans.
À MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE,
Sur la prise de Brisac.
EPITRE.Vaillant & sagePrince, en qui les destinéesFont déja plus compter de vertus que d’années,Toy, que Mars & Louis ont en soin d’aguerrir,Qui sçais si tost les suivre en l’Art de conquerir,Vainqueur du fierBrisac, à quel degré de gloireNe va point t’élever cette prompte Victoire,Qui dans le sein de l’ Aigle en portant la terreurLuy donne tout à craindre, un jour, de ton grand cœur ?Elle qui dans Brisac mettoit son esperanceEt du haut de son Roc sembloit braver la FranceEn moins de quinze jours voit soûmis à tes loixCe Brisac, que Weimar ne prit qu’en quatre mois.Contre toy quels remparts oseront se deffendreSi tu forces ainsi les plus fiers à se rendre ?À ces rares Exploits, à des Lauriers si beauxLe Rhin te reconnoist pour Fils de ce Heros,Qui, le tonnerre en main, remplissant tout d’allarmes,Sur ses rives rendit tout possible à ses armes.D’une valeur égale avec rapidité,Comme luy tu parviens à l’immortalitéEn reduisantBrisac, que l’art & la nature,Fleuve, Marais, Rochers, tout vainement rassure.Que tu viens de cuëillir de palmes à la fois !Sans qu’on ait presque vû couler le sang FrançoisDans ce Siege fameux, où tu sçus mettre en poudreCes murs qui du Ciel seul ne craignoient que la foudre !Par tout de tes vertus nos Guerriers ébloüisAu Conseil, aux travaux te prenoient pourLouis.À ta noble conduite on doit cette ConquesteOù l’on admire autant ton grand cœur que ta teste.En courage, en prudence, en liberalitéCombien faisois-tu voir de magnanimité !Mais allant au peril avec tant de vaillanceTu risquas trop en toy le salut de la France.De ton auguste Ayeul, en marchant sur les pasEléve deLouis, que ne vaincras-tu pas ?Va, Princené Heros, par cet heureux presage,À te suivre en tous lieux la Victoire s’engage ;Que de triomphes sûrs ! quels projets inoüis !Si tu portes encor la foudre de Louis !
On peut dire que l’Auteur en donnant ces Vers à Monseigneur le Duc de Bourgogne presenta le premier à ce Prince victorieux les Palmes qui luy estoient deuës pour l’importante conqueste qu’il venoit de faire. On ne peut couronner de plus vives fleurs un Vainqueur au sortir du Champ de Mars. Ce Prince receut ces Vers des mains de l’Auteur avec la maniere gracieuse qui luy est ordinaire.
Ode sur la prise de Brisac §
ODE SUR LA PRISE DE BRISAC.
Par Mr de la Granche, Secretaire du Roy, de l’Academie Royale de Nismes.Vous qui sous le poids de la gloire,Dont brille le plus grand des Rois,Succombâtes cent & cent foisSçavantes Filles de memoire,Pour le premier de ses NeveuxDigne objet de nos tendres vœuxReprenez des forces nouvelles :Et plus sa valeur vous surprend,Plus par des chansons immortellesCelebrez un Heros si Grand.***De Louis cette vive imageL’exprime trop bien (dites-vous)L’un & l’autre au dessus de nousExige un plus discret hommage :De Brisac le fameux vainqueurFait éclater le même cœurQue dans son Ayeul on admire :Pour l’un nos efforts impuissantsÀ l’autre pourroient-ils suffire ?Il efface aussi tous nos chants.***N’importe. Une telle conquesteDoit ranimer vos plus beaux airs,Muses, par de charmans concertsIl faut en publier la feste :Au Germain ce fort boulevartQue forment la nature & l’artNe fut accordé que par grace :Mais l’oubli de tant de bienfaitsLuy fait bien-tost perdre une placeQu’il ne tenoit que de la Paix.***Chantez comment ce jeune AlcideAffrontant les plus grands hazardsFait insulter ses fiers rempartsEt luy-même au Siege preside :Comment les travaux avancezSous la gresle des traits lancezL’occupe souvent en personne ;Et comment les plus durs emploisQu’à sa valeur offre BelloneSont seuls dignes de ses exploits.***Sa vive & prompte vigilanceS’étend sur le moindre soldat,Jamais une action d’éclatNe fut chez luy sans récompense :Tous dans leurs plus pressans besoinsQui redoublent ses tendres soinsOnt des ressources toûjours sûres,Et ses regards compatissansÀ leurs honorables blessuresRaniment leurs corps languissans.***Par quelle rapide vitesse,De Louis retraçant les pas,À ses loix ne soumet-il pasCette importante Forteresse ?L’Empire entier en est surpris,À la poursuite d’un tel prixIl n’osa jamais se resoudre :Nos Lis dans Brisac arborezDes Cesars méprisoient la foudreEt par eux sembloient reverez.***Mais ce qui parut temeraireÀ tant de celebres GuerriersOuvre une moisson de lauriersPar un évenement contraire :Nostre Prince plus fortunéPar la gloire en est couronnéTout cede à son boüillant courage :Chacun suit ses sages conseils,Et quelque grand que soit l’ouvrageIl l’acheve en treize Soleils.***Ainsi d’un Ayeul & d’un PereSuivant l’exemple & les leçons,Il fait voir que leurs NourrissonsN’ont rien en eux qui degenere :Ainsi d’un Oncle genereuxImitant les exploits heureuxDe l’Aigle il reprime l’audace :Et presage à ses AlliezQue sous le bras qui les menaceIls vont tous estre humiliez.***Déja, Conquerant trop aimable,Effroy du superbe Germain,Louis est charmé qu’en ta mainSa foudre soit si redoutable :Déja dans l’art de le vangerDe quiconque ose l’outragerTu te rends un habile Maître :Et l’on peut juger sur la foyDes Vertus que tu fais paraîtreCe qu’on doit attendre de Toy.