1703

Journal du siège de Brisac réduit sous l’obéissance du roi par Mgr le duc de Bourgogne…, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11].

2017
Source : Journal du siège de Brisac réduit sous l’obéissance du roi par Mgr le duc de Bourgogne…, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Journal du siège de Brisac réduit sous l’obéissance du roi par Mgr le duc de Bourgogne…, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11]. §

Epître sur la prise de Brisac §

Journal du siège de Brisac, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11], p. 262-268.

Ce Prince monta à cheval le 19. au matin, & vint coucher à Beffort. Il en partit le 20. à la pointe du jour pour se rendre à Besançon, & ayant ensuite passé par Auxerre, Mr Martineau de Solleyne, fils de Mr le President Martineau, eut l’honneur de luy presenter les Vers suivans.

À MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE,
Sur la prise de Brisac.
EPITRE.

Vaillant & sagePrince, en qui les destinées
Font déja plus compter de vertus que d’années,
Toy, que Mars & Louis ont en soin d’aguerrir,
Qui sçais si tost les suivre en l’Art de conquerir,
Vainqueur du fierBrisac, à quel degré de gloire
Ne va point t’élever cette prompte Victoire,
Qui dans le sein de l’ Aigle en portant la terreur
Luy donne tout à craindre, un jour, de ton grand cœur ?
Elle qui dans Brisac mettoit son esperance
Et du haut de son Roc sembloit braver la France
En moins de quinze jours voit soûmis à tes loix
Ce Brisac, que Weimar ne prit qu’en quatre mois.
Contre toy quels remparts oseront se deffendre
Si tu forces ainsi les plus fiers à se rendre ?
À ces rares Exploits, à des Lauriers si beaux
Le Rhin te reconnoist pour Fils de ce Heros,
Qui, le tonnerre en main, remplissant tout d’allarmes,
Sur ses rives rendit tout possible à ses armes.
D’une valeur égale avec rapidité,
Comme luy tu parviens à l’immortalité
En reduisantBrisac, que l’art & la nature,
Fleuve, Marais, Rochers, tout vainement rassure.
Que tu viens de cuëillir de palmes à la fois !
Sans qu’on ait presque vû couler le sang François
Dans ce Siege fameux, où tu sçus mettre en poudre
Ces murs qui du Ciel seul ne craignoient que la foudre !
Par tout de tes vertus nos Guerriers ébloüis
Au Conseil, aux travaux te prenoient pourLouis.
À ta noble conduite on doit cette Conqueste
Où l’on admire autant ton grand cœur que ta teste.
En courage, en prudence, en liberalité
Combien faisois-tu voir de magnanimité !
Mais allant au peril avec tant de vaillance
Tu risquas trop en toy le salut de la France.
De ton auguste Ayeul, en marchant sur les pas
Eléve deLouis, que ne vaincras-tu pas ?
Va, Princené Heros, par cet heureux presage,
À te suivre en tous lieux la Victoire s’engage ;
Que de triomphes sûrs ! quels projets inoüis !
Si tu portes encor la foudre de Louis !

On peut dire que l’Auteur en donnant ces Vers à Monseigneur le Duc de Bourgogne presenta le premier à ce Prince victorieux les Palmes qui luy estoient deuës pour l’importante conqueste qu’il venoit de faire. On ne peut couronner de plus vives fleurs un Vainqueur au sortir du Champ de Mars. Ce Prince receut ces Vers des mains de l’Auteur avec la maniere gracieuse qui luy est ordinaire.

Ode sur la prise de Brisac §

Journal du siège de Brisac, [Mercure galant], novembre 1703 [deuxième partie] [tome 11], p. 283-288.

ODE SUR LA PRISE DE BRISAC.
Par Mr de la Granche, Secretaire du Roy, de l’Academie Royale de Nismes.

Vous qui sous le poids de la gloire,
Dont brille le plus grand des Rois,
Succombâtes cent & cent fois
Sçavantes Filles de memoire,
Pour le premier de ses Neveux
Digne objet de nos tendres vœux
Reprenez des forces nouvelles :
Et plus sa valeur vous surprend,
Plus par des chansons immortelles
Celebrez un Heros si Grand.
***
De Louis cette vive image
L’exprime trop bien (dites-vous)
L’un & l’autre au dessus de nous
Exige un plus discret hommage :
De Brisac le fameux vainqueur
Fait éclater le même cœur
Que dans son Ayeul on admire :
Pour l’un nos efforts impuissants
À l’autre pourroient-ils suffire ?
Il efface aussi tous nos chants.
***
N’importe. Une telle conqueste
Doit ranimer vos plus beaux airs,
Muses, par de charmans concerts
Il faut en publier la feste :
Au Germain ce fort boulevart
Que forment la nature & l’art
Ne fut accordé que par grace :
Mais l’oubli de tant de bienfaits
Luy fait bien-tost perdre une place
Qu’il ne tenoit que de la Paix.
***
Chantez comment ce jeune Alcide
Affrontant les plus grands hazards
Fait insulter ses fiers remparts
Et luy-même au Siege preside :
Comment les travaux avancez
Sous la gresle des traits lancez
L’occupe souvent en personne ;
Et comment les plus durs emplois
Qu’à sa valeur offre Bellone
Sont seuls dignes de ses exploits.
***
Sa vive & prompte vigilance
S’étend sur le moindre soldat,
Jamais une action d’éclat
Ne fut chez luy sans récompense :
Tous dans leurs plus pressans besoins
Qui redoublent ses tendres soins
Ont des ressources toûjours sûres,
Et ses regards compatissans
À leurs honorables blessures
Raniment leurs corps languissans.
***
Par quelle rapide vitesse,
De Louis retraçant les pas,
À ses loix ne soumet-il pas
Cette importante Forteresse ?
L’Empire entier en est surpris,
À la poursuite d’un tel prix
Il n’osa jamais se resoudre :
Nos Lis dans Brisac arborez
Des Cesars méprisoient la foudre
Et par eux sembloient reverez.
***
Mais ce qui parut temeraire
À tant de celebres Guerriers
Ouvre une moisson de lauriers
Par un évenement contraire :
Nostre Prince plus fortuné
Par la gloire en est couronné
Tout cede à son boüillant courage :
Chacun suit ses sages conseils,
Et quelque grand que soit l’ouvrage
Il l’acheve en treize Soleils.
***
Ainsi d’un Ayeul & d’un Pere
Suivant l’exemple & les leçons,
Il fait voir que leurs Nourrissons
N’ont rien en eux qui degenere :
Ainsi d’un Oncle genereux
Imitant les exploits heureux
De l’Aigle il reprime l’audace :
Et presage à ses Alliez
Que sous le bras qui les menace
Ils vont tous estre humiliez.
***
Déja, Conquerant trop aimable,
Effroy du superbe Germain,
Louis est charmé qu’en ta main
Sa foudre soit si redoutable :
Déja dans l’art de le vanger
De quiconque ose l’outrager
Tu te rends un habile Maître :
Et l’on peut juger sur la foy
Des Vertus que tu fais paraître
Ce qu’on doit attendre de Toy.