1699

Mercure galant, février 1699 [tome 2].

2017
Source : Mercure galant, février 1699 [tome 2].
Ont participé à cette édition électronique : Nathalie Berton-Blivet (Responsable éditorial), Anne Piéjus (Responsable éditorial), Frédéric Glorieux (Informatique éditoriale) et Vincent Jolivet (Informatique éditoriale).

Mercure galant, février 1699 [tome 2]. §

[Entrée de M. L'Archevesque de Bordeaux à Bordeaux] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 38-40.

[...]

Le Dimanche 18. [du mois passé] ce Prelat [l'archevêque de Bordeaux] en Camail & en Rochet, précedé de sa Croix & de trente Seminaristes Clercs & Sous-Diacres, destinez pour son service, alla prendre possession de l'Eglise Cathedrale, où Mr l'Abbé d'Orche, Doyen, à la teste de tout le Chapitre, vint le recevoir en Chape. L'ayant conduit dans la Nef, & luy ayant donné la Croix à baiser, il entonna le Te Deum, aprés lequel ayant dit les versets & l'oraison, selon la coutume qu'on observe en de semblables ceremonies, il luy presenta le Livre des Evangiles, sur lequel Mr l'Archevêque préta le serment. Estant ensuite monté sur son Trône, Mr le Doyen quitta la Chape, & alla le premier ad amplexum, suivi des Chanoines & des Jurats en robes de Damas rouge & blanc. Mr l'Archevêque dit la Messe, pendant laquelle une nombreuse Musique de la composition de Mr Caseneuve, chanta un Motet à l'honneur de ce Prelat. Une multitude de peuple assista à cette ceremonie pour recevoir sa benediction. [...]

Fiction §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 42-55.

On a demandé pourquoi on voit mourir tant de jeunes personnes dans le temps qu’elles sont en estat de songer au Mariage, & qu’on voit au contraire tant de vieilles gens s’y engager, au lieu de songer à mourir. C’est là dessus que Mr du Mesnil, du Havre, à fait ce qui suit.

FICTION.

La jeune Alcidamie, aussi spirituelle
 Qu’on la voit agreable & belle,
 Eut dessein de sçavoir un jour
 Pourquoy, l’on voit souvent l’Amour
Ranimer d’un Vieillard la vigueur languissante,
Et que de jeunes gens par un cruel destin,
Au temps qu’on leur doit voir une santé constante
Trouvent dans leurs beaux ans une trop prompte fin.
***
Le Berger Alcidor voulant la satisfaire
 Sur cette grande question,
 Luy dit, prestez attention
 Car cela n’est pas sans mystere,
 Et ce que je vais vous conter
 Merite bien qu’on le veüille écouter.
***
 Dans une agreable Contrée
 Vivoit une seconde Astrée,
 Dont tous les attraits précieux
 Estoient le chef-d’œuvre des Cieux.
Jamais une Beauté ne se vit tant de charmes.
Les Graces à l’envy de leurs aimables dons
 La combloient en tant de façons
Qu’on ne pouvoit la voir sans luy rendre les armes.
 Chaque jour des Adorateurs
 Venoient faire offre de leurs cœurs,
 Sans que pas un trouvast possible
 Le moyen de la voir sensible.
Aussi fiére que belle, on la vit mille fois
 S’assujettir d’illustres testes,
 Sans que ces nombreuses conquestes
Luy fissent de l’Amour suivre les douces loix.
Offres, Plaintes, Soupirs, n’eurent jamais la force
De porter dans son cœur le dessein du divorce
 Avec l’insensibilité,
 Dont elle faisoit vanité.
Mais enfin, Cupidon mécontent de l’outrage
 Qu’elle faisoit à son pouvoir,
 Crut qu’il estoit de son devoir
De faire quelque effort pour la rendre plus sage ;
 Et pour accomplir son dessein
 Il cherche ses meilleures fléches
Pour faire dans son cœur mille profondes bréches,
En les allant darder luy-même dans son sein.
Il quitte pour cela son séjour ordinaire,
 S’éloignant de Venus sa mere,
 Qui le voit partir à regret,
 Sans avoir part à son secret.
***
 Prés de la belle indifferente,
 Logeoit la vieille Calinton,
 Autrefois belle, ce dit-on,
 Mais ayant des ans deux fois trente,
 Rendant la cire par les yeux,
 Qui gastoit le miel précieux
Qui sortoit de sa bouche encor fort éloquente.
Au lieu dans cet estat de songer au tombeau,
 Elle affectoit certain air tendre,
 Faisant en sorte de reprendre
 Nouveau teint, & nouvelle peau,
Prenant des agrémens dont se sert la jeunesse,
 Afin d’exciter la tendresse
 De quelqu’aimable adorateur
 Pour avoir l’offre de son cœur ;
 Quand Atropos, impitoyable,
S’ennuyant de la voir si long-temps icy bas,
 Cherche avec un soin incroyable
Des dards pour luy donner un prompt & sûr trépas,
 Et de crainte de se méprendre
De son triste séjour on l’apperçut descendre,
 Pour venir de sa propre main
 Enfoncer ce dard inhumain.
***
Le jeune Cupidon prest d’entrer chez Astrée,
 Rencontre Atropos, penetrée
Du funeste desir de décocher son dard.
Tous deux également surpris de la rencontre,
 Chose rare sans le hazard,
 Puisque l’un est pour, l’autre contre,
 Et par un pouvoir opposé
L’un rend l’Homme détruit, l’autre immortalisé.
Cependant bon accueil, & compliment fort tendre,
 Tel que souvent en en voit rendre
Par gens dont le venin empoisonne le cœur,
 Qui par une langue traistresse
Veulent persuader qu’ils font avec ardeur
Ce qui n’est qu’une fausse & criminelle adresse,
 Pour décevoir ou pour trahir
Selon qu’aux passions on se plaist d’obéïr.
Mais sans plus de détour, reprenons nostre histoire.
 Nos Voyageurs pour lier amitié
 Font dessein ensemble de boire,
 Dûssent-ils payer par moitié.
Aussi-tost fait que dit ; vin blanc, vin de Champagne
 Sont pour eux d’abord en campagne,
Ensuite le Madere est joint au Saint Laurens ;
 Puis afin de rincer les dents
 On apporte de l’eau clairette,
 Et même de la fenoüillette,
 Qui les enyvra de façon
 Que tous deux perdent la raison ;
 Mais en perdant la connoissance,
Ils n’abandonnent pas le dessein qu’ils ont pris
 Afin de vanger leur puissance,
 Sans se soucier à quel prix.
Tout deux en chancelant se séparent sur l’heure
 Afin d’aller dans la demeure
 Et d’Astrée & de Calinton.
 Comme plus leger, Cupidon
 Arriva bien-tost chez la Belle,
 Et choisissant dans son carquois
Une fléche qui pust la ranger sous ses loix,
Il la lance, & luy donne une atteinte mortelle,
Donc tombant aussi-tost insensible & sans voix,
Il s’apperçoit, helas, qu’il luy fait rendre l’ame,
Au lieu de la brûler d’une amoureuse flame.
Calinton, au contraire, ayant reçu le dard
 Qu’Ateopos luy lance avec art,
 Sent une ardeur inconcevable :
 Elle croit se revoir aimable,
 Et capable dans ce grand jour
 D’assujettir tout à l’Amour.
***
Mais enfin deux effets également contraires
 A ce que l’on s’estoit promis,
De grands raisonnemens se trouvérent suivis,
Sans qu’on pût penetrer quels étoient ces Misteres,
 Cupidon déplorant son sort
Voit qu’au lieu de l’amour il a donné la mort
Au plus aimable objet de toute la nature,
Et saisi de douleur d’avoir mal réüssi,
 Il fuit, triste, passe & transi
 D’une si triste avanture.
***
La cruelle Atropos ne sent pas dans son cœur
 Une moins mortelle douleur
De voir Calinton vivre, & de la voir contente,
 Faire l’agreable & l’Amante.
Nouvelle fléche alors contre elle se tira.
 C’est à ce coup, elle en mourra,
 Dit tout bas la funeste Archere,
 Mais surprise que toutes deux
Ne portent dans son cœur que l’Amour & ses feux
 Elle en cherche une meurtriere,
 Qui loin de luy donner la mort,
 La met dans un tendre transport.
Enfin mettant en vain ses fléches en usage,
Elle quitte ce lieu sans pouvoir se vanger.
Son dépit est extrême, & pour surcroist de rage
Elle voit Calinton de nouveau s’engager,
 Avant la fin de la Journée,
 Dans les liens de l’Himenée.
***
Curieux de sçavoir quels fâcheux contre-temps
Faisoient perir ainsi tant de jeunes Amans,
Et sembloient ranimer la caduque vieillesse,
 Tous nos Bergers firent dessein
De s’assembler un jour sur les bords du Permesse,
Afin de rechercher dans un secours divin
 D’où vient cette Metamorphose,
 Et quelle en peut estre la cause.
***
 Dés qu’ils furent dans le Valon
 Ils apperçûrent Apollon
 Suivi des Filles de Memoire.
Alors tout ébloüis des rayons de sa gloire
 Ils se prosternent à genoux,
 Et là, le plus sage de tous
 Expose leur humble priere.
 Apollon, pour les contenter,
 Leur rapporte l’histoire entiere
 Que je viens de vous raconter,
 Leur faisant à tous entendre
 Que l’Amour voulant reprendre
 Ses fléches & son Carquois,
 Fit un plus funeste choix,
 Ne croyant pas se méprendre.
 C’estoit celuy d’Atropos
 Dont il se chargea le dos,
 Luy laissant le sien pour gage.
De là vient que l’Amour fait un cruel carnage
Dans tant de jeunes cœurs qu’il voudroit enflamer,
 Et qu’Atropos par un effet contraire
 Force des cheveux gris d’aimer,
 Lors qu’elle veut nous en deffaire.

A Mademoiselle l’Heritier §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 102-106.

Je vous envoyay dans ma Lettre de Decembre plusieurs Ouvrages de Mademoiselle l’Heritier, sur le Mariage de Madame la Duchesse de Lorraine. Un celebre Sçavant de Toulouse, de l’Academie des Lanternistes, charmé de l’esprit de cette admirable Fille, luy a adressé cette Ballade, dans laquelle il luy donne le nom de Telesille, comme ont déja fait quelques autres ; en sorte que ce nom luy est devenu particulier dans ce qui s’écrit en Vers, comme celuy de Sapho l’est à Mademoiselle de Scuderi.

A MADEMOISELLE
L’HERITIER.

Toy, dont le stile agreable & fecond
Fait qu’on te nomme à bon droit Telesille,
Tes Vers passant ceux que les autres font,
Quel los donner à ta Muse gentille ?
Courte seroit la neuvaine Quadrille
A t’applaudir & loüer dignement.
De ton esprit par tout le feu pétille,
Onques ne fut un esprit si charmant.
***
 Nombreux écrits, qui vrais modeles sont,
Ta Plume enfante, & la Cour en fourmille.
Que de beautez, que de graces ils ont !
En leur faveur envieux se desille.
Faut qu’à mon tour là-dessus je babille,
Ores, je veux dire mon sentiment,
Et publier que de fil en aiguille
Onques ne fut un esprit si charmant.
***
 D’un tour galant, & dont Phebus répond ;
Nous peins Himen & le divin Soudrille,
Quand Lorrain Duc preux & feal à fond,
Epouse prend de Royale Famille.
Auprés de toy passeroit pour vetille
L’ingenieux & naïf feu Clement.
Avec quel art ton adresse s’habille ?
Onques ne fut un esprit si charmant.
***
 Louis fameux par son zele profond,
Et par l’éclat dont son courage brille,
Craint, adoré, d’où la glace morfond
Jusqu’aux climats où peuples Soleil grille,
Longtemps vivra dans tes Vers sans cheville,
Qu’il peut luy seul guerdonner largement.
Ils morgueront le noir monstre à faucille,
Onques ne fut un esprit si charmant

ENVOY,

Sœur des neuf Sœurs, sage & sçavante Fille,
Ton discours a maint & maint agrément.
Si ne dis vray je veux bien qu’on m’étrille,
Onques ne fut un esprit si charmant.

[Rondeaux]* §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 106-113.

RÉPONSE
De Mademoiselle l’Heritier
A Mr L.A.L.
RONDEAU.

Talens heureux avez à tous propos.
Naissent chez vous les énergiques mots,
Quand déclamez un Discours magnifique,
Vous triomphez en stile Marotique ;
Sur tous les tons celebre est vostre los.
 Dans le giron d’un gracieux repos,
Sans vous livrer à nonchalans pavots,
Tres-doctement vous mettez en pratique
  Talens heureux.
***
 Que galamment me contez des fagots !
Ah, pour chanter Louis, nostre Heros,
Moult me duiroit vostre douce Musique.
Phebus, ce Dieu du noble Art Poëtique,
Bien amplement mit chez vous en dépost
  Talens heureux.

Mademoiselle l’Heritier ayant eu chez Mademoiselle des Houlieres une conversation fort vive & fort enjoüée contre la coquetterie, receut quelques jours aprés ce Rondeau, que luy envoya cette illustre Fille, si digne du nom qu’elle porte.

RONDEAU.

Contre l’Amour qu’osez-vous entreprendre ?
Il a des feux prests à réduire en cendre.
Les fiers Mortels qui méprisent ses loix.
De la raison n’écoutez point la voix,
Elle ose plus qu’elle ne peut prétendre.
 Dans tous les temps elle n’a pû défendre
Un cœur charmé du plaisir de se rendre.
A quoy vous sert de parler tant de fois
  Contre l’Amour ?
***
Tremblez, Philis, ah, tremblez de répandre
Ces pleurs trop vains qu’exige une ame tendre,
Craignez le sort qui suit un fatal choix.
La triste Echo dans le fond de nos Bois,
Souffre, languit, & ne fait rien entendre
  Contre l’Amour.

RÉPONSE
De Mademoiselle l’Heritier.
RONDEAU.

La liberté charme, ravit, enchante ;
De tous les cœurs elle est la douce pente.
Le mien toujours sensible à ses douceurs,
Du fol Amour méprisant les ardeurs
Sçut s’affranchir de sa chaîne pesante.
***
Lors qu’il produit les tours d’une inconstante,
Ou d’un jaloux la rage extravagante,
Pourquoy vouloir m’oster des tons railleurs
  La liberté ?
 Vous me vantez en vain sa main puissante ;
Ses traits, Iris, n’ont rien qui m’épouvante.
Quand on bannit festes, tabac, liqueurs,
Et qu’on s’occupe au bel Art des neuf Sœurs,
On sent toujours dans son ame contente
  La liberté.

Je ne vous dis rien de cet autre Rondeau, dont vous connoistrez la beauté en le lisant. Il est adressé

À M.H.D.C.T.G.A.G.C.

A La raison qui ne fait résistance ?
A nous humeur, nature, accoutumance,
Plaisir, chagrin, mouvement, ou repos,
Tout est excés, & chacun en deux mots,
Toujours en tout va plus loin qu’il ne pense.
***
Vois-tu cet homme à farouche apparence,
Maintien severe & caustique propos.
Il s’applaudit de sa rare prudence,
Mais c’est abus, le fat tourne le dos
  A la raison.
***
Peu de Mortels sont de sa connoissance.
Pour toy, C.. qu’une heureuse naissance,
Un esprit droit sauve de tous défauts,
Qui mets entr’eux & toy tant de distance,
Comme à mes Vers, sers toujours de Heros
  A la raison.

[Histoire] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 114-141.

L’esprit est un avantage qu’on ne peut trop estimer. Un jeune homme qui en avoit infiniment, mais qui estoit né sans aucun bien, se trouva pourvû d’une habileté de genie, qui supléa en fort peu de temps à tout ce qui luy manquoit du côté de la fortune. Il estoit actif, vigilant, laborieux, & secondé d’une heureuse Etoile qui l’accompagna dans toutes ses entreprises, à peine eut-il vingt-cinq ans, qu’il se vit riche de cent mille écus. Ses richesses s’augmentant toûjours par le grand commerce qu’il trouva moyen de s’établir dans les païs étrangers, il fut regardé comme un party tres-avantageux par quantité de personnes qui lui firent offrir leur alliance. Il ne tenoit qu’à luy de choisir, & la pluspart de ceux qu’il voyoit voulant l’engager à se marier, une femme d’un fort grand merite & de beaucoup de vertu, luy en parla comme tous les autres. Il luy avoit obligation, & elle l’avoit appuyé auprés des Puissances dont la protection ne luy avoit pas esté inutile. Aussi disoit-il toûjours, qu’il luy devoit la plus grande partie de son bien, puisqu’elle l’avoit soutenu avec ardeur contre ceux qui avoient voulu le traverser dans plusieurs affaires. Un principe de reconnoissance se mêlant à l’estime qu’il avoit pour cette Dame, il luy répondit qu’elle pouvoit disposer de luy, & que puisque tout le monde le pressoit de prendre une femme, il en vouloit une de sa main. La Dame à qui ce choix fut laissé, luy repartit, que ce seroit une affaire bientost faite, pourvu qu’il voulust suivre ses conseils, & s’attacher moins au bien qu’au vray merite & à la sagesse. Elle ajoûta qu’il luy paroissoit que les grandes affaires dont il avoit la conduite, le comblant de biens de jour en jour, il ne pouvoit rien faire de mieux que d’épouser une jolie fille, qui luy devant toute sa fortune, ne chercheroit qu’à luy plaire pour reconnoistre ce qu’il auroit fait pour elle. Là dessus elle luy proposa une jeune Demoiselle, belle & bien faite, d’une humeur douce, & qui estoit estimée de tout le monde pour son esprit & ses belles qualitez. Il accepta le parti. On luy fit voir la Demoiselle dés le lendemain. Il la trouva encore plus aimable qu’elle ne luy avoit paru dans le portrait, que luy en avoient fait diverses personnes, & le mariage fut conclu en peu de jours aux conditions qu’il plut à la Dame de prescrire. Jamais union ne fut plus tendre. La sympathie d’humeur se trouvoit entr’eux, & l’un & l’autre la remercioit tous les jours de les avoir rendus si heureux. Il ne leur manquoit qu’une seule chose. Il y avoit déja six années entieres que le mariage s’estoit fait, & ils n’avoient point d’enfans. Le mary en souhaitoit avec passion, & ils portoient envie à la Dame, qui de son côté n’estoit pas contente d’avoir une nombreuse famille. Il y avoit plus de noblesse que de bien dans sa maison, & trop de fecondité n’estoit pas pour elle un avantage. Enfin la jeune mariée s’apperçût qu’elle estoit grosse, & la Dame son amie la devint en même temps, avec cette difference que si ce fut un tres-grand sujet de joye pour l’une, l’autre ne put s’empêcher de s’en montrer affligée. Son Ami l’en consola en luy disant, que s’il arrivoit qu’elle accouchast d’un Enfant d’un autre sexe que celuy dont accoucheroit sa Femme, elle n’en auroit aucun embarras, pourvû qu’elle voulust bien qu’on en fist un mariage. Cela fut promis de part & d’autre, & son Amie estant accouchée la premiere d’un garçon, la Dame l’appella d’abord son Gendre. Elle accoucha peu de jours aprés, mais ce fut aussi d’un garçon qui ne vécut que fort peu de temps. L’execution du mariage arresté fut remise à la premiere Fille qu’elle auroit, ce qui arriva cinq ou six années aprés. Cependant son Ami ravi de se voir un heritier, le faisoit élever avec tout le soin possible, & auroit esté inconsolable s’il l’avoit perdu. Il n’aimoit point ses Parens, qui n’avoient rien d’estimable, & son Fils luy estoit d’autant plus cher, qu’il paroissoit que sa Femme n’auroit point d’autres Enfans. Il luy donna divers Maistres ; & quoy qu’il luy fist apprendre, il réussissoit en tout d’une maniere qui ne laissoit rien à souhaiter. Toutes ses inclinations estoient nobles, & le panchant qu’il fit d’abord paroistre pour les armes, donna quelque chagrin à son Pere, qui redoutant les perils d’une profession si dangereuse, auroit bien voulu qu’il en eust choisi une autre. Il pria la Dame, qui continuoit toujours à luy donner le nom de son Gendre, de l’en détourner, & luy dit que c’estoit son interest de prendre des précautions pour le conserver, puis que son dessein estoit de le marier avec sa Fille. Elle répondit en plaisantant, que peut-estre il y songeroit plus d’une fois, lors qu’il faudroit parler sérieusement, & que quand il feroit un autre choix pour ce Fils, qu’il vouloit bien luy recommander, elle l’aimoit assez tendrement pour contribuer à tout ce qui luy seroit avantageux sans aucun rapport à elle. En effet, on peut dire que la Dame estoit une autre Mere pour luy. Son application estoit grande pour luy inspirer tous les sentimens d’un honneste homme, & elle trouvoit en luy de si favorables dispositions, qu’elle n’avoit pas de peine à y réussir. Il avoit déja douze ans lors qu’il luy vint une Soeur. Ce fut un surcroist de joye pour son Pere, qui ne se put exprimer. Il commença à ne plus tant craindre l’inclination que son Fils avoit marquée pour l’épée. Au contraire, ses Amis luy firent connoistre qu’il avoit à souhaiter qu’il prist ce party, puisque pouvant luy donner abondamment dequoy la faire paroîstre, il répareroit par là, ce qu’il n’avoit point par la naissance. Convaincu par ces raisons, il luy fit apprendre à bien monter à cheval, & les autres exercices. Il y réüssit parfaitement, & à dix sept ans il prit party dans les Troupes. Son Pere l’éloigna avec regret, mais la gloire qu’il s’acquit dés ses premieres campagnes le consoloit de ne le point voir, & il avoit d’un autre costé un amusement fort agreable dans les caresses de sa Fille, qui devenoit toute belle, & dont l’éducation luy donnoit un grand plaisir. La Dame, intime Amie de cette maison, n’estoit pas moins appliquée à tout ce qui pouvoit luy former l’esprit, & luy donner d’aimables manieres pour le monde, qu’elle l’avoit esté pour son Frere, qui ayant esté trois ans sans la voir, la trouva toute charmante, quand il revint passer quelques mois dans sa famille. Il luy fit les plus tendres amitiez, & elle témoignoit estre ravie de s’en voir aimée, se faisant un honneur d’avoir un Frere dont elle entendoit dire beaucoup de bien, & qu’elle trouvoit d’une figure fort agreable. Ces sentimens ne firent que s’augmenter, & toutes les fois que le Cavalier estoit en pouvoir de revenir chez son Pere, il trouvoit sa Sœur plus accomplie, & témoignoit ne rien souhaiter avec plus d’ardeur que de la voir dans un établissement considerable. Si-tost qu’elle eut quatorze ans, il pressa son Pere de la marier, & il en eut pour réponse qu’il le vouloit marier auparavant. Ce fut alors que ce Pere luy parla tout de bon de la Fille de la Dame, à qui il l’avoit destiné dés son bas âge. C’étoit une Demoiselle qui meritoit d’estre aimée, & qui avoit beaucoup d’agrément dans sa personne. Il luy dit que quoy qu’il ne fust pas juste qu’il s’assujettist à suivre son choix, il avoit de si grandes obligations à sa famille, que s’il ne se sentoit point de repugnance à dégager sa parole, il luy feroit un veritable plaisir de consentir à ce mariage. Le Cavalier répondit qu’ayant esté élevé en quelque sorte avec la Demoiselle dont il luy parloit, il avoit conçu beaucoup d’estime pour elle, & même de l’amitié, mais qu’il le prioit de vouloit luy accorder encore deux ou trois années avant que de l’obliger à aucun engagement. La demande estoit trop juste pour le refuser. Il partit pour la campagne, & revint deux ans aprés tout couvert de gloire. Sa Sœur luy parut si belle qu’il en fut charmé, & plus encore de son esprit & de ses manieres, que de sa beauté. Il ne pouvoit se lasser de l’entretenir, & les choses fines qu’elle luy disoit le surprenoient tellement qu’il la mettoit au-dessus de toutes les personnes de son sexe qu’il avoit connuës. Il voulut sçavoir si entre plusieurs Amans qui se presentoient pour elle, il ne s’en trouvoit aucun dont elle eut le cœur touché ; & il la pria de luy parler sans déguisement. La Belle luy dit qu’apparemment le temps où elle devoit aimer n’estoit point encore venu ; mais qu’elle avoit le goust assez bon pour lui avoüer qu’un Amant fait comme luy seroit dangereux pour elle, s’il luy pouvoit ressembler entierement, non seulement pour la bonne mine, la politesse & le sçavoir vivre ; mais pour la noblesse des sentimens, l’amour de la gloire & l’exacte probité, & qu’afin qu’elle ne fust point trompée, si absolument on vouloit la marier, comme on luy en parloit fort souvent, il faudroit qu’il prist le soin de luy chercher un Mari, parce qu’elle sçavoit qu’il l’aimoit & que se connoissant en merite, elle avoit lieu de se tenir seure qu’il choisiroit bien. Des choses si flateuses, quoy que d’une Sœur, ne laisserent pas de faire plaisir au Cavalier qui prit pour elle toute l’amitié qu’on peut avoir pour une personne tres-estimable de toutes manieres. Il luy parut mesme que cette amitié estoit trop forte, & il se reprochoit quelquefois l’attachement qu’il avoit à estre sans cesse avec sa sœur, & son trop de sensibilité pour les innocentes marques de tendresse qu’il en recevoit. Ces sentimens qu’il surprenoit dans son cœur le faisoient rêver. Chacun s’en appercevoit, & sa sœur plus que personne luy en demandoit souvent la cause. Dans ce temps-là, son pere luy parla sérieusement de la fille de la Dame qu’il avoit promis qu’il lui feroit épouser. Il y consentit sans aucune repugnance, & crut qu’un engagement de cette nature le déferoit de l’humeur rêveuse où il tomboit malgré luy. Ce qu’il y eut d’extraordinaire & de surprenant, c’est que la Dame voyant que le mariage de sa fille devenoit une affaire sérieuse, dit au pere qui luy demanda son agrément, qu’elle avoit d’autres desseins pour le Cavalier à qui il falloit une fortune plus avantageuse, & que puisqu’elle avoit marié la mere, elle le prioit de trouver bon qu’elle mariât aussi le fils. Cette generosité engagea le Pere à y répondre par la protestation qu’il fit de ne point changer de sentiment, & de rejetter tous les avantages que son Fils pourroit rencontrer ailleurs. Le Cavalier pour qui estoit née cette contestation, crut de son costé qu’il ne pouvoit faire moins pour reconnoistre l’honnesteté de la Dame, que de se plaindre du refus qu’elle faisoit de l’accepter pour son Gendre. Il ajoûta qu’il ne vouloit point penetrer les raisons qui pouvoient l’en empêcher, mais qu’il la prioit, si son alliance ne luy plaisoit pas, de le laisser vivre en liberté, sans chercher à luy faire prendre aucun autre engagement, à quoy il estoit absolument résolu de s’opposer. La Dame luy demanda en riant si une personne aussi belle que sa Sœur, & qui auroit le même merite, seroit incapable de se faire aimer de luy. Ces mots le mirent dans un embarras terrible. Il rougit ; il se troubla, mais la Dame qui depuis long-temps lisoit dans son cœur, l’étonna bien davantage en luy disant que c’estoit cette Sœur mesme qu’elle avoit envie qu’il épousast. Il seroit difficile d’exprimer les diverses agitations où il se trouva sur une proposition dont l’effet luy paroissoit impossible. La Dame les finit d’une maniére bien agreable pour luy, quand elle luy dit qu’il estoit son Fils, & non pas de celle qu’il avoit cruë jusque-là sa Mere. Ce Fils dont cette Mere avoit accouché en même temps que la Dame, estoit mort dés le premier temps de sa naissance, pendant que son Mary estoit éloigné, & cette Femme affligée voulant épargner à son Mary la douleur que cette perte luy auroit causée, pria la Dame de vouloir bien luy donner son Fils, qu’elle éleveroit comme le sien. La Dame qui estoit chargée d’enfans, consentit sans peine à ce qu’elle souhaita, ne doutant point que quand il faudroit découvrir la chose à son Mary, il ne luy donnast une partie des grands biens qu’elle avoit contribué à luy faire avoir par son credit. Aprés la naissance de la Fille, les deux Meres avoient protesté de les marier ensemble, & comme elles avoient toûjours pris soin de les observer, elles avoient vû avec plaisir l’attachement d’estime & d’amitié tendre qu’ils avoient pris l’un pour l’autre. Il ne fut plus question que d’apprendre tout au Pere, qui n’ayant jamais douté que le Cavalier ne fust son Fils, l’avoit toûjours aimé cherement, de sorte qu’il vit avec une joye inconcevable qu’il le pouvoit marier avec sa Fille. Le fort penchant que le Cavalier avoit toûjours marqué pour les armes, luy fut une confirmation de sa naissance, outre que sa Nourrice que l’on avoit fait entrer dans le secret, vivoit encore, & qu’elle fut un témoin irreprochable. Le Cavalier & la Belle qui s’aimoient peut estre plus qu’un Frere & une Sœur n’ont accoûtumé de faire, n’eurent pas de peine à changer leur amitié en amour, & l’on pourroit dire qu’il ne s’est jamais fait de Mariage, dont toutes les personnes interessées ayent reçu plus de satisfaction que de celuy-cy.

[Nouvelle Methode pour écrire secretement & pour traduire en François toutes les lettres estrangeres] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 147-149.

Il s’est fait un Livre nouveau, qui doit estre d’une grande utilité pour ceux qui veulent écrire des choses qu’il leur est important qu’on ne puisse déchifrer, si leurs Lettres estoient surprises. Il a pour titre, Nouvelle Methode pour écrire secretement, & pour traduire en François toutes les Langues étrangeres. Cette Methode est fort seure, pourvû qu’on veüille bien se donner la peine d’observer toutes les regles que l’Auteur y donne, & qu’on ne se rebute point par le long temps qu’il y faut donner. Il est vray que pour s’épargner une partie de ce long travail, on peut ne s’en servir que pour les choses qui meritent le secret, sans l’employer dans la Lettre entiere. Ce Livre se vend au Palais, chez le Sr Nicolas le Gras, au troisiéme Pilier, à l’L couronnée.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 149-150.

Voicy des paroles qui ont esté mises en air par un fort habile Musicien.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par Sitost que la cruelle eut vû naistre ma flamme, doit regarder la page 149.
Si tost que la cruelle eut vû naistre ma flâme,
Que ne m'opposoit-elle un devoir rigoureux !
Elle attendoit pour rebuter mes feux,
Qu'ils se fussent rendus les maistres de mon ame.
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[Mort de M. Devisé] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 157-196.

Depuis vingt-trois années que je vous adresse mes Lettres, j’ay laissé passer une infinité d’occasions de vous parler de ma Famille, touchant des choses peut-estre aussi considerables que celles que je vous apprens tous les mois de plusieurs personnes distinguées. Je craignois de passer pour suspect, mesme en disant la verité, & qu’on ne m’accusast de me servir de l’avantage que j’ay de vous écrire, pour imposer à ceux qui lisent mes Lettres ; mais enfin il est temps que ce silence finisse, & que j’obeisse à ceux qui ont droit de me commander, & qui m’ont fait voir qu’une modestie plus longue paroistroit trop affectée, & que je ne dois pas faire plus longtemps injustice à mon sang, quand la verité me force de parler. Je vais donc le faire, en déclarant que je n’avanceray rien dont je n’aye les certificats en main. La mort de Messire Gaspard Donneau Devizé, Mestre de Camp d’un Regiment de Cavalerie, Lieutenant des Gardes du Corps, & Maistre d’Hostel de la feue Reyne, donne lieu à l’article que vous allez lire. Je vous diray d’abord que peut estre auroit-on de la peine à trouver encore une Famille aussi nombreuse, sans qu’aucun eust jamais pris d’autre party que celuy de servir le Roy, & les Rois ses Predecesseurs dans leurs Maisons, & dans leurs Armées, & qui ait répandu plus de sang pour le service de Sa Majesté. Gilles Donneau Devizé, Ayeul de celuy dont je vous apprens la mort, servit avec un attachement inviolable quatre de nos Rois ; sçavoir Charles IX. Henry III. qu’il avoit suivy en Pologne, puis Henry IV. & Louis XIII. Charles, Fils de Gilles, aprés avoir rendu de grands services dont je ne rapporteray point le détail, de crainte d’estre trop long, & afin d’avoir plus de place pour parler de ses descendans, qui approchent plus de nostre temps, fut pourveu en consideration de ses services du Gouvernement du Comté de Dammartin, ainsi que de celuy du Chasteau, & de la Capitainerie des Chasses. Son fils Gaspard qui vient de mourir, fut élevé Page du Maréchal de Vitry, & en 1643. il servit la Campagne en qualité de Cornette dans la Compagnie de Mr le Baron Darziliers son cousin, dans le Regiment de Cavalerie de Menneville, & se trouva à la bataille de Rocroy où il fut blessé à la jambe. Il eut son cheval tué du mesme coup. Il servit au siége de la Mothe en Lorraine en 1645. & ensuite en Flandre au Siége de Gravelines dans l’armée commandée par feu S.A.R. Monsieur, Duc d’Orleans. Il servit ensuite en qualité de Lieutenant de Chevaux Legers au siege de Lens sous Mr. le Maréchal de Gassion, puis en Catalogne en 1647 & 1648. sous Mr. le Maréchal de Schomberg. En 1649. il fut fait Capitaine de Chevaux Legers dans le Regiment de la Fare. En 1650. il fut blessé au bras d’un coup de Mousqueton & au costé d’un autre coup, aussi de Mousqueton. Il servit en Catalogne en 1651. & en 1652. il reçût au Siege de Barcelone un coup de Mousquet au ventre, & six mois aprés au mesme Siege, commandant un Escadron aux lignes de contrevalation, sous Mr le Comte de Merinville, il fut blessé en divers endroits. L’occasion fut si chaude, que de tout l’Escadron qu’il commandoit il ne resta que sept Cavaliers & un Capitaine, tous les autres ayant esté tuez ou blessez. Pour luy, il receut un coup de mousquet dans la teste, dont il perdit un œil, un autre à l’épaule & un dans le ventre. Il eut aussi un cheval tué sous luy, & un autre blessé, ce qui marque qu’il ne quitta point le combat, quoy qu’il ne fust resté que luy neuviéme de son Escadron. Il eut l’avantage de retirer des mains des Ennemis Mr le Maréchal de la Mothe que l’ardeur de son courage avoit emporté trop avant, & de les poursuivre & de se battre aprés que ce Maréchal fut rentré dans Barcelone. En 1653. le Roy ayant réduit le Regiment de Mr le Marquis de la Fare à trois Compagnies, la sienne fut conservée par préference à cause de ses services, comme il se voit par une lettre de S.M. écrite à ce Marquis. L’an 1654. au combat de Bourdeil avec cent hommes qu’il commandoit, il fit prisonniers de guerre cinquante-huit hommes, entre lesquels il y avoit trois Capitaines de Cavalerie. Dans la mesme année le Roy ayant résolu de licentier le corp du Regiment de la Fare aprés la mort de ce Marquis, il conserva & incorpora la Compagnie de Devizé dans celuy de Thoiras, comme on le voit par la Lettre de Cachet, écrite par S.M. à cet effet à Mr Devizé, & les Timbales du même Regiment de la Fare luy furent adjugées, ainsi qu’il paroist par le jugement que rendit le Conseil de Guerre, sous l’autorité de Mr le Duc de Joyeuse, Pair & Colonel general de la Cavalerie Legere de France. Le Mestre de Camp general, tous les Colonels & Commandans des Corps, assisterent à ce jugement, par lequel il fut permis à Mr Devizé & à ses Enfans, de porter ces Timbales en guerre dans toutes les occasions. Monsieur le Prince de Conti le demanda dans la même année pour estre dans son Regiment. Il y servit au Siege de Castillon d’Ampurias, & il y fut blessé d’un coup de mousquet au travers du col. En 1656. il servit en qualité de Maréchal des Logis General de la Cavalerie sous Mr le Duc de Candale. En 1657. il eut un bras cassé d’un coup de pistolet au Siege d’Alexandrie, & fut blessé à Tortose d’un coup de faulx dans les reins. En 1658. & 1659 il se vit encore en Italie de Maréchal des Logis general de la Cavalerie, & en cette qualité il commanda toute l’Armée pendant vingt-quatre heures, en l’absence des autres Officiers generaux. En 1661. aprés la Paix des Pirenées, le Roy pour conserver sa Compagnie, en fit une Compagnie Franche. En 1664. on forma un Escadron de sa Compagnie, & de celles de Baradas, de Chazeron & de Fourbin. Il est à remarquer qu’il estoit plus ancien Officier que ces deux derniers, qui furent depuis Lieutenans generaux, & qu’il les avoit souvent commandez. Il fut envoyé la même année en Allemagne, sous Messieurs de Coligny & de la Feüillade, & se signala au passage du Raab, où les Turcs furent défaits. En 1665. Son Altesse Royale Monsieur ayant souvent ouy parler de sa valeur & de sa probité, le demanda au Roy avec sa Compagnie, pour le faire premier Capitaine & Major de son Regiment d’Orleans de Cavalerie, ce qui fut accordé à ce Prince. Le Roy ayant voulu voir sa Compagnie dans la plaine proche de Breteuïl, luy donna une gratification plus considerable que celle qu’il accorda à six autres Capitaines dont il venoit de voir les Compagnies, & dont il estoit fort content ; ce qui paroist par une Lettre de Mr le Marquis de Lovois, qui l’en felicita. L’année suivante estant venu à Paris, pour presenter au Roy des Cavaliers de sa Compagnie, que S. M. en avoit fait tirer, pour les faire entrer dans les Gardes du Corps, il receut la Lettre suivante de Mr de Louvois.

MONSIEUR,

Vous verrez par la Lettre que le Roy vous écrit, ce que S. M. fait presentement pour vous. Vous ne doutez pas que je n’aye beaucoup de joye que vostre merite luy soit connu, & qu’elle soit satisfaite de vos services, & vous croyez bien aussi que je seray toujours bien aise de vous pouvoir témoigner par les miens combien je suis,

MONSIEUR,

Vostre tres-humble & tres-affectionné serviteur, de Louvoys.

A Saint Germain ce 13. Janvier 1667.

Dans cette Lettre il y avoit un Billet écrit de la main du Roy, contenant ce qui suit.

A S. Germain en Laye le 13. de Janvier 1667.

Ce Billet n’est que pour vous faire sçavoir que je vous ay donné la Charge d’Enseigne de mes Gardes, qu’avoit le Chevalier de Forbin, & que je desire que vous veniez icy pour en prendre possession, & servir vostre quartier.

LOUIS.

La suscription de cette Lettre estoit, A Monsieur Devizé, Capitaine d’une Compagnie de Chevaux Legers pour mon service.

Ce que le Roy fit alors pour Mr Devizé luy fut d’autant plus avantageux que S. M. venoit de résoudre de mettre dans ses Gardes & dans ses Mousquetaires les meilleurs Officiers de ses Troupes, & que par distinction il fut choisi seul le premier aprés cette résolution, pour remplir la premiere place qui vacqua dans ses Gardes du Corps. Mr de Jauvelle par la mesme raison entra quelque temps aprés dans les Mousquetaires, & plusieurs Officiers qui furent successivement nommez pour entrer dans ses Gardes, ont presque tous esté Lieutenans Generaux. Le Roy ne laissa pas long-temps Mr Devizé Enseigne de ses Gardes, puisque sept mois aprés l’avoir élevé à ce poste il le nomma Lieutenant, & luy fit expedier la Commission de Mestre de Camp d’un Regiment de Cavalerie entretenu pour luy. On estoit alors au Siege de Doüay où il receut un coup de canon qui emporta les deux épaules de son cheval & ses deux pistolets. Il commandoit alors la garde de la Tranchée, & il estoit si prés des dehors, lors qu’il entendit ceux qui les gardoient, qui dirent le voilà à bas. Il eut beaucoup de peine à regagner le Camp à pied, & il essuya en s’en retournant une gresle de coups de mousquets de tous les dehors de la Place, dont il ne fut point blessé. Le Roy luy fit donner à son retour un cheval de son Ecurie. Il servit avec le mesme zele & la mesme valeur, & presque toûjours sous les yeux du Roy jusqu’en 1674. que le 15. de Juin il se trouva commander la Maison du Roy. Elle passoit alors en Allemagne avec un gros Corps de Troupes qui estoit sous le Commandement du Marquis de Renel, Maréchal de Camp, lequel avoit eu ordre de prendre sur sa route la Ville & le Chasteau de Fauconier sur les frontieres de la Franche-Comté. Ce Marquis y estant arrivé, fit sommer la Place, & sur son refus ayant fait venir du canon, on y fit bréche, & l’assaut fut donné, mais inutilement. Mr Devizé estant de jour, résolut de forcer la Place par un endroit où il y avoit de l’eau. Il s’informa de ceux qui sçavoient nager parmy les Gardes, & parmy tous les valets de ce Corps, & en ayant trouvé jusqu’à deux cens avec quatre Exempts, il se mit à leur teste, son épée entre ses dents & gagna la bréche, mais il receut trois coups de mousquet, dont l’un luy perça l’épaule gauche, l’autre lui entra dans le corps au costé droit, & le troisiéme luy ayant cassé les mâchoires, & emporté quatre dents, luy perça la langue. Cependant il ne cessa point de combattre, & de donner ses ordres, qu’il n’eust emporté la Place. Le Roy apprenant cette nouvelle, dit tout haut devant toute la Cour, il n’y avoit que Devizé qui fust capable d’une telle action. Ces trois dernieres blessures, avec une infinité d’autres qu’il avoit receuës, l’ayant mis hors d’état de servir, le Roy lui donna la Charge de Maître d’Hotel ordinaire de la Reine. Il avoit épousé en premieres noces la Veuve de Mr Pichon, Conseiller de la Cour. Sa seconde Femme estoit Louvancour, d’une tres-bonne Famille de Robe, dont il n’a point eu d’Enfans. Il avoit épousé en troisiémes noces Madeleine Donneau-Devizé, sa Cousine-germaine, Fille d’Antoine Donneau-Devizé, son Oncle paternel. Cet Antoine, aprés avoir esté Cadet au Regiment des Gardes, suivant l’usage de son temps, servit au Siege du Chasteau de Caën & à la prise du Pont de Cé, ainsi qu’à ceux de Saint-Jean d’Angely, de Montauban, de Tonneines & de Montpellier. En 1620. il estoit au Siege de la Rochelle en qualité d’Aide de Camp de Mr le Maréchal de Pralin, où il fut attaqué dans une embuscade par les Ennemis, que repousserent les Gardes de ce Maréchal. Il fut blessé d’un coup de mousquet à la jambe, aux approches de la Ville de Clerac, où commandoit Mr de Termes, Maréchal de Camp, qui y fut tué en forçant une Baricade. Il fut blessé au ventre d’un coup de pique à la prise de la Ville du Monneur, en montant à l’assaut. Il servit en qualité de Capitaine. Exempt des Gardes du Corps de défunt S.A.R. Monsieur le Duc d’Orleans, Oncle de Sa Majesté, durant les guerres de Flandre, & il se trouva aux Sieges de Graveline, Dunkerque, Mardick, Courtray & Bethune. Au Siege de Courtray à l’attaque des Lignes, où les Ennemis furent repoussez, il eut le bras cassé d’un coup de pistolet. Au Siege de Mardick, à la sortie que firent les Assiegez, il eut un coup de mousquet à l’épaule. Au Siege de Bethune il fut blessé d’un coup de mousquet qui luy perça les deux cuisses. Il fut envoyé dans la Ville & Chasteau de Richelieu, avec ordre au Gouverneur, & aux Officiers & Habitans de luy obéir.

Il défendit la place contre les surprises & les insultes de l’armée des Princes, & conserva la Ville & le Chasteau dans l’obeissance du Roy. Il eut l’honneur de conduire à Florence Madame la Grande Duchesse, lorsqu’elle fut mariée, & de commander les gardes qui l’accompagnoient. Il risqua sa vie pour le service de la Reine Mere dans les temps difficiles, & reprit en s’exposant à une gresle de mousquetades, toutes ses pierreries, qui luy avoient esté enlevées dans une émotion populaire, dans un Carosse qui fut pillé par la populace, dans lequel étoient feuë Me de Beauvais & Mr de Bartillat. Il receut plusieurs coups en cette occasion. Il avoit épousé Claude Gaboury, d’une famille attachée aux service des Rois de France depuis un temps immemorial. Jacques Gaboury son frere, estoit premier Valet de Garderobe du Roy, & Contrôleur general de l’argenterie. Ce Jacques Gaboury estoit dans une si grande faveur auprés de la Reine Mere, qu’il donna de l’ombrage au Cardinal de Richelieu qui le fit exiler. Il fut rappellé aussi-tost aprés la mort de ce Ministre, & celle du Roy Loüis XIII. Le Cardinal de Richelieu en parle dans ses memoires. Loüis le Grand l’honora de son estime en consideration des services qu’il avoit rendus à la Reine sa Mere. Il le nomma à l’Intendance de S. Usnant, & luy donna outre cela une grosse somme qu’il toucha au Tresor Royal. Antoine Donneau Devizé, dont il avoit épousé la Fille, eut pour enfans Jean Donneau Devizé, Historiographe de France, Jacques, premier Valet de Chambre de la feue Reine, Henriete, premiere femme de Chambre de Monseigneur le Duc d’Anjou, & Madelaine qui avoit épousé Gaspard Donneau Devizé dont je vous apprens la mort. Jacques, premier Valet de Chambre de la feue Reine avoit épousé la Signora Philippa, qui des l’âge de sept ans avoit esté élevée en Espagne dans le Palais en qualité de Menine, auprés de la Reine, qui la consideroit, l’estimoit & l’aimoit. On ne peut être dans une plus haute faveur qu’elle estoit auprés de cette Princesse. Elle ne s’en est servie que pour procurer du bien aux autres sans songer à ses interests, & le Roy estoit tellement persuadé de sa sagesse, qu’il ne conserva qu’elle auprés de la Reine, de toutes les femmes Espagnoles qui estoient venuës en France avec cette Princesse. Elle a laissé quatre garçons, dont laîné est Abbé de Lecterpt en Limosin & licentié de Sorbonne, le second Lieutenant aux Gardes ; il fut dangereusement blessé au siege de Mons. Le troisiéme est Enseigne de Vaisseau, & le quatriéme qui est encore fort jeune, est Lieutenant dans le Regiment de Champagne.

Je vous ay parlé de deux enfans de Gilles & de Jacques Donneau Devizé & de leurs enfans, & ne vous ay rien dit d’un frere cadet nommé Henry. Il estoit Gentilhomme servant le Roy, & Capitaine-exempt des Gardes du Corps de la Reine Mere. Il avoit commencé à servir au Siege de la Rochelle, où il reçût un coup de Mousquet à la cuisse. Il servit au Siege de Bellegarde & de Sainte Menchoud, & reçût à ce dernier un coup de pierre à la teste. Il avoit pareillement servi aux Sieges de Mouzon & de Stenay, & à l’attaque des lignes, & à la levée du Siege d’Arras, où il passa des premiers la ligne. Il est mort en Bretagne pour le service de la Reine Mere en executant ses ordres. Ses enfans sont Loüis Donneau Devizé, mort Capitaine de Chevaux Legers : l'aisnée de ses filles a épousé Mr de Lucé, Receveur General des Finances de Guienne, & la seconde Mr Goujon, Secretaire du Conseil. Si je ne m’apercevois qu’il y a déja trop longtemps que je vous entretiens de ma famille, je vous parlerois encore d’un des enfans de Gilles Donneau Devizé, qui n’a pas moins esté attaché à la Maison Royale que ses freres, & qui eut l’honneur d’estre du nombre des Officiers qui conduisirent Henriete de France, Reine de la Grand’Bretagne en Angleterre. Il n’avoit eu qu’une fille qui a laissé quatre garçons, qui se sont tous distinguez dans le service. L’aîné qui estoit Capitaine de Fusiliers, & Contrôleur de la Maison de la Reine, se retira du service aprés la mort de cette Princesse, & il est presentement Prieur de Bois-morel en Normandie. Le second nommé Mr du Coudray, aussi Capitaine de Fusiliers, est mort en Italie dans la derniere guerre, de ses blesseures qui se sont rouvertes. Il estoit en estat de parvenir au plus hauts emplois. Le troisiéme, connu sous le nom de Mr de Saint Maurice, est des plus avancez dans le Regiment des Fusiliers. Il est entré dans le service dés sa plus grande jeunesse, & est des plus anciens Officiers de l’Armée. Il fut blessé au Siege d’Ath. Le quatriéme est Capitaine d’Infanterie.

Pour finir cet article par où je l’ay commencé, je vais vous parler des enfans de Gaspard Doneau Devizé dont je viens de vous aprendre la mort. Il n’en a point eu de ses deux premieres Femmes, mais seulement de sa troisiéme, fille d’Antoine Donneau-Devizé, dont il a trois garçons & une fille. L’aîné n’est âgé que de vingt ans. Il a l’honneur d’estre Filleul du Roy & de la Reine, & a esté élevé Page de S. M. dans la Grande Ecurie, où l’on n’en reçoit aucun qu’aprés avoir fait de tres rigoureuses preuves de Noblesse. Le second a pris le party de l’Eglise. Le troisiéme est encore fort jeune, ainsi que les deux filles. On peut dire que leur Pére estoit le Doyen de tous les Officiers de Cavalerie de France, puisqu’il avoit soixante ans de Service lorsqu’il est mort, & que s’il n’avoit pas esté obligé de le quitter aprés avoir receu plus de vingt blessures, il auroit esté Lieutenant General il y a plusieurs années, tous ceux qui ont servi aprés luy dans les Gardes étant parvenus à cette dignité. Si toute cette Famille, qui n’a jamais pris d’autre party que de servir le Roy, a répandu son sang pour le Service de Sa Majesté, elle a bien lieu d’estre satisfaite des bontez de ce Prince, qui par les pensions qu’il luy a plu d’accorder, récompense dans les enfans les services des Peres.

Cet article m’ayant mené plus loin que je ne croyois, quoy que j’en aye retranché beaucoup d’actions considerables, il ne me reste plus de place pour vous parler ce mois cy des Morts dont j’ay encore à vous entretenir ; mais quand je n’aurois point d’autres nouvelles à vous apprendre, ma Lettre renfermeroit trop de matieres tristes, si j’en ajoûtois à celles dont elle est déja remplie.

[Divertissement du Carnaval] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 196-199.

Le Roy ayant esté au commencement de ce mois à Marly, on y a pris les divertissemens de la saison. La Cour y estoit assez grosse pour le lieu, mais ceux qui n’avoient pas esté nommez n’ont point eu la liberté d’y paroistre. Monseigneur le Duc & Madame la Duchesse de Bourgogne, & les deux Princes s’y sont rendus tous les soirs sur les sept heures. La Cour y soupa les deux premiers jours à neuf heures, & le Bal y commença à dix, & dura jusqu’à plus d’une heure. Le Vendredy, qui fut le premier jour des deux Voyages dont j’ay à vous parler, le Roy & la Reine d’Angleterre y vinrent, & le Bal ayant commencé avant huit heures, finit à dix & demie ; aprés quoy le Roy, & Leurs Majestez Britanniques souperent. Il y eut pendant ces trois jours trois tables à souper. Le Bal se fit dans le grand Salon, fort éclairé de Lustres, & de deux rangs de Girandoles tout autour. Les hommes qui danserent furent tous les Princes, Mr le Comte de Brionne, Mr le Prince Camille, Mrs les Ducs de Villeroy & de Guiche Mrs les Comtes d’Estrées & d’Ayen, & Mr le Marquis de la Chastres. Les Dames qui danserent, furent les Princesses, Mademoiselle d’Armagnac, Madame de Valentinois, Madame la Duchesse de Villeroy, Madame de Chastillon, Mademoiselle de Tourbes, Mademoiselle de Melun, & Madame de Mongon. Pendant le Bal les danseurs disparoissoient par troupes, & s’alloient masquer dans les apartemens hauts, tous remplis d’habits, & il y en eut plusieurs qui masquerent jusqu’à quatre & cinq fois chaque soir.

[Journal concernant tout ce qui s'est passé touchant l'Ambassadeur de Maroc depuis son arrivée en France, & le détail de la premiere Audience qu'il a euë du Roy] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 215-252

Je viens à l'article qui regarde l'Ambassadeur de l'Empereur de Maroc. Abdalla Ben-Aischa, Amiral & Surintendant de toutes les affaires de la Mer de cet Empereur [qui arrive à Rennes.][...]

M. l'Intendant vint aussi-tost le visiter, & l'invita à souper chez luy. L'Ambassadeur l'accepta, & le repas fut tres-magnifique, sa visite fut suivie de celle de M. de Molac, & de celle de M. de la Faluere, Premier President, accompagné de M. son Fils, de M. le President de Brecquigny, & de M. le Procureur General. On sejourna à Rennes, & l'Ambassadeur alla voir le Palais, dont le dessein des Peintures est de feu M. le Brun. Il rendit à son retour la visite à M. le Premier President. Il estoit avec sa suite dans deux Carrosses de M. l'Intendant. Il alla l'apredinée voir M. le Marquis de Molac qui l'invita à la Comedie, à souper, & au Bal qu'il donna exprés chez luy. [...] Cet Ambassadeur ne recût pas de moindres honneurs à Nantes. La Maréchaussée alla audevant de luy & il entra dans la Ville au bruit du Canon, & des Tambours de la Bourgeoisie, qui étoit sous les Armes en très-grand nombre. Le Maire, & les Echevins le vinrent complimenter. [Arrivé à Paris, l'ambassadeur se rend à Versailles pour l'audience] Quatorze Valets de l'Ambassadeur marchoient à cheval devant le Carrosse. Les Laquais de M. le Baron de Breteüil bordoient la portiere droite, & ceux de M. de S. Olon la gauche. En traversant la premiere Cour, on trouva les Gardes Françoises, & Suisses en haye : mais se reposant sur leurs Armes & sur leurs Tambours.Voir cet article et cet article pour la suite du journal.

[Suite des divertissements de Carnaval] §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 284-287

La Cour s'est fort divertie à Marly pendant les trois derniers Voyages qu'elle y a faits ce Carnaval. Les divertissemens y ont toûjours esté en augmentant, & fort magnifiques, quoy qu'en particulier, sans qu'il ait esté permis à personne de s'y trouver, de sorte que ceux qui estoient nommez ont seuls été spectateurs, & acteurs. Mais on ne peut rien faire que de tres-eclatant à la Cour de France, lors même qu'on se propose de ne faire qu'une depense moderée. Il y a eu pendant les trois jours qu'a duré chaque voyage, plusieurs Mascarades chaque jour, qui toutes avoient un nom & un sujet. Ainsi elles pouvoient passer pour de petites Comedies tres-ingenieuses & representées seulement par des actions & par des pas. Il y en a eu de toutes sortes de caracteres, & ce divertissement a esté complet puis qu'outre ces Mascarades, il y a eu bal tous les jours, & que rien n'a manqué de tout ce qui peut plaire aux yeux, flater l'oreille, & satisfaire le goust.

Mardy 24. de ce Mois, S. A. R. Monsieur donna à souper à Monseigneur le Dauphin. Il y eut grand Jeu ensuite, & aprés le Jeu, grand Bal. Il y avoit des Violons, & des Haut-bois dans la Galerie, & dans les deux premieres pieces du grand Appartement de Monsieur. On y servit une grande Collation entre minuit & une heure, & on y vit plus de trois mille Masques. Il doit y avoir Lundy à Versailles un grand Bal, où les Dames seront parées.

Air nouveau §

Mercure galant, février 1699 [tome 2], p. 291.

Les paroles que vous allez lire, ont esté mises en air par un fort habile Musicien.

AIR NOUVEAU.

Avis pour placer les Figures : l’air qui commence par L'ingrate Iris, doit regarder la page 291.
L'ingrate Iris me fuit, & ne veut plus m'entendre,
Elle feint d'écouter un severe devoir ;
S'il la condamne à m'oster tout espoir,
N'estoit-ce qu'aujourd'huy qu'il falloit me l'apprendre.
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