Extraordinaire du Mercure galant, quartier d’avril 1683 (tome XXII).
Extraordinaire du Mercure galant, quartier d’avril 1683 (tome XXII). §
Suite de la Premiere Partie du Traité des Couronnes, par M. Germain de Caën] §
A quoy l’on peut ajoûter ce qu’écrit le Poëte Ennodius, parlant des Ornemens Sacerdotaux, dont S. Ambroise avoit coûtume de se vestir dans les Offices divins.
Serta redimitus gestabat lucida fronte,Distinctâ gemmis ; ore parabat opus.
[...] Enfin certain Poëte, moralisant à sa mode sur ce sujet, apporte une quatriéme raison, dans l’allusion ingénieuse qu’il fait de cette triple Couronne du Souverain Pontife, à la triple Croix que porte son Baston Pastoral ; ce qu’il renferme dans ce Distique qu’il adresse au Pape Gregoire.
Cur tibi Crux triplex, Gregori, triplexque Corona est ?Anne suam sequitur quæque Corona Crucem ?
Les Couronnes Royales qui parent la teste sacrée des Souverains, n’ont pas toûjours eu la mesme forme qu’elles ont présentement. Celles dont les Roys se servoient autrefois, ressembloient pour la plûpart à des rayons de lumieres, à la maniere de celles que l’on mettoit ordinairement sur la teste des Simulachres d’Apollon, lesquelles estoient composées d’un Cercle d’or, orné tout autour de douze pointes ou rayons dressez en haut, & enrichies de Pierres précieuses, comme le témoigne Senéque dans son Hercule furieux Acte 1. & apres luy Martian. Capella l. 1. Nupt. Solis augustum caput radiis perfusum, circumactumque. Outre que l’antiquité de l’usage de ces Couronnes rayonnées, se justifie assez par l’inspection des Médailles anciennes, comme entr’autres celles des Rhodiens dans leurs Monnoyes ; celles des Empereurs Romains ; comme les Médailles de M. Antoine, de Galien, de Probus, d’Aurelien, de Trajan, de Plautius, d’Adrien, de Constantin, & d’une infinité d’autres, qu’on peut voir chez ceux qui ont fait une curieuse recherche de ces sortes d’Antiquitez. Cela se prouve encore plus manifestement par les témoignages de nos plus graves Autheurs. Virgile en parlant de l’ajustement du Roy Latin, lors qu’il alloit pour estre le Spectateur du Combat entre Turnus & Enée, luy donne une Couronne toute brillante de rayons d’or. Suétone dans la Vie d’Auguste, témoigne que cet Empereur en portoit quelquefois une pareille à celle de ce Roy ; & Velleïus Paterculus le confirme dans le 2. Livre de son Histoire, disant que ce Prince se fit voir une fois à son Entrée triomphante dans Rome, portant sur sa teste une Couronne d’or, fleuronnée de rayons & de croissans, pareille à celles que l’on donnoit aux Statuës du Soleil, & de la Lune ; Cum intraret urbem Solis orbis super caput ejus curvatus æqualiter veluti Coronam tanti mox viri capiti imponens, & Coronas distinctas Solis ac Lunæ specie, &c. Le mesme Suétone en dit autant de Caligula, Pline le jeune, de Trajan ; Florus, de Jules-César ; Claudien, de Pompée ; Stace, de Domitien ; Silius Italicus, de son Fils ; & Ammian Marcellin, de Maximien. S. Pierre de Chrysologue dans son Sermon 20. attribuë une semblable Couronne aux Roys de Perse, lors qu’il dit, Ne simus ut Persarum Reges, qui subjecta nunc pedibus suis sphæra, ut polum se calcare per vices mentiantur, nunc radiato capite, ne sint homines, Solis resident in figura, &c.
[...] Les Rabins donnent un autre sorte de Couronne à Solomon. Ils disent que ce plus Sage de tous les Monarques, ne se contentant pas de la Couronne que le Roy David son Pere luy laissa, & qu’il avoit conquise sur Hannon Roy des Ammonites, en fit faire une autre dés le commencement de son Regne, qui estoit composée d’un Cercle d’or, chargé de Fleurs-de-Lys au naturel, entrelassées d’un Cordon d’épines telles que les produit le Terroir de Judée, avec cette Devise gravée à l’entour en caracteres Hebraïques, Victoria amoris. Les Autheurs qui rapportent cecy, appellent cette Couronne Makeda, & ils ajoûtent que ce sage Prince dit à la Reyne de Saba, qui luy demandoit la raison de ces Lys & de ces Epines meslées ensemble, que Dieu avoit une considération toute particuliere pour les Fleurs-de-Lys, & que c’estoit pour cela qu’il avoit ordonné à Moïse d’en orner les Vaisseaux du Temple ; que d’ailleurs par cette noble Fleur, qui en élevant sa tige au dessus de toutes les autres, est le simbole de la Royauté, il vouloit figurer une Vierge qui naistroit un jour de sa Race, dont l’insigne pureté, jointe à ses autres admirables vertus, auroit le bonheur d’attirer dans son chaste sein le Roy de tous les Roys, qui viendroit y prendre naissance dans le temps qu’il avoit déterminé, & qui apres avoir beaucoup soufert, seroit enfin couronné d’Epines, & endureroit la mort pour obtenir une entiere félicité à ses Peuples, par le mérite infiny de ses soufrances. C’est ce que raporte le P. Dinet, dans son Théatre François Livre 1. Chapitre 16.
[...] Le Sieur d’Audiger, dans son Histoire de l’Origine des François, dit que les Empereurs d’Allemagne se faisoient ordinairement couronner de quatre Couronnes, en quatre diférens Lieux ; sçavoir à Aix la Chapelle, comme Roys de Germanie ; à Arles, comme Roys des Gaules ; à Munza ou Milan, comme Roys de Lombardie ; & enfin à Rome, comme Empereurs d’Italie. Il raporte à ce propos ces six Vers Latins de Godefroy de Viterbe, qui vivoit dans le douziéme Siecle, & qui prouvent évidemment ce qu’il avance.
Scribere vera volens quot sint loca vera coronæ ;Quatuor Imperij sedes video ratione.Nomina proponam, sicut & acta sonant.Primus Aquisgrani locus est, post hæc Arelati,Inde Modoëtiæ regali sede locari,Post solet Italiæ summa Corona dari.
Sur les Questions du XX. Extraordinaire §
SUR LES QUESTIONS du XX. Extraordinaire.
Si la beauté de l’Esprit est plus propre à charmer que celle du Corps.
Oüy, la beauté du Corps mérite nos loüanges,Et jadis elle a remportéLe prix sur toute autre beauté,S’il est vray ce qu’on dit des Anges.***On vit ces Esprits bienheureuxPour elle descendre des Cieux,Attirez icy-bas par les charmes des Femmes ;Et sentir les mesmes transportsQue nous ressentons dans nos ames,Lors qu’elles brûlent pour les Corps.***C’est un conte, dit-on, mais le raisonnementProuve encor mieux ce sentiment.Nostre ame unie à la matiere,Pour tout ce qui la touche a de l’empressement,Et s’abandonne toute entiereA l’Objet qui luy semble avoir quelque agrément.***Les sens la trompent aisément,Et la Raison séduite écoute la Nature.L’Ame suit donc ce mouvement,Et sans craindre son imposture,Cherche de la beauté dans le Corps seulement.Pourquoy les Nouveautez plaisent d’abord, & dégoûtent dans la suite.
L’homme est sujet au changement,Et j’approuve fort cet Amant,Qui répondit un jour à sa Maîtresse émeuëDe ce qu’il avoit fait de nouvelles amours.Aminthe m’a charmé, je ne l’avois point veuë,Et pour vous, je suis las de vous voir tous les jours.***Mais l’Homme, à parler sainement,Est capable d’attachement,Et suit toûjours son habitude ;Ainsi j’aime mieux l’autre Amant,Qui répondit en sage & prude,En faveur de l’Objet qu’il voyoit tous les jours.La nouveauté, Philis, est sans-doute agreable ;Mais si l’on veut aimer autant qu’on est aimable,Il n’est encor rien tel que les vieilles amours.***Sur ces deux sentimens je raisonne à ma mode,Et je dis que nostre ame ennuyée icy-bas,Et des mesmes objets, & des mesmes appas,Cherche en la nouveauté le bien qui l’accommode,Mais elle ne l’y trouve pas.***Aussitost cet Objet qu’elle trouvoit si beau,Ne luy paroist plus qu’un lambeauDe quelque vieille réverie ;Qu’un antique Portrait d’un moderne PinceauDont elle voit la tromperie ;Enfin c’est un Bouchon nouveau,Mais c’est la mesme Hôtellerie.S’il faut plus d’éloquence à un General pour animer son Armée ; à un Orateur pour persuader ses Juges ; ou à un Amant pour faire connoistre son amour à sa Maîtresse.
Pour encourager un Soldat,Et luy faire tout entreprendre,Il faut estre dans le Combat,Ou César, ou bien Aléxandre.***Pour charmer une Belle, & pour s’en faire aimer,Par un langage doux & tendre,A moins que de trop présumer,Il faut estre en amour, Céladon, ou Silvandre.***Pour haranguer avec éclatDevant une Cour Souveraine,Il faut estre dans le Sénat,Ou Cicéron, ou Démosthene.***Mais pour sçavoir lequel des troisMérite justement le prix de l’Eloquence,J’avouë icy mon ignorance,Et m’en tiens, Mercure, à ta voix.***Cependant, que l’amour dans les yeux d’un AmantDonne à ses discours d’agrément,Quand il n’a rien qui nous rebute !Et qu’un Capitaine est charmant,Qui ne dit rien qu’il n’exécute,Dont pour persuader le courage suffit,Dont le bras suit la langue, & fait ce qu’elle dit !***Mais j’estime qu’un Orateur,Que n’y l’amour, ny la valeur,Ne rendent pas recommandable,Qui de son propre fond tire ce beau talent,Aux deux autres est préferable,Et doit avec raison s’appeller éloquent.Quelles sont les qualitez necessaires pour bien écrire des Lettres.
Il faut estre galant, il faut estre coquet,Et qu’à bien écrire on excelle,Si l’on prétend par un BilletAvoir l’estime d’une Belle.***Mais si l’on n’a bien de l’esprit,Si l’on ne prend un bon modelle,Si l’on ne fuit quand on écritLe Phébus & le Cacozelle,On ne peut pas, à ce qu’on dit,A moins que de se compromettre,Composer une belle Lettre.***Enfin pour les Lettres d’amour,Amans, je le diray sans cesse,Si vous n’aimez à vostre tour,Ne souffrez jamais que la PresseA vos Poulets donne le jour.Sur l’Origine des Cloches.
De ces Langues de fer l’aigre & perçant langageN’a pas toûjours esté d’usage ;Par d’autres Instrumens le Peuple s’assembloit,Et venoit rendre au Ciel hommageDes graces dont il le combloit.***Dans une oreille délicateLes Cloches font un importun fracas ;Ainsi je ne m’étonne pasQu’on s’éloigne des lieux où ce grand bruit éclate.***De tous les autres sons avec empressementNous voyons que chacun s’approche ;Mais il faut estre bien Normand,Pour se plaire au son d’une Cloche.***Il est vray qu’en de certains tempsLa Cloche plaist à bien des Gens,Quand elle les appelle à table ;Mais qui s’y laisse gouverner,Est sans-doute bien misérable ;Tous les coups qu’on l’entend sonner,Ne disent pas, venez dîner.***Ne cherchons donc pas dans l’HistoireQuel fut jadis son Inventeur ;Comme il méritoit peu d’honneur,Il acquit aussi peu de gloire.Son nom dans la terre il enfoüit,Et parmy les airs sa mémoireAvec le son s’évanoüit.***Mais quoy ? je me mets en colereContre cet Instrument pieux,Que l’on consacre en tant de lieux,Et que dans l’Eglise on révere.Deux Papes, à ce que l’on dit,Mirent les Cloches en crédit,Et les firent servir avec cérémonie,Lors qu’en six cens six, le DestinLeur donna dans la CampanieL’origine & le nom Latin.***Dans la Grece, cent ans apres,Par les Venitiens la Cloche fut portée,Et chez tout ce Peuple usitée,Avec un merveilleux progrés.Ainsi par tout le monde elle se fait entendre.Mais pour mieux nous faire comprendre,Que rien ne la peut égaler,Voicy comme on la fait parler.***On ne fait point sans moy de Feste solemnelle.A loüer du vray Dieu la grandeur immortelleJe fais tous les jours mille efforts.J’appelle les Vivans, & je pleure les Morts.Je repousse icy-bas l’air malin & funeste,J’écarte le Tonnerre, & je chasse la Peste.Du Rosier.
Entiere exposition d’une seconde Ecriture Universelle, par M. de Vienne-Plancy] §
Entiere Exposition d’une seconde
Ecriture Universelle.Pour peu que l’imagination soit féconde, elle fournit plus d’idées qu’on ne veut pour les desseins que l’on entreprend. D’abord, Monsieur, je n’avois pensé qu’à une sorte d’Ecriture, & dans la suite je me suis trouvé en possession de deux. Je vous ay fait part de l’une, dans ma derniere Lettre, voicy l’autre.
Le fort de celle que vous avez veuë, est d’exprimer ses mots par de diférens nombres primitifs, quoy qu’elle n’ait pû raisonnablement s’empescher d’en exprimer plusieurs par les mesmes. Elle en a employé cent à l’expression des articles, & des pronoms ; & une bien plus grande quantité à marquer les parties invariables du discours, & s’est ainsi amplement étenduë à l’égard des autres parties. La méthode que vous allez voir est toute contraire à celle-là ; son fort est de signifier plusieurs mots par les mesmes nombres, bien qu’elle ne se puisse défendre d’en signifier quelques-uns par de diférens. Elle n’en met que six en usage, pour la marque des articles & des pronoms ; & que trois, pour celle de toutes les parties invariables du discours, & se resserre de la mesme maniere dans tout le reste.
La méthode précedente a assez bien suivy mon Projet du Dictionnaire Universel dans l’expression des estres, & dans celle des verbes, quoy qu’elle en ait poussé les nombres beaucoup au dela des bornes de ce Projet. Celle-cy le suit en tout, & avec autant d’exactitude qu’il est possible ; de sorte qu’on peut dire avec raison, qu’elle est le veritable Extrait de ce Dictionnaire.
L’autre méthode ne s’est servie des chifres auxiliaires, que pour marquer les variations des mots, & que pour distinguer les articles d’avec quelques pronoms, certains verbes d’avec ces pronoms & ces articles, & le gros des verbes d’avec les noms subalternes des estres. Celle-cy s’en sert non seulement pour exprimer toutes sortes de variations, mais encore pour signifier ces noms subalternes, & les attacher ainsi plus particulierement à leurs sources ou racines ; si bien que je me trouve obligé d’associer ces chifres auxiliaires avec les primitifs, dans les expressions du Dictionnaire dont je vais donner l’Echantillon, afin de ne pas recommencer deux fois la mesme chose.
Voila les diférences les plus considérables de ces deux méthodes. Les autres se diront bien-tost ; mais pour celles qui ne regardent que la maniere diverse dont j’employe les chifres auxiliaires à l’expression des variations directes, ou obliques des mots, elles se feront assez connoistre sans que j’en dise icy rien davantage.
Echantillon du Dictionnaire
Universel, suivant la Méthode
particuliere.Je divise ce Dictionnaire en trois Parties, comme le precédent. La premiere que voicy, exprime tout ce qui est étalé dans le Projet, excepté les noms propres des lieux, & des Personnes celébres, que je déplace comme dans l’autre méthode, pour les raisons que j’y ay dites ; & cette Partie contient par conséquent plus que la premiere de l’autre Méthode, les parties invariables du discours, & les proverbes. La seconde Partie marque les noms numéraux, & la troisiéme comprend les noms, exceptez que je viens de marquer.
On ne sçauroit se passer du premier & du second membre de cette division, à cause des deux expressions, la naturelle & l’étrangere qu’ont les mesmes chifres ; & quoy que le troisiéme pust estre joint au premier, & mis à sa fin, j’ay jugé à propos de l’en séparer, pour ne le pas abandonner tout entier aux grands nombres ; neantmoins il sera libre de l’y réünir.
Je distingue aussi comme dans l’autre Méthode ces trois Parties, par la diférente situation de leurs enseignes. La premiere à la sienne inserée, ou dessus. La seconde l’a inserée & dessous, ou seulement dessous ; & la troisiéme l’a inserée, & dessus tout ensemble. Cet ordre n’est pas semblable à celuy de la Méthode précedente, à cause des parties invariables du discours, & des proverbes, qui n’occupent pas la mesme place en celle-cy, qu’en celle-là, comme je le viens de dire. Je me tais de l’expression des voyelles, & des consonnes, j’en feray mention à part à la fin de cette Lettre, comme j’ay fait à la fin de ma derniere.
Quant à la signification des enseignes, celles que je mets sur les chifres, celle que je place dessous, & l’apostrophe qui est une des enseignes inserées, marquent en general les mesmes parties du discours dans les deux Méthodes ; mais il en va autrement de leur détail, comme il s’y verra, & encore de l’autre enseigne inserée, je veux dire, de la division.
Vous avez veu, Monsieur, que j’ay employé cette derniere enseigne de trois façons dans la Méthode précedente. La premiere, comme une barre ou ligne droite ; la seconde, comme une barre courbe ; & la derniere, comme une barre circonflexe, & que j’ay marqué par la barre droite les noms substantifs de qualité, les adjectifs qui s’y rapportent, & leurs adverbes ; & de plus les trois temps de l’infinitif de tous les verbes ; par la barre courbe, les autres temps & les autres variations du verbe personnel ; & par la barre circonflexe, celles du verbe impersonnel.
L’usage que je fais icy de ces trois barres, a plusieurs choses semblables à celuy-là, & beaucoup plus de diférentes. La barre droite m’y aide bien à exprimer les trois temps des infinitifs, mais je m’en sers encore à marquer la déclinaison des pronoms personnels, des articles, & de la plûpart des noms substantifs. La barre courbe y contribuë de mesme à signifier les variations du verbe personnel, mais de plus je m’en sers à exprimer celles du verbe impersonnel, le gros des pronoms, & la plûpart des noms substantifs, des adjectifs & de leurs adverbes ; & j’y employe la barre circonflexe à marquer seulement le reste de ces noms, & de ces adverbes. Voila la conformité, & la diférence de la signification de cette enseigne dans les deux méthodes.
Je subdivise la premiere Partie de ce Dictionnaire à l’imitation du Projet. Les neuf nombres simples y expriment comme dans le Chapitre préliminaire, les six cas de l’article, avec tous les pronoms, & encore les parties invariables du discours, que je réduits à trois.
Les nombres de deux chifres y marquent, comme dans les neuf premiers Chapitres, toutes les sortes d’estres, avec leurs accompagnemens.
Et les nombres de trois chifres y signifient, comme dans le reste des Chapitres, les verbes, avec les noms verbaux ; mais je distingue les verbes en deux, comme les noms des estres, je veux dire, en principaux & en subalternes ; & ce n’est que les verbes principaux que je marque par trois Chifres, j’en employe quatre à exprimer les autres. C’est-là l’ordre de cette premiere Partie, & la division de ses chifres primitifs. Voicy un Echantillon de son détail, & le commencement du Dictionnaire.
1. signifie l’Article general au nominatif, & au vocatif, 2. au genitif, 3. au datif, 4. à l’accusatif, 5. au cas libre, & 6. à l’ablatir. J’appelle cet article, article general, parce qu’on le peut employer au lieu du définy, ou de l’indefiny, & pour toutes sortes de genres. Il a esté aussi inventé pour marquer simplement les cas dans les Langues, qui ne les distinguent point par de diférentes terminaisons. Il sera pourtant libre de s’en servir dans cette Méthode, parce que tout ce qui s’y décline a ses cas diversifiez, & exprimez par ces mesmes chifres, comme dans la Méthode précedente, mais d’une maniere diverse, ce qui s’éclaircira dans la suite. Les expressions de cet article general doivent avoir une barre sur elles, & c’est ce qui les distingue des pronoms & des articles particuliers qui ont la barre inserée, & que j’exprime par les mesmes chifres à l’exemple du Projet. Et ainsi cet article fait icy une exception aux regles generales, comme dans l’autre Méthode ; mais de peu de considération veu son peu d’étenduë, & veu la liberté qu’on a de s’en passer, en toutes deux.
J’avois dit dans ma Lettre de la Grammaire Universelle, que je mettrois les pronoms au genre libre. Toutesfois cette abbréviation m’ayant moins plû dans la suite, que la distinction des trois genres, d’où résulte une plus parfaite expression, j’ay reformé ce principe dans ma Lettre de vostre XIX. Extraordinaire page 299. lors que j’y ay marqué que je distinguerois les trois genres dans les adjectifs, & que j’étendrois mesmes cette diversité jusqu’aux pronoms personnels. En effet je l’ay pratiqué de la sorte dans la Méthode précedente, & j’en use de mesme en celle-cy. Ainsi,
1′1. signifie je, ou moy, premier pronom personnel au masculin.
1′2 le signifie au feminin. 1′3. au genre libre.
J’attache à la suite de ce pronom, les pronoms possessifs qui luy appartiennent.
1′4. signifie mon ou le mien au masculin. 1′5. ma ou la mienne au feminin, 1′6. mon ou le mien au genre libre. 1′7. signifie nostre ou le nostre au masculin. 1′8. nostre ou la nostre au feminin. 1′9. nostre ou le nostre au genre libre.
1 ~ 101. signifie le pronom de mon Païs au masculin. 1 ~ 102 le signifie au feminin. 1 ~ 103. au genre libre. 1 ~ 104 signifie le pronom de ma Famille au masculin. 1 ~ 105. au feminin. 1 ~ 106. au genre libre. 1 ~ 107. signifie le pronom de ma Religion au masculin. 1 ~ 108. au feminin. 1 ~ 109. au genre libre.
1 ~ 201. 1 ~ 202. 1 ~ 203. signifient le pronom de nostre Païs en ses trois genres. 1 ~ 204. &c. celuy de nostre Famille, & 1 ~ 207. &c. celuy de nostre Religion.
C’est ainsi que je joints sans confusion, & sans équivoque, les dépendances & les dérivez à leurs sources ou racines ; & c’est aussi, Monsieur, le grand secret de cette Ecriture. Vous jugez bien par ce debut, que j’ay le champ libre pour ajoûter un bien plus grand nombre de pronoms à la suite du premier personnel, si je le veux ; mais je ne trouve pas à propos d’y en mettre davantage, parce que ceux-là sont les seuls qui luy appartiennent naturellement, & je ne puis avoir de meilleure regle que la nature.
2′1. signifie tu ou toy, second pronom personnel au masculin. 2′2. le signifie au feminin. 2′3. au genre libre. Comme ce pronom a des suites égales au premier, je les exprime de mesme. Leur diférence n’est que dans leurs chifres primitifs.
3′1. signifie il ou soy, troisiéme pronom personnel au masculin. 3′2 signifie elle 3′3. il. Ce pronom a aussi des suites pareilles aux précedens ; mais je luy en donne encore d’autres, & je luy joints qui ou lequel, avec les pronoms d’interrogation. Ainsi,
3 ~ 301. signifie qui ou lequel, pour la Personne. 3 ~ 304. le signifie pour la chose. 3 ~ 307. pour les deux. 3 ~ 401. signifie qui ? qui est-ce qui ? 3 ~ 404. qui est là ? qui va là ? 3 ~ 407. quel ? lequel ? 3 ~ 501. signifie qui ou lequel des deux, de luy ou de l’autre, &c. Je n’ay marqué que le genre masculin de ces pronoms, parce qu’il est aisé de former les deux autres genres, sur le modele des pronoms precédens.
Apres les trois pronoms personnels & les suites que je leur donne, je place les trois articles particuliers.
4′1. signifie le article définy. 4′2. la, 4′3. le 5′1. signifie un article indéfiny, 5′2 une. 5′3. un 6′1. signifie l’article double, ou le pronom l’un l’autre, &c. L’usage de ces articles est plus exact que celuy de l’article general ; & quoy qu’on s’en puisse passer, aussi bien que de luy, au moins des deux premiers, on pourra pourtant s’en servir pour plus d’amphase, comme j’ay dit dans l’autre Méthode, ou les exclure pour abreger.
J’ajoûte à leur suite les autres pronoms pour l’exécution du Projet ; mais je laisse sans employ leurs six derniers chifres auxiliaires simples, tels que sont 4′4. 4′5. 4′6. 4′7. &c. 5′4. 6′4. &c. afin qu’il y ait une distance remarquable entre ces articles & ces pronoms, & je mets dix-huit pronoms apres chacun de ces Articles.
Ainsi 4 ~ 101. signifie un, l’un. 4 ~ 104. un certain. 4 ~ 107. quelque, quelqu’un. 4 ~ 201. il, le, cet, &c. 4 ~ 301. l’aprochant. 4 ~ 405. autre, un autre. 4 ~ 501. cet autre 4 ~ 601. l’éloigner, &c.
5 ~ 101. signifie quïconque, &c. & 6 ~ 101. signifie le reste des pronoms.
Il seroit inutile de les raporter tous. Il suffit de faire connoistre la maniere de les exprimer. J’aurois pû les placer à la suite des trois chifres primitifs des pronoms personels, & on le pourra faire si on le veut ; mais j’ay crû en devoir charger aussi ceux des articles, afin qu’estant distribuez en plus de chifres primitifs, il y ait entre eux une diférence plus facile à observer.
7. seul, ou suivy d’un, ou de plusieurs chifres, avec son enseigne sous luy, signifie les adverbes ordinaires, & les interjections. 8. de mesme, exprime les conjonctions ; & 9. les prépositions. Voicy quelques exemples de leurs expressions, & premierement des adverbes.
7. signifie d’accord, 71. oüy, 72. non, 73. ne, ne pas. 74. plus, 75. moins, 76. aussi, autant, 77. bien, fort, beaucoup, 78. mal, peu, 79. entre-deux, passablement, ny bien ny mal.
711. signifie oüy en verité, 712. non seûrement, 713. ne, ne point, &c. Les expressions des adverbes estant achevées, qui montent à deux cens ou environ, comme je l’ay dit dans l’autre Méthode, les interjections commencent.
7201. signifie helas ! 7202. ah, ah ! ohimé ! 7203. ah Dieu ! ô Dieux ! juste Ciel ! &c.
8. signifie la conjonction &, 81. la signifie encore, 82. signifie ny, 83. ou, soit.
9. signifie la préposition en, dans, 91. dedans, 92. prés, auprés, proche, 91. chez, 94. avec, &c.
C’est ainsi que j’exprime les parties invariables du discours, & on les pourra pousser si loin qu’on voudra, pourveu que l’on commence toûjours leurs expressions par leur chifre de distinction, qui est le premier en chacune.
La diférence qu’il y a dans cette Méthode entre les adverbes ordinaires, & ceux des adjectifs, est que les ordinaires ont leur premier chifre, ou chifre primitif borné à 7. & ont tous les autres libres, au lieu que les adverbes des adjectifs commencent par toutes sortes de chifres, ainsi que les noms d’où ils dérivent, & se terminent par 7.
Sur cela, Monsieur, il est bon de vous avertir que dans les expressions de toutes ces parties invariables, il n’y a que le premier chifre qui soit primitif, & que tous les autres sont auxiliaires ; & que je ne mets l’enseigne sur ces expressions, que pour les faire connoistre avec plus de facilité & de promptitude, mais que dans le fonds, c’est comme si je l’inserois entre leur premier chifre, & ceux de sa suite, & que je marquasse par exemple, 7′1. 7. 19. & 7. 201. au lieu de figurer 71. 71 9. & 7201. avec l’enseigne sur eux.
Il en est de mesme de l’expression de conjonctions & des prépositions, comme de celles-là ; ce qui fait voir que je n’employe pas davantage que le Projet, de chifres primitifs, à marquer toutes ces parties invariables, contre ce qui vous a pú sembler d’abord.
Quant aux premieres de leurs expressions, qui consistent dans un seul chifre avec l’enseigne sur luy, comme font aussi celles de l’article general, on ne peut pas changer cette enseigne en inserée, puis que ce chifre est seul, & n’a point de suite. Toutesfois on le pourra, si on le veut ; mais il faudra suposer un zéro apres l’enseigne, & comme s’il y avoit 7′0. 8′0. 9′0. au lieu de 7. 8. 9. seuls, avec le trait dessus.
Voila la maniere dont j’exprime distinctement par les seuls nombres simples, tout le détail des cinq ou six parties du discours qui sont contenuës dans les neuf premieres Sections du Projet.
Je signifie ensuite par les nombres de deux chifres, tous les noms principaux, & les subalternes des estres, qui sont compris avec leurs dépendances dans les quatre-vingts dix Sections suivantes.
10. est la marque de la premiere de ces Sections, & le nombre primitif du souverain des estres. Je vais rapporter les chifres auxiliaires dont je me sers pour son expression, & pour celle de ses attributs genéraux, & de ses particuliers.
10′1. signifie estre, nom principal & attribut general. 10′2. signifie substance, nom de mesme nature. 10′3. signifie esprit, nom de mesme. 10′4. signifie Dieu.
Voicy les dépendances du nom estre, 10 ~ 100. signifie sa qualité, essence. 10 ~ 101. son adjectif au masculin, essentiel. 10 ~ 102. au feminin, essentielle. 10 ~ 103. au genre libre, ou essentiel, & 10 ~ 171. son adverbe essentiellement.
Voicy les noms subalternes qui regardent ce nom principal. 10 ∽ 1001. signifie unité. 10 ∽ 1002. verité. 10 ∽ 1003. bonté, &c.
Voicy les dépendances de ces noms subalternes. 10 ∽ 1101. signifie l’adjectif d’unité au masculin, ou un. 10 ∽ 1102. au feminin, ou une. 10 ∽ 1103. au genre libre, ou un. 10 ∽ 1171. son adverbe.
10 ∽ 1201. signifie l’adjectif de verité au masculin, ou veritable. 10 ∽ 1202. au feminin. 10 ∽ 1203. au genre libre. 10 ∽ 1271. son adverbe, veritablement. 10 ∽ 1301. signifie l’adjectif de bonté au masculin, bon. 10 ∽ 1302. au feminin, ou bonne. 10 ∽ 1303. au genre libre, ou bon. 10 ∽ 1371. son adverbe, bonnement.
Telle est l’expression de tous les noms principaux, de tous les noms subalternes, & de la dépendance des uns & des autres ; & il est presque inutile que j’en rapporte d’autres exemples, d’autant que vous jugez bien par celuy-là que 10 ~ 201. signifie substantiel. 10 ~ 301. spirituel, & 10 ~ 400. divinité. 10 ~ 401. divin. 10 ~ 471. divinement. 10 ∽ 4001. indépendance. 10 ∽ 4101. indépendant. 10 ∽ 4171. indépendamment. 10 ∽ 4002. simplicité. 10 ∽ 4003. immutabilité. 10 ∽ 4004. infinité, &c.
Neantmoins je vais encore ajoûter icy l’exemple des Animaux à quatre pieds, afin que l’un serve d’éclaircissement à l’autre.
46′1 signifie Animal à quatre pieds en general. 46′2. sa femelle. 46′3. .… 46′4. leur Petit. 46′5. leur Petite. 46′6. leur Troupeau. 46′7. celuy qui en à soin. 46′8. celle qui en a soin. 46′9. leur giste ou leur retraite.
46 ~ 100. signifie la qualité de l’Animal. 46 ~ 101. son adjectif. 46 ~ 171. son adverbe. 46 ~ 200. la qualité de sa femelle. 46 ~ 201. son adjectif. &c. 46 ~ 400. la qualité de leur Petit. 46 ~ 500. la qualité de leur Petite, &c.
46 ∽ 1001. signifie Eléphant. 46 ∽ 2001. signifie Dromadaire. 46 ∽ 3001. Chameau. 46 ∽ 4001. Cheval, &c.
Quant au détail, 46 ∽ 4001. signifie Cheval. 46 ∽ 4002. Cavalle. 46 ∽ 4003. Hongre. 46 ∽ 4004. Poulain. 46 ∽ 4005. Poulaine. 46 ∽ 4006. Haras. 46 ∽ 4007. Ecuyer. 46 ∽ 4007. Palefrenier. 46 ∽ 4008. Ecuyere. 46 ∽ 4008. Palefreniere. 46 ∽ 4009. Ecurie.
46 ∽ 4100. signifie la qualité du Cheval. 46 ∽ 4101. son adjectif. 46 ∽ 4171. son adverbe. 46 ∽ 4200. la qualité de la Cavalle. 46 ∽ 4300. la qualité du Hongre, &c. Il en est de mesme des dépendances de tous les autres noms qui sont compris dans cette neuvaine, chacun a sa qualité, son adjectif, avec ses trois genres distincts & son adverbe.
J’ay dit dans ma Lettre de la Grammaire Universelle, que je mettrois les noms de Dieu, & des Esprits, au genre masculin ; mais j’ay pensé depuis qu’on n’y devoit mettre que ce qui estoit doüé du sexe masculin, & que tout le reste appartenoit au genre libre. L’observation qu’il faut joindre à cette réforme, est qu’il n’y a que les pronoms & les noms adjectifs, dont je marque les genres par les chifres ; ceux des noms substantifs sont marquez par la nature, & cela suffit. Ce n’est pas que quand j’ay à exprimer des noms substantifs qui sont doüez de sexe, je ne leur assigne toûjours des auxiliares, qui ont du rapport avec les genres des adjectifs, mais dans le fonds ces chifres n’expriment que l’ordre des substantifs dans les neuvaines ; & s’ils signifient aussi le genre, ce n’est que par rencontre & par accident. Cette observation est pour la Méthode précedente, aussibien que pour celle-cy.
Vous avez veu, Monsieur, dans cette premiere Méthode, qu’où la fécondité du détail des Sections excede les bornes ordinaires, j’ay recours pour y fournir aux trois accents Grecs, que je nomme pour cet effet accents d’augmentation, que je les place sur le dernier chifre de mes expressions abondantes, & puis sur le pénultiéme de leurs quatre primitifs, pour ne pas embarasser leurs deux premiers, d’aucun mélange, à cause qu’ils marquent leurs sources ou racines. Cette seconde Méthode recourt aussi dans le besoin à ces accents, mais la crainte de l’embarras dont je viens de parler, l’empesche de les mettre sur les chifres primitifs de ses expressions lors qu’elles n’en ont que deux, & les luy fait placer sur leurs chifres auxiliaires ; & comme ces chifres sont d’ordinaire au nombre de quatre également susceptibles de ces accents, il en resulte une fois autant d’expressions diférentes que dans l’autre Méthode, c’est à dire, 3402.
Je me sers aussi, comme elle, du premier de ces accents à d’autres usages, ce qui a déja paru dans la maniere dont j’ay distingué le caractere du Palefrenier, d’avec celuy d’Ecuyer, & ce qui paroistra dans la suite.
Apres l’expression des estres, & avant celle des verbes, je place les proverbes, comme j’ay proposé de le faire dans le Projet ; & j’employe à les marquer, les nombres de trois, & de quatre chifres qui finissent par un zero, avec la barre sur eux, à commencer par 110. 120. 130. &c. comme dans l’autre Méthode. Surquoy il faut observer, que c’est comme si je les exprimois par deux, & par trois chifres primitifs avec l’apostrophe inserée, & que le zero fust auxiliaire ; & que je marquasse par exemple, 11′0. 12′0. 101′0. 102′0. &c. au lieu de 110. 120. 1010. & 1020. avec la barre dessus.
Je les divise aussi en neuf clefs, comme dans la Méthode précedente, & ce que j’en ay dit là, servira icy, puis qu’il n’y a point d’innovation, & qu’il seroit inutile de repeter deux fois la mesme chose.
Les verbes s’expriment dans le Projet, par les nombres de trois chifres, & j’imite cet ordre à l’égard des verbes principaux. 100-10. signifie estre de soy-mesme, ou par sa propre vertu, verbe affirmatif. 100-20. signifie devoir son estre, son opposé ou négatif. 100-30 & 100-3′0. les retours d’action de ces deux verbes.
100-40. signifie estre souverain, dominer 100-50. estre sujet, dépendre 100-60. & 100-6′0. leurs retours. 100-70. signifie estre de tout temps. 100-80. estre de nouveau, son négatif. 100-90. & 100-9′0, leurs retours. Ces verbes sont particuliers à cette Méthode, & apartiennent en general à la dixiéme Section qui regarde Dieu & ses attributs, & se forment comme il se voit, par l’adition d’un zero primitif à son nombre 10.
101-10. signifie estre ou exister, &c. 101-40. signifie paroistre. 101-50. estre invisible. son negatif. 101-70. agir. 101-80. estre sans action. Ces verbes sont deubs au non estre, que j’ay exprimé par 10′1. par où l’on connoist la maniere dont ils se forment, qui est par le changement du chifre auxiliaire du nom en chifre primitif, & par sa jonction au nombre de la Section. Usage qui est commun à la composition de tous les autres verbes particuliers qui ont trois chifres primitifs. Ainsi,
102-10. signifie subsister. 103-10. penetrer. 104-10. creer. 104-20. aneantir. 104-30. & 104-3′0. les retours d’action de ces deux derniers verbes. Il en est de mesme de la suite des précedens, & de celle des suivans. 104-40. signifie conserver. 104-50. délaisser ou négliger, &c. verbes qui appartiennent à substance, à esprit, à Dieu.
105-10. signifie commencer. 105-20. finir. 105-40. continuer, &c. verbes de travail dont Dieu a donné l’éxemple à l’Homme.
460-10. signifie servir de nourriture, nourir. 460-40. porter. 460-70. tirer. verbes qui appartiennent en general aux Animaux à quatre pieds, qui sont de service.
461-10. couvrir. 461-40. &c. verbes qui appartiennent au masle. 462-10. signifie retenir. 462-40. estre pleine. 462-70. faire Petits, &c. verbes qui appartiennent à la femelle. 463-10. & suivans, verbes qui appartiennent au Hongre. 464-10. &c. verbes qui appartiennent au Petit, &c.
Quant aux noms verbaux qui dérivent des verbes principaux, ils s’expriment par leurs trois chifres primitifs ; voicy leurs substantifs.
Un seul chifre auxiliaire, marque les substantifs qui contiennent l’action ou la passion du verbe, & trois auxiliaires expriment les autres. Ainsi,
104′1. signifie creation. 104 ~ 101. signifie Createur. 104 ~ 102. Creatrice. 104 ~ 103. signifieroit le nom du temps, si le verbe creer en avoit un, comme regner à regne, & comme veilleir & veillir, ont veille & veillesse. 104 ~ 104. signifie Creature, relation directe. 104 ~ 105. Creature, encore si l’on veut le premier au genre masculin, & l’autre au feminin. 104 ~ 106. signifient le nom de l’Instrument, si ce verbe en avoit un, comme encenser à Encensoir, & comme mesurer à Mesure. 104 ~ 107. & 104 ~ 108. signifieroient aussi des noms de relation indirecte s’il en avoit, comme boire à beuvetier & beuvetiere ; & 104 ~ 109. signifiroit le nom du lieu, s’il y en avoit, comme regner à Royaume, & comme boire à Beuvette. Le tout par rapport à l’autre Méthode.
Les adjectifs des verbes s’expriment par quatre auxiliaires. 104 ∽ 4101. signifie le premier adjectif du verbe actif conserver. 104 ∽ 4201. le second. 104 ∽ 4301. le troisiéme. 104 ∽ 4401. signifie le premier adjectif du verbe passif estre conservé. 104 ∽ 4501. le second. 104 ∽ 4601. le troisiéme. 104 ∽ 4701. signifie le premier adjectif du verbe meslé, se conserver. 104 ∽ 4801. le second, & 104 ∽ 4901. le troisiéme.
Tous les autres noms substantifs ou adjectifs des verbes, se marquent par ces mesmes chifres auxiliaires.
Les verbes subalternes s’expriment par les nombres de quatre chifres primitifs. Ainsi, 1011-10. signifie unir. 1011-20. des-unir. 1011-30. réünir. 1011-3′0. redes-unir. 1011-40. joindre. 1011-50. diviser, disjoindre. 1011-70. assembler. 1011-80. separer, &c.
1012-10. signifie dire la verité. 1012-20. mentir.
1013-10. signifie abonir. 1013-20. empirer. 1013-40. ameliorer. 1013-50. déteriorer. 1013-70. rendre parfait. 1013-80. son negatif, verbes qui appartiennent aux qualitez naturelles de l’estre.
4640-10. sign. hennir. 4640-40. &c. verbes qui appartiennent en general à Cheval, à Cavalle, à Hongre, & encore au second ternaire de leur neuvaine.
4641-10. sign. saillir. 4641-40. &c. verbes qui appartiennent au Cheval. 4642-10. signifie retenir. 4642-40. estre pleine. 4642-70, poulainer, verbes qui appartiennent à la Cavalle, &c.
4647-10. signifie monter à cheval. 4647-40. aller à cheval. 4647-70. exercer le Cheval, faire manége, verbes qui appartiennent à l’Ecuyer. 4647′-10. signifie panser. 4647′-40. étriller. 4647-70 bouchonner, verbes qui appartiennent au Palefrenier.
Il faut remarquer que les verbes generaux de quatre chifres, se forment par l’adition du premier & du second chifre auxiliaire des noms, à qui ils appartiennent, aux chifres primitifs de ces noms. Ainsi, 4640-10. verbe general qui signifie hennir, vient de 46 ∽ 4001. caractere du Cheval, ou de 46 ∽ 4002. caractere de la Cavalle, ou de 46 ∽ 4003 caractere du Hongre, &c. mais les verbes particuliers, se forment par l’adition du premier & du quatriéme auxiliaire. Ainsi, 4641-10. verbe particulier qui signifie saillir, vient de 46 ∽ 4001. caractere du Cheval. 4642-10. verbe de mesme, qui sign. retenir, vient de 46 ∽ 4002. caractere de la Cavalle, &c.
Vous voyez par là, Monsieur, qu’il n’y a pas un seul nom à qui cette Méthode ne puisse attribuer particulierement trois verbes affirmatifs, trois negatifs, & six de retours d’action, sans compter les verbes generaux ou communs, & à qui elle n’attribuë toutes ces sortes de verbes, suivant sa nature & sa portée ; d’où il résulte pour cette seconde Ecriture, une abondance infinie d’expressions exactes & délicates, qui n’a point son égale dans la précedente, ny dans aucune autre.
Les noms de ces verbes subalternes, ont quatre chifres primitifs comme eux, & leurs auxiliaires sont tels que ceux des noms des verbes principaux. Ainsi, 1012′2. signifie menterie, ou mensonge. 1012 ~ 201. signifie menteur. 1012 ~ 202. menteuse. 1012 ~ 203. &c.
1012 ∽ 2101. signifie le premier adjectif actif du verbe mentir. 1012 ∽ 2401. signifie le premier adjectif passif, & 1012 ∽ 2701. signifie le premier adjectif du verbe meslé.
SECONDE PARTIE.
Les nombres qui demeurent en leur nature, & qui ne signifient rien d’étranger, font le sujet de cette Partie, comme dans l’autre Méthode. Elle met comme elle, une enseigne particuliere sous leurs chifres, qui est une barre droite pour les nombres cardinaux, & une courbe pour les ordinaux. Je suppose l’une & l’autre, pour épargner de la peine à ceux qui s’en serviront ; & voicy quel est le reste de leur expression.
Les nombres cardinaux peuvent estre considerez comme indéclinables, & comme déclinables. Si on les employe de la premiere façon, ils n’ont besoin que de leur enseigne particuliere ; mais si on les met en usage comme déclinables, il leur faut ajoûter l’enseigne inserée. Ainsi.
2′1 signifie deux au masculin du nombre pluriel, parce que le nom n’a point de singulier, non plus que tous ceux des nombres qui le suivent. 2′2. le signifie au feminin. 2′3. au genre libre. 2′4. signifie double au masculin. 2′5. le signifie au feminin. 2′6. au genre libre. 2.71. signifie deux fois, adverbe. 2.74. signifie doublement, autre adverbe. 2-40. signifie doubler. 2-50. signifie dédoubler. 2-60. redoubler. 2-6′0. redédoubler. 2 ~ 401. doubleur. 2 ~ 402. doubleuse. 2 ~ 403. doublement. 2 ~ 406. duplicité. Ces deux derniers noms occupent ces places qui demeureroient vuides, parce que ces verbes ne marquent ny la circonstance du temps, ny celle de l’instrument ; & ils pourroient difficilement estre mieux placez ailleurs que là. 2 ∽ 4101. signifie le premier adjectif actif du verbe doubler. 2 ∽ 4401. signifie le premier adjectif passif. & 2 ∽ 4701. le premier adjectif du verbe meslé. Sur le modelle de l’expression de ce nombre, on peut former les expressions de tous les autres.
L’ordinal, deuxiéme, par exemple se marque comme deux, & au singulier aussi-bien qu’au pluriel, second comme double, deuxiémement comme deux fois, secondement comme doublement, seconder comme doubler, &c. leurs caracteres ne diferent que par la diversité des barres qu’ils ont sous eux. Il faut pourtant sçavoir, que pour marquer la deuxiéme fois ou la seconde fois, on doit employer le 8. au lieu du 7. qui est destiné à l’expression des adverbes ordinaires. Ce qui se fait sans danger d’équivoque.
Ainsi il se voit qu’il en est de mesme de l’expression des nombres ordinaux, que des cardinaux ; & que cette Méthode ne tombe pas dans l’embarras de la précedente, au sujet de leurs verbes negatifs, de leurs verbes de retour d’action, & des noms qui dérivent des uns & des autres. Les exemples que j’en ay rapportez, suffisent pour apprendre à les marquer avec toutes leurs dépendances.
DERNIERE PARTIE.
Cette Partie regarde les noms des Lieux, & des Personnes celébres, & se borne à leurs expressions. Elle a une enseigne particuliere sur les chifres qui marquent ces noms, outre l’inserée, comme dans l’autre Méthode. Je supose cette enseigne particuliere ; voyez l’autre avec ses chifres.
1′1. signifie l’Asie. 1′4. Asiatique au masculin. 1′5. au feminin. 1′6. au genre libre. 1′71. Asiatiquement, adverbe.
2′1. signifie l’Europe. 3′1. l’Afrique. 4′1. l’Amérique. 5′1. la Terre Australe.
11′1. signifie la Chine. 11′4. Chinois. 11′5. Chinoise, &c. 12′1. la Tartarie. 13′1. le Japon. 14′1. l’Inde Orientale, &c.
11-01. signifie Fohy, premier Roy de la Chine. 11-02. Xinnung, deuxiéme Roy. 11-03. Hoang, troisiéme Roy, &c. 11-09. le neufviéme Roy. 11 ~ 100. le dixiéme Roy. 11 ~ 101. l’onziéme Roy, &c. 11 ~ 200. le vingtiéme Roy. 11 ~ 300. le trentiéme. 11 ~ 909. le quatre-vingts-dix-neuviéme.
11 ∽ 1001. signifie Canton, premiere Province de la Chine. 11 ∽ 1004. son adjectif Cantonnois. 11 ∽ 2001. Quamsi, seconde Province. 11 ∽ 3001. Yunxan, troisiéme Province, &c.
11 ∽ 1101. signifie Canton, Ville Capitale de la Province de Canton. 11 ∽ 1104. son adjectif Cantonnois. 11 ∽ 1201. seconde Ville de cette Province. 11 ∽ 1301. troisiéme Ville, &c. 11 ∽ 2101. signifie la Ville Capitale de la Province de Quamsi. 11 ∽ 3101. celle de la Province d’Yunxam, &c.
11 ∽ 11101. signifie un Homme celébre par la valeur, de la Ville de Canton. 11 ∽ 11102. une Femme fameuse par la mesme qualité. 11 ∽ 11201. un Homme celébre par la sagesse, du mesme lieu. 11 ∽ 11301. un Homme celébre par les Sciences de ce mesme lieu, &c. 11 ∽ 12101. un Homme illustre par la valeur, de la seconde Ville de la mesme Province. 11 ∽ 13101. un Homme pourveu de la mesme qualité, de la troisiéme Ville, &c. 11 ∽ 21101. un Homme estimé par la valeur, de la seconde Province. 11 ∽ 31101. un Homme en mesme estime, de la troisiéme Province, &c.
Le premier accent d’augmentation, est employé icy comme dans l’autre Méthode, pour marquer les Etats, les Provinces, & les Villes considérables des Provinces, qui sont au dela de neuf ; & pour redoubler aussi le nombre des Personnes celebres. Cet accent se met sur le chifre auxiliaire, dont on veut augmenter l’expression. Il seroit superflu d’en rapporter des exemples, cet usage est assez intelligible sans leur secours, & l’on en peut voir dans la Méthode précedente, si l’on en a besoin.
Voila, Monsieur, un Echantillon du second Dictionnaire Universel dans ses trois Parties, & le chemin ouvert pour leur donner toute leur étenduë, avec ordre, & sans peine. Je suis vostre, &c.
De Vienne-Plancy.
Relation d’une Feste donnée aux Dieux par Neptune dans son Palais, à l’occasion de la naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne §
RELATION D’UNE
Feste donnée aux Dieux par Neptune dans son Palais, à l’occasion de la Naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne.La Seine n’eut pas plûtost informé Neptune de l’heureuse naissance du Prince, Petit-Fils de Loüis XIV. que ce Dieu, pour faire mieux éclater sa joye, dépescha un Triton vers Eole, pour l’inviter à la Feste qu’il préparoit. Par cet Exprés, il le prioit d’envoyer à l’instant par toute la Terre, comme au Ciel, & mesme aux Champs Elisées, des Vents pour donner avis à toutes les Divinitez de se rendre incessamment dans son Palais. Toutes choses se trouverent prestes à leur arrivée, ce puissant Dieu de la Mer n’ayant eu besoin que d’une parole, pour rendre ce Palais aussi magnifique & aussi pompeux qu’il le devoit estre pour une Feste de cette importance. Des Murs de Cristaux s’éleverent en un instant, & ils furent extraordinairement illuminez par les Astres qui estoient attachez à leur voûte, comme autant de Lustres sans prix ; le Soleil ayant laissé ces Astres dans l’onde, afin de fournir sa carriere. Des Rubis, des Saphirs, des Emeraudes, des Opales, & une infinité de Pierreries mises en œuvre dans ces Murs superbes, rendoient encore une lueur surprenante. La Salle où le Festin estoit préparé, avoit d’un côté des Cartouches qui s’échapoient des Festons de Roseaux, Ornement convenable à la demeure du Dieux des Eaux. Ces Festons regnoient un peu plus bas que la Corniche de la Voute. On avoit mis des Roseaux tout autour de ces Cartouches, & on les avoit composez chacun d’une écaille de Tortuë de Mer, à peu prés de l’étenduë d’une Rondache ou Bouclier, où se voyoient les Devises qui suivent. Mais pour faire que la graveure en parust davantage, des grains de sable d’or pris dans le Pactole, avoient esté appliquez dans les rayes gravées sur ces Ecailles. Le premier Cartouche contenoit une Devise pour Loüis le Grand. Le corps de la Devise estoit un Trident sur une Mer, & avoit ces mots pour ame,
Hoc moventur, & sedantur.Pour marquer que comme Neptune peut agiter les Flots de la Mer & les calmer d’un coup de Trident ; de mesme le Roy de France, qui mérite si bien de porter le Sceptre, a luy seul le pouvoir de mettre en guerre tous les Peuples de l’Europe, & de leur rendre la Paix. Dans le second Cartouche estoit la Devise de la Reyne, dont une riche Perle faisoit le Corps, animé de ce Vers,
Je suis riche dedans autant que par dehors.Ce qui faisoit entendre que les perfections du cœur de cette grande Princesse, ne le cedoient point à celles de son corps. Le Cartouche suivant représentoit un Dauphin, avec ces paroles,
Comitate & præstantia.A cause que Monseigneur le Dauphin n’est pas moins recommandable par sa douceur que par son rang. Madame la Dauphine avoit dans sa Devise une Syrene, avec ces mots,
Ma voix enchante les Mortels.En effet, cette Princesse parle d’une maniere si juste, qu’elle charme tous ceux qui l’entendent. Le dernier Cartouche renfermoit la Devise du petit Prince ; le corps estoit une branche de Corail exposée à l’air, environnée de ce Vers,
On verra croistre au jour ma force & ma vertu.Voila ce qui se voyoit à l’un des côtez de la Salle. De l’autre estoient autant de Cartouches, mais dans la mesme situation que ceux des Devises. Les Armes des mesmes Personnes Royales estoient arborées dans ces Cartouches. Le jeune Prince estant l’ame de la Feste, Neptune avoit fait mettre son nom sur le Mur, qui faisoit le fond de la Place. Il estoit marqué en grosses lettres capitales de Rubis, de Nacre, & de Coquillage, avec tout l’artifice & toute la richesse possible ; & au dessus de ce nom, il y avoit un Daiz qui le couvroit, enrichy de toute sorte de Pierreries du travail d’Amphitrite. Des quatre coins du Daiz pendoient quatre Couronnes, que des Syrenes avoient cüeillies sur des Plages diférentes. Les deux Couronnes qu’on voyoit sur le devant, estoient de Laurier & d’Olivier ; les deux autres du fond, d’Epics & de Roses, pour marquer que ce jeune Prince ayant pris naissance en un temps, où par les soins de Loüis le Grand son Ayeul, regnoient la Vertu & la Paix, l’Abondance & les Plaisirs, il ne pouvoit manquer d’estre heureux, riche, puissant, & glorieux toute sa vie. Au bas du Mur s’élevoit un Trône sur le creux d’une large Conque. La Salle estant superbement préparée de cette maniere, & le Couvert mis, les Dieux se rendirent tous au Palais de Neptune ; mais Jupiter arrivant des derniers, & fendant la foule des Tritons pour entrer dans la Salle, Mercure qui le précédoit le Caducée sur l’épaule, crioit, place, place à Jupiter, & ensuite s’adressoit aux Dieux de cette maniere. Assurément Jupiter a plus de sujet qu’aucun de vous, de se réjoüir de la naissance du Duc de Bourgogne, puis que ce jeune Prince doit estre un jour des Successeurs de Francion, ce Francion si chery de Jupiter, qu’il le déroba à l’embrasement de Troye. Depuis ce temps-là ce Troyen, & tous ceux qui luy ont succedé, ont esté les Favoris de Jupiter, plus particulierement que tous les autres descendans du Héros. Tous les Dieux tombant d’accord de cette verité, allerent embrasser la cuisse à leur Souverain, & chacun luy baisa la main l’un apres l’autre ; apres quoy Jupiter commença le premier à se dépoüiller du sérieux & de la contrainte, & les autres Dieux à son exemple ne penserent qu’à la joye. Ils se mirent à table sur des Sieges de Mousse, & d’abord ils donnerent fortement sur l’Ambroisie, qui estoit accommodée de cent façons diférentes, mais délicates. Cependant les Flustes douces, & les Hautbois faisoient une Symphonie charmante. Echo, qui s’estoit multipliée dans tous les coins du Palais, rendoit le Concert plus agreable. Durant le Repas, la conversation roula sur ce que Loüis XIV. avoit toutes les vertus des plus grands Héros. On assura qu’il parloit bien, & faisoit de mesme ; & qu’il gouvernoit l’Empire des François avec tant de prudence, qu’il méritoit de gouverner tout le Monde ; Que jamais on n’avoit veu un Monarque plus digne de porter le Diadéme ; & que comme on ne verroit jamais son pareil, il estoit à souhaiter pour ses Sujets qu’il se vist beaucoup de Successeurs de son vivant, afin qu’il les portât luy-mesme à la vertu par son exemple. Cela donna lieu à Apollon de composer sur le champ cette Epigramme.
Les Dieux ayant comblé de gloireLOUIS cet illustre Vainqueur,Luy font naître en ce jour un second Successeur,Pour de ce trait encore embellir son Histoire.Couvert de ses Lauriers, dans un heureux repos.LOUIS sur son Modelle éleva des Héros.Chaque Dieu s’efforça d’imiter Apollon, & voulut donner des Vers sur le mesme sujet. Il n’y eut pas jusqu’à Momus qui n’en montrast. Comme il luy est impossible de se démentir sur ses manieres badines & folastres, il tira de sa poche plusieurs Papiers. Sur l’un estoit, Requeste aux Dieux, pour envoyer en France un second Moliere. Sur un autre on lisoit, Avanture touchant le Cramoisy. Sur un autre encore, Beauté de Philis comparée à une Haye d’Epines. Enfin sur le quatriéme Papier estoit, Sonnet en Bouts-rimez, au sujet de la Naissance du Duc de Bourgogne. C’est un Impromptu, dit-il, qui m’est échapé ce matin dans l’Anti-Chambre de Jupiter, lors qu’on y parloit d’aller chez Neptune. Le Peigne à la main, & demandant s’il estoit jour chez ce Dieu, j’ay révé aux Boutsrimez, & avant qu’il m’ait fallu le salüer, j’ay achevé le Sonnet. Vous verrez bien qu’il est fait pour estre montré dans la Feste que donne Neptune.
SONNET.
Dans ce Palais superbe ou l’on voit Jupiter,Esculape au besoin nostre Pharmacopole,Silence, avec son Fils Bacchus ce bon Frater,Et la venérable Ops, cette vieille Nicole ;***Où Coclus est aussi, cet impuissant Pater,Mars qui dans les Combats pour LOUIS caracole,Thémis dans le Barreau qui fait tant disputer,Neptune sur les Eaux qui régit la Boussole ;***Où se trouvent encor l’Echanson immortel,La Concorde, & la Paix, sans crainte du Cartel,Et le Dieu qui fait naître une amoureuse affaire ;***Enfin, où l’on rencontre avec le Dieu des Vers,Chaque Déesse, & Dieu de ce vaste Univers,S’ils ne bûvoient au Duc, eh que voudroient-ils faire ?Tous les Dieux se mirent à rire sur la fin de ce Sonnet, & il n’y en eut aucun qui ne se fist donner du Nectar. Momus voyant qu’Apollon s’impatientoit & haussoit la teste ; Il me semble, dit-il, que le Dieu des Muses méprise & critique mon Sonnet. J’avouë qu’il n’a pas les marques d’un chef-d’œuvre de la versification Françoise, mais aussi il faut tomber d’accord que la conclusion en est assez bonne, puis qu’à la fin de sa lecture tous ceux de la Réjoüissance se sont mis à boire. Il est vray que les Dieux celebrerent si bien la santé du Prince nouvellement né, & qu’ils burent tant, que Momus au sortir de table, estoit de l’opinion de Copernic, & tenoit avec luy que la Terre & l’Eau tournoient, & que le Ciel estoit immobile. Ils passerent tous dans une autre Salle pour y prendre d’autres divertissemens. Neptune qui retient dans l’onde toutes les Images des corps qui s’y présentent, en avoit choisi les plus belles pour en orner cette Salle. On y voyoit de tres-beaux panchans de Rives couverts d’Arbres & d’Herbes fleuries, des Oiseaux d’un plumage extraordinaire, des Personnages au naturel contre les Murs, comme un Narcisse, & d’autres, sur tout une Philis qui se miroit dans l’eau quelquefois, & qui se faisoit mille Adorateurs. Ce qu’on ne doit pas ômettre, c’est que la Renommée ayant souvent parcouru les Mers avec le Portrait de Loüis le Grand sur la Banderolle de sa Trompette, & quelquefois avec ceux des Princes de la Maison Royale, ces Portraits s’y voyoient en parade, enrichis de riches Broderies. Au fond de la Salle estoit un Theatre, où l’on représenta la Comédie en présence des Immortels. Des Tritons & des Syrenes joüerent les rôles de toute la Piéce. Dans les Entre-actes, on dança un Ballet, dont le sujet estoit la destinée de Mr le Duc de Bourgogne. Dans la premiere Entrée, des Tritons habillez à la Françoise alloient consulter la Sybille de Cumes, pour sçavoir d’elle jusqu’à quel degré de gloire montera un jour ce jeune Duc. La Sybille leur jettoit des Feüilles, sur lesquelles il estoit écrit que ce Prince dans toute l’étenduë de sa vie, aura trois Maistresses, à sçavoir, la Vertu, la Sagesse, & la Gloire. Dans la seconde Entrée paroissoit l’Enfance, accompagnée de ses jeux. La Vertu, la Sagesse, & la Gloire, s’y trouvoient aussi, mais sans qu’on pust bien les distinguer. La troisiéme Entrée estoit l’Adolescence, & à sa suite les Exercices de la Dance, des Armes, & du Manege. Les plaisirs de la Chasse, du Jeu, & d’autres convenables à un Prince bien élevé, se mêloient dans cette Entrée. Les trois Maistresses destinées au jeune Duc, y venoient, mais ayant le visage plus découvert que la premiere fois. Dans la quatriéme Entrée l’Age viril se montroit. La Guerre, la Paix, arrivoient sur le Theatre, & les trois Maistresses ne manquoient pas de s’y trouver avec toutes les Livrées qui les distinguent. La cinquiéme Entrée estoit composée de la Vieillesse, du Repos, & de la Tranquillité. La Vertu, la Sagesse, & la Gloire, y paroissoient dans tout leur jour, & estoient mesme embellies. On n’eut pas plûtost finy le Ballet, & par conséquent la Comédie, que les Dieux témoignerent estre satisfaits de l’un & de l’autre. Ils tomberent d’accord tout d’une fois que si le jeune Duc cherissoit, jamais les trois Maistresses que luy donnoit la Sybille, avec autant d’ardeur que Loüis le Grand les cherissoit, il seroit digne que l’Empire François portât ses Lys plus loin que ne volerent autrefois les Aigles Romaines, & que le Soleil n’en vit jamais les ruines, comme il voit à présent celles de Rome qui fut si florissante. Ils sortirent apres cela, mais dans la résolution de se signaler tous par de magnifiques réjoüissances, afin qu’on puisse dire effectivement que la joye que sa Naissance a causée est universelle, & que l’on en voit des témoignages au Ciel aussi bien que sur la terre.
de la Salle, Sieur de Lestang.