Extraordinaire du Mercure galant, quartier d'avril 1679 (tome VI).
[explications de l'énigme du Tambour] §
Des deux Enigmes du Mois d'Avril, il n'y a eu que celle du Tambour, qui ait fait faire quelques Explications. Je vous les envoye.
I.
Rassurez-vous, trop heureux Ennemis,
Le Grand LOUIS content de vous voir si soûmis,
Veut faire cesser vos allarmes.
Il vous accorde un bien qui passe vos souhaits.
Tout prest de vous détruire, il arreste ses armes,
Renonce à triompher, et vous donne la Paix.
Allez, Galant Mercure, allez Courir des Dieux,
Le faire sçavoir en tous lieux,
Chauffez vos talons et vos aisles ;
Volez sans vous lasser et la nuit, et le jour,
Et pour dire aux Mortels ces heureuses nouvelles,
N'oubliez pas vostre Tambour.
GERMAIN, de Caèn.
II.
Les conquestes de Mars se font avec grand bruit,
Le nombre, le fracas, le tumulte les suit.
En celles de Vénus il faut tout le contraire,
Le secret, les écarts, le silence, & les nuit,
Toute chose propre au mistere.
Ainsi défaites-vous du Mercure François,
Marchez toûjours en Tapinois,
Les Beautez ont plaisir à se laisser surprendre ;
Si l'on osoit mesler le grand bruit en amour,
Ce seroit alors vouloir prendre
Les Lievres au son du Tambour.
LE DRUIDE LYONNOIS.
III.
Le Mercure Galant va par toute la France
Publier la Paix à son tour,
Et pour nous exciter à la réjoüissance,
Il ne manque pas de Tambour.
JARRES.
IV.
Ah c'est me faire trop chercher
Ce qu'en vain vous voulez cacher
Sous l'obscurité d'une Enigme.
Pensez-vous que nous soyons sourds ?
Non, non, malgré les tours & détours de la Rime,
Nous entendons bien les Tambours.
HORDÉ, de Senlis.
V.
Mercure que je lis & la nuit, & le jour,
Tant je t'admire, & tant je t'aime,
Certes sans battre le Tambour,
Tu fais assez de bruit toy mesme.
MARIE GAUVIN, de Chastillon sur Seine.
[Paroles d'un concert de musique] §
Les vers qui suivent ont esté faits pour estre chantez, & forment une espece de Divertissement, auquel ce que disent les Muses sert de Prologue.
PAROLES D'UN
CONCERT
DE MUSIQUE,
POUR UN JEUNE PRINCE.
LES MUSES.
PRINCE, vous n'entendrez que les paisibles sons
De nos tendres Chansons,
Tandis que vous suivrez les Filles de Mémoire ;
Mais lors qu'on vous verra dans toutes les saisons
Cueillir à pleines mains les fruits de la Victoire,
Nous prendrons bien de plus hauts tons,
Pour faire éclater vostre gloire.
LES AVANTAGES DE L'AMOUR.
La fierté & l'indiférence des Braves qui font sous la protection de Minerve, ne plaisant pas à ceux qui suivent l'Amour, il arrive souvent quelques petites contrarietez entre ces deux Partys, mais la fin en est toûjours avantageuse aux Amans ; car enfin les Sçavants & les Guerriers aiment à leur tour comme les autres. C'est l'idée de ce Divertissement.
LE PARTY DE MINERVE,
& le Party de l'Amour ensemble, au jeune Prince.
Que de grandeurs vous promettez !
En mille rares qualitez,
Vostre aimable Jeunesse abonde,
Et de l'air dont vous estes fait,
Vous deviendrez le plus parfait,
Et le plus grand Prince du Monde.
PARTY DE L'AMOUR.
Ah que ce Prince est aimable !
Ah ! Dieux ! qu'il a de beauté !
PARTY DE MINERVE.
Je connois à la fierté
Qu'il se rendra redoutable,
PARTY DE L'AMOUR.
Il faudra pourtant un jour
Qu'il obeïsse à l'Amour.
L'Amour est un Dieu plein de charmes,
On ne sçauroit luy resister.
En vain on voudroit contester,
Il faut qu'on luy rende les armes.
PARTY DE MINERVE.
Un grand Prince est maistre de soy,
Et l'Amour n'a rien qui l'étonne.
On ne peut recevoir la Loy,
Quand on la donne.
PARTY DE L'AMOUR.
L'amour n'exempte point les Rois,
Ils ont tous jusqu'icy reconnu son Empire,
Et les plus fiers n'oseroient dire
Qu'ils n'ont pas aimé quelque fois.
Les deux Partys ensemble.
Puis que ce Dieu ne fait grace à personne,
Il faudra que le Prince aime enfin à son tour,
Et nous le verrons quelque jour
Prendre autant d'amour qu'il en donne.
Un Berger tendre qui les croit d'accord, se mesle avec eux.
Tous trois ensemble.
Tout doit songer
À s'engager,
C'est une Loy supréme.
Tout doit songer
À s'engager.
Le Prince comme le Berger,
Il faut que tost ou tard tout aime,
Tout aime, tout aime.
LE BERGER seul.
Depuis que j'ay veu Lisete,
Et que j'aime ses beaux yeux,
Il semble que ma Musete
Chaque jour s'accorde mieux.
Quand Lisete vient l'entendre,
Elle a mesme un plus beau son,
Elle m'inspire un air tendre
Que je donne à ma Chanson.
Les Bergers du voisinage
Sont sans cesse à m'écouter.
Ils viennent dans ce Boçcage,
Et tâchent de m'imiter ;
Mais ils y perdront leur peine,
Ils n'apprendront jamais rien.
Ma leçon leur sera vaine,
S'ils n'aiment pas assez bien.
LES DEUX PARTYS,
& le Berger ensemble.
Tout doit songer
À s'engager,
C'est une Loy supréme, &.
PARTY DE MINERVE.
On se plaint en aimant
Qu'on vit incessamment,
Dans les feux, dans les chaînes.
On dit qu'Amour n'a point de tranquile loisir,
Et s'il ne cause mille peines,
Qu'il ne peut causer un plaisir.
PARTY DE L'AMOUR.
Tout les frivoles discours
Qu'on fait contre les Amours,
Ne peuvent allarmer qu'une Ame trop crédule ;
Leurs douceurs ont charmé nos plus fameux Héros.
On parle des Amours d'Hercule,
Comme on parle de ses Travaux,
LES DEUX PARTYS,
avec le Berger ensemble.
Ne contestons jamais,
Ne contestez jamais,
Finissons nos querelles.
Finissez vos querelles.
L'Amour porte des traits
Pour punir les Rebelles ;
Mais pour les tendres cœurs,
Et les Amans fidelles,
Il n'a que des douceurs.
Encor ensemble.
Tout doit songer
À s'engager,
C'est une Loy supréme, &.