1851-01-15, de  Delacroix, Eugène à  Delaroche, Paul.

Mon cher ami,

Vous m’avez bien manqué l’année dernière à pareille époque et vous me manquez bien encore dans ces moments. J’aime à me flatter que vous m’auriez aidé et conseillé dans la recherche où je suis lancé aujourd’hui comme je l’étais alors.

La mort de Drolling 1 laisse de nouveau une place vacante à l’Académie. Ma persistance est grande pour l’obtenir, puisque voilà la sixième fois que je me présente2. Mais les concurrents sont redoutables. Je dois dire cependant que l’accueil que j’ai reçu à ma [p. 2] dernière candidature3 a été de nature à donner à mes espérances une sorte de corps. L’accueil de quelques personnes que j’avais lieu de croire contraires a été différent de celui que j’avais rencontré à mes présentations précédentes. En un mot, il y a progrès et je l’ai constaté par les 7 voix que j’ai eues, contraste formel avec le résultat des candidatures antérieures.

Plusieurs de nos conversations et la connaissance que je crois avoir de vos sentiments me donnent l’assurance que votre appui ne me manquerait pas dans cette circonstance. Est-ce que l’influence d’un homme comme vous, même [p. 3] à distance, n’aurait pas d’effet sur les amis qui vous écoutent comme vous le méritez ? Je vous fais juge de la possibilité de quelques démonstrations de votre part pour un vieux camarade qui a été heureux de vous connaître un peu davantage depuis le temps assez récent où nous avons été plus souvent réunis.

Dans tous les cas, un mot affectueux de vous me fera grand plaisir. Recevez, en attendant, mon cher ami, l’expression de mon regret pour le motif qui vous éloigne, puisque c’est la santé de votre enfant, et celle de mon sincère attachement.

Eug. Delacroix