1775-07-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis Gaspard Fabry.

Monsieur,

Vôtre place et vôtre caractère vous mettent à portée de secourir les oprimés.
Je servirai autant que je le pourai sous vôtre bannière.

Je ne sais s'il convient que j'ose écrire à M: Le controlleur général sur l'affaire d'un particulier, après l'avoir pressé hier d'accorder à nôtre province tout ce que nous lui avons demandé. J'ai écrit aussi à Mr De Trudaine, que sa mauvaise santé empêche quelquefois d'accélérer les affaires.

A l'égard du sr Oulric, je vais faire assurément tout ce qui dépendra de moi pour adoucir son malheur, et pour réprimer si je puis, la fourberie et l'insolence de son persécuteur Abraham Meunier.

Je vais écrire d'abord à Mr Tiffey, directeur des domaines à Dijon. J'écrirai ensuite à Mr L'Intendant et vous voudrez bien appuier mes remontrances par vôtre médiation qui aura plus de poids que la mienne. J'agirai auprès de Monsr Le Procureur de Roi du païs de Gex, pour empêcher Abraham Meunier d'empoisonner Ferney de sa mauvaise viande. C'est un scélérat qui d'ailleurs m'a volé dix Louis d'or que je lui avais prêtés dans le tems qu'il était mon boucher. Je n'ai pas de billet de lui, parce qu'alors j'avais en lui quelque confiance, et qu'il ne sait pas écrire. Mais je puis aumoins lui redemander cent francs, puisque j'ai pour témoins le sr Wagniere et le sr Perrachon, et qu'il est permis par la loi de redemander en justice cent francs, en produisant des témoins.

Voicy un petit billet que je prends la liberté de vous communiquer pour le procureur Martin, que je charge de poursuivre cette affaire.

Je retrouve dans ce moment, un billet de Perrachon, par lequel il déclare que je paiai 670 £. pour aider Abraham Meunier, le 23e May 1771: peut être obtiendrons nous justice contre ce malheureux Abraham.

Souffrez, Monsieur, que je vous suplie aussi d'envoier à Morellet cet autre billet, par lequel je le prie de différer autant qu'il le poura toutes les poursuites contre vôtre protégé Oulric.

Je suis d'ailleurs entièrement à vos ordres, et j'ai l'honneur d'être avec le plus véritable et le plus respectueux attachement

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire