1770-11-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Vasselier.

Mon cher correspondant, je reçus par la dernière poste, un gros paquet de M. le Duc De Choiseul que ses secrétaires avaient oublié de contre signer.
Je l’ai trouvé taxé de trois livres. J’ai renvoié l’adresse à Versoy pour y être fait droit à Lyon. Ce paquet contenait la Lettre de M: Le Duc De Choiseul cy jointe qui s’est déchirée en ouvrant la première envelope. Je vous la renvoie telle qu’elle est, mon cher correspondant, afin que vous aiez la bonté de la faire parvenir à Salce à son adresse.

De plus, le même paquet contenait un brevet de Brigadier pour mon neveu La Houlière commandant à Salce; et c’est ce même brevet que je lui envoie aujourd’hui par Lyon cacheté de mon cachet; il en paiera le port avec plaisir.

Cette petite affaire bien éclaircie, il faut que je vous dise encor un mot des Perra et du Duc de Pequigny qu’on fait le héros de cette affaire. Il se peut à tout force qu’un gagne denier un peu vif ait sanglé un bon souflet à un Duc; mais il est impossible que ce gagne denier en ait demandé pardon au st Esprit, quand ce Duc n’est pas chevalier du st Esprit.

Mais que ce soit le Duc de Pequigny ou un autre à qui on ait sacrifié la petite Lerouge, cette affaire m’embarasse. On me reproche de m’être trop avancé en assurant qu’il n’y avait aucun coupable. Il est de la plus grande probabilité que c’est le corps de la Lerouge qu’on a retrouvé dans le Rhône; et il serait bien étonnant qu’un enfant de cinq ans et demi, dit avoir vu les choses singulières qu’il n’a point vues. On dit qu’il n’est pas rare à Lyon qu’on jette des filles dans le Rhône après avoir couché avec elles. Cependant, les Perra me paraissent innocents, et je crois que le tribunal de Lyon a très bien jugé. Reste à savoir qui a jetté la Lerouge dans le Rhône.

Mille tendres compliments à Monsieur Tabareau. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

A L’égard du plan de l’embellissement de vôtre ville, je crois qu’avant de commencer cet ouvrage il faudrait s’adresser à quelqu’un qui eût la pierre philosophale.