1770-02-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Joseph Panckoucke.

Consolez vous, monsieur; il est impossible que les captifs qui sont à Alger ne soient pas délivrés par les mathurins quand le temps sera favorable; puisqu'on a rendu les premiers on rendra les seconds.
Les cadets ne peuvent être traités plus durement que les aînés.

J'ai dû à m. d'Alembert et à m. Diderot la politesse que j'ai eue pour eux. Il n'était pas juste que mon nom parût avant le leur, et il faut surtout qu'il n'y paraisse point. Ceux qui travaillent à deux ou trois volumes de Questions sur l'Encyclopédie croient vous rendre un très grand service. Ils donnent les plus grands éloges à la première édition, ils annoncent la seconde; ils espèrent décréditer un peu les contrefaçons, et ils s'amusent.

Je n'ai point vu mon ami Cramer; tout est en combustion dans Genève, tout est sous les armes; on a assassiné sept ou huit personnes juridiquement dans les rues, dans les maisons; un vieillard de quatre-vingt ans a été tué en robe de chambre; une femme grosse bourrée à coups de crosse de fusil est mourante; une autre est morte. Cramer commande la garde. Il faut espérer que son magasin ne sera pas brûlé. Le diable est partout. J'espère que je l'exorciserai, en qualité de capucin; car il faut que vous sachiez que je suis agrégé à l'ordre des capucinq par notre général Amatus de Lamballa, résidant à Rome, qui m'a envoyé mes lettres patentes. C'est une obligation que j'ai à st Cucufin, et j'en sens tout le prix. Je prie dieu pour vous. Recevez ma bénédiction.

frère François V., capucin indigne