1767-01-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine Jean Gabriel Le Bault.

Monsieur,

Il y a environ six semaines que j'ai reçu cent bouteilles de vin sans aucun avis, et comme nous sommes bloqués actuellement de tous côtés par les soldats et par les neiges, il ne m'est pas possible de savoir d'où ce vin nous est venu.
Je soupçonne que c'est vous qui me l'avez envoyé, et je voudrais savoir ce que je vous dois. Plût à dieu que votre bonté pût nous consoler dans la disette extrême où nous sommes de tout ce qui est nécessaire à la vie; nous manquons de tout sans aucune exagération. Nous sommes précisément à Ferney comme dans une ville assiégée. Je ne m'attendais pas à soutenir ici les horreurs dela guerre dans mes derniers jours. Cela serait bien plaisant si cela n'était pas insupportable.

Je vous supplie de me mettre aux pieds de madame Le Bault, de m. le premier président, et de m. le procureur général.

J'ai l'honneur d'être avec bien du respect, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire