1757-08-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Joseph Thoulier d'Olivet.

Un Crammer, mon cher maitre, m'a dit de vos nouvelles, que vous vous portez mieux que jamais, que vous vous souvenez encor de moy, et que voulez que j'envoie mon maigre visage pour mettre à côté de votre grosse face.
Tout cela est il vray? et ma fisionomie ne sera t'elle point de contrebande? que faittes vous de tant de portraits? Bientôt le Louvre ne les contiendra pas. Portez vous bien et conservez vous, voylà le grand point. C'est peu de chose d'exister en peinture. Si j'avais un portrait de Ciceron je l'encadrerais avec le vôtre. Mais pour moy je ne serai tout au plus qu'avec Capistron ou Crébillon. Dites moy, je vous prie, si révérence parler vous n'ètes pas notre doyen? Il me semble que cette sublime dignité roule entre mr le maréchal de Richelieu et vous.

J'ay bien une autre question à vous faire. Olivet n'est il pas dans mon voisinage, près de St Claude? n'allez vous jamais chez vous? ne pourait on pas espérer de vous voir dans mon hermitage des Délices? Je mourrais content.

Interim vale et tuum discupulum ama.

le suisse V.