Plombières, jeudi 9 juillet 1744
J'arrivai ici hier soir assez fatigué.
J'avais couché mardi à Langres où m. de Langres m'accabla d'amitiés. Je vous retrouve partout.
J'ai aussi passé par Cirey. C'est une chose rare. Ils sont là tous deux tout seuls, comblés de plaisirs. L'un fait des vers de son côté, et l'autre des triangles. La maison est d'une architecture romanesque et d'une magnificence qui surprend. Voltaire a un appartement terminé par une galerie qui ressemble à ce tableau que vous avez vu de l'école d'Athènes, où sont rassemblés des instruments de tous les genres, mathématiques, physiques, chimiques, astronomiques, mécaniques, etc. et tout cela est accompané d'ancien laque, de glaces, de tableaux, de porcelaines de Saxe, etc. Enfin, je vous dis qu'on croit rêver. Il m'a lu sa pièce. J'en ai été très content. Il n'a pas omis aucun de mes conseils, ni aucune de mes corrections, et il est parvenu à être comique et touchant. Mais que dites vous de Rameau qui est devenu bel esprit et critique, et qui s'est mis à corriger les vers de Voltaire?
J'en ai écrit à m. de Richelieu deux fois. Ce fou là a pour conseil toute la racaille des poètes. Il leur montrera l'ouvrage. L'ouvrage sera mis en pièces, déchiré, critiqué, etc., et il finira par nous donner de mauvaise musique, d'autant plus qu'il ne travaillera pas là dans son genre. Il n'y avait que les petits violons qui convinssent, et m. Richelieu ne veut pas en parler….